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31 / 03 / 2021 | 442 vues
Jérémy Girard / Membre
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Actionnariat salarié : levier d’intéressement et de motivation des équipes

Présentant de nombreux avantages, pour les collaborateurs et pour les entreprises, l’actionnariat salarié se développe en France. Encouragé par la loi PACTE, ce dispositif est déjà privilégié par de grandes entreprises comme Essilor, Eiffage ou Verralia, qui en ont fait un pilier de leur réussite.

 

La France est le n° 1 européen de l’actionnariat salarié. Initiée par le Général de Gaulle, l’entrée des salariés dans le capital de l’entreprise qui les emploie s’est en effet fortement développée dans notre pays. Le benchmark annuel de la Fédération française des associations d’actionnaires salariés (FAS) et de LHH Altedia révèle ainsi « une nette augmentation de la part d’actionnaires salariés, un contexte favorable au développement de cette pratique et un nombre record d’offres proposées ».


Selon la dixième édition de cette étude, en 2019, 73 % des répondants (entreprises du CAC 40, du SBF 120 et grandes entreprises non cotées) comptent plus de 50 % d’actionnaires salariés (chiffre en progression de 12 points en un an). Quant au seuil des 3 % du capital détenu par les salariés, obligeant la désignation d’un représentant au conseil d’administration, il concerne désormais près d’une entreprise sur deux (48 %), contre 35 % en 2018. En 2019, 53 % des entreprises ont lancé une opération d’actionnariat salarié, ce qui constitue également un record.


Pourquoi un tel engouement ? Offres attractives (avec décote et abondement), communication efficace et fiscalité favorable constituent les facteurs les plus incitatifs. Les récentes mesures adoptées dans le cadre de la loi PACTE en faveur de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié sont également très encourageantes. L’employeur peut désormais effectuer un abondement unilatéral sous forme d’actions, sans que les salariés ne soient obligés de participer... L’abondement destiné à un investissement en titres d’entreprise n’est plus soumis au forfait social de 20 %.

 

Un système qui cumule les avantages
 

Les dispositifs de l’actionnariat salarié permettent d’acquérir des actions dans des conditions préférentielles grâce au rabais sur les prix (décote) et au complément versé par l’entreprise (abondement). Bénéficiant en France d’une fiscalité avantageuse pour les salariés et pour les entreprises, l’actionnariat salarié a pour premier objectif de permettre aux salariés de réaliser un bon placement et de constituer une épargne.
 

Mais il présente également l’avantage pour l’entreprise d’augmenter l’implication et la fidélisation des salariés dans l’entreprise. Ce type de dispositif permet d’aligner les intérêts des salariés et ceux des managers sur les objectifs de développement de l’entreprise. C’est un bon moyen de renforcer la cohésion et de sensibiliser les salariés aux objectifs économiques et financiers. C’est aussi un moyen de redistribution de la richesse créée, qui associe directement le salarié à la croissance de l’entreprise.
 

L’actionnariat salarié se traduit également par des droits de vote et une participation à la gouvernance de l’entreprise. Dans les sociétés cotées où les salariés détiennent plus de 3 % du capital, un ou plusieurs administrateurs au conseil d’administration ou au conseil de surveillance sont élus par l’assemblée générale des actionnaires, sur proposition des actionnaires salariés. L’actionnariat salarié permet ainsi à l’entreprise de bénéficier d’un actionnariat stable, impliqué et consolidé, avec une vision de long terme, et qui peut constituer un mécanisme de protection contre d’éventuelles tentatives de prise de contrôle (OPA) inamicale de la part d’une entreprise concurrente ou d’un investisseur institutionnel
 

En outre, un fort pourcentage d’actionnariat salarié est désormais un signal positif pour les marchés : il témoigne de la confiance qu’inspire une entreprise à ses salariés.
 

Parmi les meilleurs élèves dans ce domaine, on trouve des groupes industriels comme Essilor ou Total, des « majors » du BTP comme Eiffage, des banques comme la Société Générale ou BNP Paribas, des assureurs comme Axa etc. Le développement de l’actionnariat salarié est plus une affaire de culture d’entreprise que de secteur d’activité.

 

Pour Essilor, un principe fondateur
 

Grand prix FAS 2020 de l’actionnariat salarié, Essilor, par exemple, a fait de l’actionnariat salarié « un principe fondateur du groupe, un levier de sa réussite et l'une des clefs de sa pérennité ». L’actionnariat salarié fait en effet partie intégrante de l’histoire de l’entreprise et de son modèle. Dès sa naissance, en 1972, une société regroupant les cadres actionnaires de la nouvelle entreprise, baptisée Valoptec, s’est en effet constituée. Près de cinquante ans plus tard, le groupe Essilor-Luxottica, issu du rapprochement d’Essilor et de Luxottica en 2018, a été distingué pour « l’intégration réussie de Luxottica dans l’actionnariat salarié, la régularité et la conversion des nouveaux entrants et la poursuite d’une politique de groupe » dans ce domaine.


Essilor a considérablement élargi son implantation mondiale tout en maintenant une implication forte des collaborateurs. Depuis trente ans, le groupe lance un plan d’actionnariat salarié chaque année. Aujourd’hui, plus de 45.000 salariés originaires de 58 pays (soit 65 % des collaborateurs) détiennent une participation financière dans le groupe. Deuxième actionnaire du groupe, les salariés détiennent ensemble 4,3 % de son capital.


Cette importance de l’actionnariat salarié s’accompagne d’un mode de gouvernance original associant les salariés aux grandes décisions d’Essilor. Devenue une association, Valoptec, qui compte 10 000 actionnaires salariés membres, participe activement à la gouvernance du groupe. Elle est représentée par un conseil d’administration international, constitué de seize membres, dont trois font partie du conseil d’administration d’Essilor et siègent au comité stratégique, au comité d’audit, au comité de la RSE et au comité des nominations. Pour Hubert Sagnières (président d’Essilor), « ce succès reflète l’alignement fort des collaborateurs avec notre stratégie. Depuis la création d’Essilor, l’actionnariat salarié a toujours constitué un pilier fondamental de la culture du groupe, au cœur de son modèle de gouvernance unique ».

 

L’actionnariat salarié : un ciment pour Eiffage
 

Chez Eiffage, l’actionnariat salarié connaît également un succès constant depuis son lancement en 1989. Résultat : près de 80 % de salariés sont aujourd’hui actionnaires du groupe, en France et à l’international (87 % des cadres, 67 % des ETAM et 61 % des compagnons). Les salariés détiennent ensemble 17,1 % du capital du groupe, un record en France. Chaque année, un volume d’actions nouvelles est proposé aux salariés du groupe à des conditions privilégiées : décote de 20 % sur le prix de l’action, dividendes réinvestis automatiquement dans le fonds commun de placement d’entreprise (FCPE), conditions avantageuses du plan d’épargne du groupe (PEG), facilités de paiement etc. Tous ces dispositifs permettent aux collaborateurs de profiter des bons résultats économiques du groupe.   
 

Mais « l’actionnariat salarié n’est pas qu’un sujet financier, il est au cœur de notre culture d’entreprise, en ligne avec nos valeurs de partage et d’engagement », explique Sonia Chevalier, directrice de l'actionnariat salarié du groupe. En 2019, Eiffage a fêté les trente ans du rachat de l’entreprise par ses salariés et des débuts de l’actionnariat salarié. « Véritable ciment, l’actionnariat salarié a permis à Eiffage de développer une identité commune forte autour de valeurs partagées qui ont contribué à sa réussite », a souligné Benoît de Ruffray, PDG du groupe, à cette occasion.


Inscrit dans l’ADN du groupe depuis trente ans, l’actionnariat salarié n’a cessé de monter en puissance. Eiffage voit dans ce modèle « une opportunité de renforcer l’implication de ses collaborateurs en rétribuant l’engagement collectif dans le succès de l’entreprise ». L’actionnariat salarié est donc un outil de fidélisation des salariés. C’est aussi un levier d’attractivité pour les filières à l’international puisque ce dispositif est également proposé aux collaborateurs étrangers, du Sénégal à la Belgique. Sans doute est-ce aussi un gage de véritable engagement social, loin des politiques de RSE de pure forme, à même de séduire les donneurs d’ordre publics les plus exigeants en la matière.

 

Verallia : en 5 ans, 37 % des salariés actionnaires

Chez Verallia, leader européen et n° 3 mondial de l’emballage en verre pour les boissons et les produits alimentaires, l’engouement pour l’actionnariat salarié est plus récent. Il date du changement d’actionnaires de l’entreprise en 2015. Depuis cette date, grâce à une vraie volonté politique, à une forte implication du management et à des opérations menées tous les ans, la part de capital de l’entreprise détenue par les salariés est passée de 0 à 3,3 %. Une croissance très rapide qui se poursuit pour atteindre l’objectif fixé de 5 %.

Le groupe souhaite « fédérer ses salariés autour d’un projet commun et les associer à la création de valeur de Verallia ». Depuis 2016, il a ainsi proposé cinq offres d’actionnariat salarié pour ouvrir le capital du groupe à ses collaborateurs, à des conditions qui leur sont réservées. Chacune de ces opérations a rencontré un fort taux de participation, ce qui constitue un message fort d’adhésion et de confiance des salariés à ce modèle. En cinq ans, le taux de salariés actionnaires a ainsi grimpé de 0 à 37 %.

L’opération la plus récente, ouverte en mai 2020 dans huit pays, a suscité la participation de près de 3 300 salariés, soit 42 % des personnes éligibles. L’investissement total des salariés du groupe a dépassé 20 millions d’euros qui, convertis en actions, représentent 0,9 % du capital social et des droits de vote. À ce rythme, la part des salariés dans le capital de l’entreprise atteindra vite la barre des 5 %, puis l’objectif des 10 % mis en avant par le gouvernement dans la loi PACTE.

 

Qu’il soit ancien ou fraîchement mis en place, l’actionnariat salarié séduit à tous les échelons des entreprises : intéressements aux résultats, implications dans la stratégie, motivations des équipes etc. L’actionnariat salarié contribue aussi bien à la résilience des entreprises qu’à leurs performances économiques, tout en facilitant le dialogue social.

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