Santé et sécurité au travail : indivisibles et fondamentales
Alors qu’une pandémie sans précédent touche l’ensemble de la planète, la journée internationale de la santé et de la sécurité au travail du 28 avril prend un caractère encore plus important en cette année 2020. La valeur du travail et surtout la notion de l’humain face à une pandémie n’ont parfois pas pesé bien lourd dans la balance, face aux tenants du maintien absolu de l’économie et de la capacité de production pour certains. Outre l’actualité, les indicateurs de santé et de sécurité au travail dont nous disposons à ce jour en France sont plus que préoccupants.
État des lieux de la santé des travailleurs : un constat saisissant
Le monde du travail évolue à grande vitesse : flexibilité imposée due au numérique, cadences effrénées de production, instabilité de l’emploi et nouvelles formes de travail. On aurait tendance à croire que, dans une société moderne et de plus en plus automatisée, beaucoup de tâches dites pénibles il y a encore quarante ans auraient disparu. Il n’en est rien. Dans les faits, de nouveaux risques et de nouvelles pathologies surgissent, faisant du travail un vecteur important de troubles liés à la santé.
En France, 87 % des maladies professionnelles sont causées par des troubles musculosquellettiques (TMS). Près de la moitié de ces TMS entraînent des séquelles lourdes avec des risques de désinsertion professionnelle. De même, le coût social estimé du stress au travail et des risques psychosociaux fait froid dans le dos : entre 1,9 et 3 milliards d’euros. Cette évaluation comprend les coûts directs (soins et perte de richesse liée à l’absentéisme) et les coûts indirects (renouvellement et perte de main d’œuvre qualifiée). Ces données sont à mettre en corrélation avec une statistique alarmante : 62 % des victimes du travail ont été licenciées pour inaptitude. Menée en 2017 par la FNATH, cette enquête montre à quel point un accident de travail ou une maladie d’origine professionnelle conduit à l’exclusion du monde de l’entreprise.
Une étude de 2014 initiée par la DARES démontre également que 40 % des salariés exercent un travail dit « pénible ». Mais ce pourcentage est sous-estimé. En effet, 4 des 10 facteurs de pénibilité ont été supprimés en 2017, via les ordonnances Macron, privant ainsi des centaines de milliers de salariés d’un accès à une reconversion professionnelle ou à un départ anticipé à la retraite.
Il est essentiel d’agir sur l’amélioration des conditions de travail et la qualité de vie au travail, notamment en sensibilisant tous les acteurs sur les questions de santé, de sécurité et de conciliation de la vie personnelle avec la vie professionnelle. Et pour cause, l’absentéisme est estimé à 108 milliards d’euros par an pour les entreprises françaises.
L’action syndicale : primordiale au bénéfice de tous
Nous en avons des leviers d'action et des revendications. À travers nos activités, la santé et la sécurisation du personnel restent une priorité fondamentale. Les travailleurs ne doivent pas être un bien de consommation mais une force humaine à préserver. Quelle est la solution pour inverser la courbe ? De réels plans de formation et de prévention des risques.
Pas une journée ne passe sans que la question centrale des conditions de travail ne soit exposée. Celles-ci doivent constamment être améliorées pour faire preuve d’anticipation et de prévention et ainsi ne pas figurer dans de sombres statistiques. Véritable droit à la déconnexion, prise en compte renforcée de la pénibilité, application des accords sur le handicap et l'égalité professionnelle, moyens humains et financiers suffisants pour la santé et la sécurité, l’assurance d’avoir un environnement de travail sain et sécurisé etc. sont autant d’exigences martelées par notre organisation syndicales depuis des années.
À ce titre, nos engagés et élus dans les CHSCT et CSST jouent un rôle moteur pour veiller au respect de l’intégrité physique et mentale des salariés. En alerte permanente et en première ligne face à la détresse du personnel, des modules de formation réguliers lui sont destinés pour garantir ses rôles d’expertise face à des situations de plus en plus complexes.
Pour conclure, nous ne pouvons que rappeler un fait historique survenu en 2019. Suite à l’abnégation de notre organisation syndicale sur l’affaire terrifiante et dramatique de France Télécom, le harcèlement moral institutionnel a été reconnu pour la première fois aux yeux de la justice. Ce procès a souligné les pratiques managériales ayant entraîné la souffrance de très nombreux collègues au point d’en faire basculer certains dans des actes désespérés. Constituée partie civile dans ce procès, notre fédération a plaidé pour que les responsabilités des dirigeants de l’époque et de l'entreprise soient établies dans la crise et ses conséquences dramatiques.
Gestion du covid-19 dans nos entreprises
Plus que jamais confrontée à cette situation de crise sanitaire, notre organisation syndicale rappelle qu’il est essentiel de mettre la santé et la sécurité au cœur des organisations de travail. Nous déplorons les attaques successives qui ont mené à diminuer le rôle des CHSCT, des acteurs de la prévention, des médecins du travail et de toute la filière investie au quotidien auprès des salariés. Pour nous, la vie du personnel n’a pas de prix. Il ne faut pas la considérer à la légère, en espérant que les accidents et autres maladies professionnels ne soient que le résultat d'un coup du sort.
Des moyens humains et financiers peuvent être mis en place. Il faut juste une volonté politique !
Une fois de plus, nous ne pouvons qu’accuser la loi PACTE, la loi sur le travail et les ordonnances Macron de 2017, de législativement restreindre le champ de compétences des organisations syndicales. Depuis plusieurs années, nos militants ancrés dans les CHSCT prouvent leurs capacité à alerter de manière réactive, de proposer des mesures de prévention justes et adaptées et de garantir la sécurité de tous. Nous rappelons également qu’il est nécessaire de négocier des accords visant à inscrire les droits et les devoirs de chacun afin d’améliorer les conditions de travail, les modes d’organisation du travail et la conciliation vie privée/vie professionnelle, pour protéger la santé physique et mentale des agents.
On n’a qu’une santé : garantir ce droit humain fondamental est et restera notre priorité.