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Entre conflits et médiations par temps de confinement : quel équilibre entre vie professionnelle et vie privée ?
Le terme « équilibre » exprime l’égalité des poids d’une balance. Les êtres humains, systèmes vivants, répondent à cette quête d’équilibre par un mouvement perpétuel d’ajustements et de réajustements des plateaux de cette balance selon les contraintes variables du milieu intérieur et du milieu extérieur. Le symbole de l’équilibre, la balance, est aussi celui de la justice. Ainsi, ce qu’on nomme homéostasie est une instabilité dynamique qui s’appuie sur deux repères réguliers : la temporalité (temps) et la territorialité (l’espace). En effet, notre corps (système organisé) régule en permanence notre équilibre interne (température, glycémie, pression sanguine…) en fonction des informations qu’il reçoit en boucle continue de l’extérieur et de l’intérieur. Démuni en termes de survie individuelle, l’humain a structuré son espace et sa temporalité selon ses activités sur un mode plutôt collectif ou collaboratif selon les domaines.
- Nombreux sont ceux qui ont rêvé de passer du temps avec leur moitié dans un lieu où personne ne viendrait troubler leur tranquillité amoureuse mais rares sont ceux qui avaient pu imaginer que leur vœu serait exaucé sous la forme d’un confinement en chômage technique pour les uns et télétravail pour les autres.
A 20 heures, le 16 mars dernier, le Président de la république a déclaré le confinement des Français, sans en prononcer le mot. Le Gouvernement a été très clair, « dès lors que les postes de travail le permettent, il faut mettre les salariés en télétravail dans les meilleurs délais et jusqu’à nouvel ordre". L'’article L. 1222-11 du code du travail le prévoit : « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie (…) la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés ». Telle est bien la situation vécue en ce printemps 2020 par la France qui fait face à une épidémie de coronavirus et qui permet donc à tout employeur de placer sous certaines conditions ses salariés en télétravail, sans formalisme particulier et sans que le salarié ne puisse s'y opposer. Pour certains, il conviendra de se référer le cas échéant à l’accord collectif relatif au télétravail ou à la charte le mettant en place dans l’entreprise.
Ainsi, par un mot non prononcé a été créé un nouvel univers. Celui de la soumission volontaire à un quotidien confiné « pour le bien de tous » et dans lequel la relation reprend sa place.
La satisfaction des besoins articule toujours coopération et compétition, surtout sur un territoire restreint
Or, combien de familles ont déjà vécu ensemble 24h/24h sur une longue période dans un lieu à dimension réduite, à part les passionnés de voile qui savent se mettre au diapason sous la loi du skipper, seul responsable à bord ?
Pour certains couples, ce confinement « actif » se présente sous la forme d’un challenge qu’ils vont gagner ensemble, unis contre le virus. D’autres naviguent à vue, au jour le jour. Ils n’ont pas bien déterminé qui est le capitaine de leur embarcation, ni quel est le port d’arrivée. Car l’aventure a commencé d’une façon précipitée : il a fallu agir vite, s’organiser au mieux pour récupérer ses outils professionnels et les effets scolaires des enfants, faire des montagnes de courses…tout cela en un temps record.
Lorsque l’on est contraint de vivre ensemble, les tensions naissent par la confrontation des besoins, des émotions, des valeurs, des croyances, des intérêts qui s’entrechoquent. Les conflits sont naturels et se résolvent le plus souvent spontanément. Mais ils peuvent s’étendre aussi et occuper de façon disproportionnée l’espace relationnel.
Les êtres humains cherchent à satisfaire les mêmes besoins et y parviennent plus ou moins facilement. Mais le temps et les moyens pour y parvenir différèrent selon les individus. La satisfaction des besoins articule toujours coopération et compétition, surtout sur un territoire restreint.
Depuis près de deux semaines, peuvent être confinés, le parent qui part travailler ou télétravaille à heures fixes, celui qui attend d’être fixé sur son futur statut (chômage partiel, congés payés, RTT ?) et celui qui veut se détendre ou qui panique devant la télévision ; l’enfant qui doit suivre ses cours et faire ses devoirs ; le parent qui doit travailler tout en aidant son enfant à faire ses devoirs ou à se connecter, celui chargé de faire à manger, les courses, nettoyer- astiquer (encore plus qu’à l’ordinaire), sortir le chien, continuer à avoir ses propres activités...
Ce virus est hautement porteur d’incertitude et d’imprévisibilité dans son comportement pathogène, renforcé par les informations qui circulent en boucle. Inédit et brutal, le confinement en situation pandémique est un facteur de stress dont on mesurera ultérieurement l’impact (vous pouvez déjà y participer).
Chemin faisant, les membres de la famille vont être amenés à développer leurs compétences relationnelles, leur capacité d’écoute et de dialogue et ce faisant, à se connecter à eux-mêmes, à écouter leurs propres émotions et besoins et ceux des autres, à les mettre en mots afin de les exprimer, à les reconnaître par le dialogue afin de parvenir à les nourrir de façon satisfaisante pour tous. C’est une belle promesse dont la route est ardue.
Pour l’heure, ce sont les émotions que l’on perçoit : peur de la mort (sa propre mort et celle de ses proches), peur de ne pouvoir être auprès de ses parents ou de ses enfants qui vivent en dehors de la ville, tristesse de l’éloignement, peur de perdre son emploi ou de faire faillite, colère contre ceux qui devraient, colère contre ceux qui auraient dû, ceux qui ne respectent pas les mesures de confinement, ceux qui racontent des histoires, contre ceux qui ont fait preuve d’impréparation dans les choix sanitaires .
D’ores et déjà, ce confinement a permis à certains de redécouvrir le temps, d’apprécier le temps qui passe, le temps vécu, les moments de lecture repoussés à plus tard, faute de temps (merci à Sylvie de m’avoir fait découvrir, Voyage autour de ma chambre de Xavier Maistre !). D’autres découvrent le pouvoir positif des échanges et du soutien social. De nombreux groupes ont vu le jour sur les réseaux. Des collègues se donnent rendez-vous pour continuer à travailler ensemble à distance, des chambres de réunion virtuelles éclosent. Chacun retrouve le plaisir d’échanger.
L’impensé du confinement à grand échelle peut-il offrir l’opportunité d’inventer de nouvelles formes de résolution des conflits au sein de la famille ? Créer de nouveaux rituels ? Imaginer s’asseoir autour d’un feu de camp dans le salon ou entrer dans la cabane à dispute pour débattre, discuter, s’organiser et rire ?
Une boucle perpétuelle d’interactions : un besoin de médiation
Le confinement est une donnée totalement inconnue : comment préserver les acquis de la séparation entre vie privée et vie professionnelle ? Comment penser/imaginer cette séparation à l’ère du télétravail ?
Il est particulièrement intéressant de percevoir la quête de l’équilibre vie privée et vie professionnelle comme une boucle perpétuelle d’interactions. Cet équilibre vie privée/vie professionnelle fait l’objet de toutes les attentions depuis plusieurs années en vue de permettre leur conciliation qui serait l’un des facteurs de satisfaction des salariés au travail. Si les textes légaux reconnaissent depuis longtemps le droit à la vie privée, l’évolution des NTIC a nécessité de prendre des mesures pour le protéger. Tel est le cas de la loi sur le droit à la déconnexion qui limite l’intrusion des messages professionnels dans la vie privée ou encore des actions d’évaluation, de suivi, de formation des salariés femmes et hommes, salariés censés veiller à cet équilibre vie privée/vie pro. Ce dernier n’est pas ressenti de façon unanime par toutes et tous. De nombreuses personnes et notamment des femmes ressentent un déséquilibre et en souffrent.
Quel est le rôle de l’employeur dans cette situation particulière de télétravail à domicile en matière de protection et de prévention de la santé et de la sécurité de ses salariés confinés ? Car dans ce contexte particulier, où et quand commencent et s’achèvent la sphère professionnelle et la sphère privée ?
En temps normal, l’employeur, responsable de la sécurité et de la santé de ses salariés, pourrait proposer des formations de prévention et résolution des conflits mais aujourd’hui, comment peut-il aider ses salariés à préserver leur santé tant physique que mentale et relationnelle ?
En temps normal, ces parents pourraient faire appel à un médiateur, professionnel de la communication, qui intervient en temps de crise dans les systèmes familiaux ou professionnels pour aider les personnes concernées à rétablir le dialogue, à s’exprimer dans un cadre sécurisé et bienveillant afin de tenter de trouver les meilleures solutions satisfaisantes pour tous. Mais aujourd’hui ? Un tel médiateur peut-il intervenir en situation de crise sanitaire ? Oui ! Nombreux sont les médiateurs qui ont l’habitude de travailler en visioconférence avec des familles séparées ou des professionnels situés à plusieurs endroits de la planète.
Les pouvoirs publics et les organisations professionnelles, les employeurs devraient communiquer sur les moyens de prévenir et réguler les conflits notamment familiaux, ces informations devraient être accessibles de façon compréhensibles pour tous. Les mesures de financement public devraient être envisagées dans l’intérêt des familles et de la paix sociale. Car, les chiffres ont montré une augmentation des divorces en Chine après le confinement. Il est encore tôt pour savoir si cette brutale hausse est liée au retard éventuellement pris dans le dépôt des demandes de divorces en raison du confinement ou aux conséquences délétères du confinement dans le couple.
Il est nécessaire que les familles, les parents, les salariés, les managers qui sentent que leur communication s’étiole ou que les tensions habituelles ne se régulent pas aussi rapidement qu’à l’ordinaire fassent appel aux médiateurs, ces tiers pacificateurs, afin de retrouver leur équilibre et pour que la crise du coronavirus ne cause pas de victimes indirectes.
Médiateurs, levons-nous !
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