Repenser l'ESS comme la voie d'une alternative
Devant les réseaux de chercheurs de l'ESS réunis par l’Association pour le développement de la documentation sur l’économie sociale (ADDES), quand Jérôme Saddier souligne que l’ESS ne survivra qu’en se pensant comme un projet politique et ajoute que ce projet ne saurait être celui d’une « petite alternative sympathique » mais celui d’une « grande transformation », le secrétaire général de l’Institut Polanyi, que je suis (aussi), ne peut que se réjouir.
Le même jour, Laurent Berger et Thierry Beaudet présentaient le pacte pour le pouvoir de vivre et les 66 propositions « pour un autre modèle de développement » devant les invités de l'Institut Montparnasse rénové.
Faisant référence aux propos du président d’ESS-France et face aux victoires idéologiques des libéraux (que dénonce notamment David Graeber), je demandais au leader cédétiste si les promoteurs de ces propositions, au demeurant toutes justes, pourraient jamais faire l’économie d’un engagement politique pour une transformation sociale radicale vis-à-vis du capitalisme financier dominant. Je n’ai pas eu de réponse de sa part.
Pour reprendre Patrick Viverêt quand il affirme que le capitalisme actuel n’est soutenable ni économiquement (le gouffre entre économie financière et économie réelle), ni socialement (le développement accéléré des inégalités), ni écologiquement (les multiples prédations environnementales), ni démocratiquement (la confiscation du pouvoir par les grands acteurs de la finance), comment peut-on envisager un avenir échappant à la catastrophe prévisible sans de profondes transformations fondées sur l’humain, la solidarité, la démocratie et le respect de la nature ?
De nombreuses initiatives très diverses quant à ceux qui les prennent ou qui y participent semblent converger sur cette transformation. Le 30 juin c’était « le big bang de la gauche écologiste » où politiques, intellectuels et militants du mouvements social se sont retrouvés à l’appel d’Elsa Faucillon (députée communiste) et Clémentine Autain (députée FI).
Les 5, 6 et 7 juillet, c’était le Festival des Idées, à la Charité-sur-Loire, avec d’autres sensibilités mais des interrogations communes, à l’initiative de Christian Paul (ancien député PS) et Guillaume Duval (journaliste à Alternatives Economiques).
Parmi les manifestations de l'ESS de la rentrée, deux seront explicitement centrées sur l’ESS de transformation sociale.
La première sera, du 13 au 15 septembre, au Bourget, la 7e édition du village de l’ESS de la Fête de L’Humanité. Outre la rencontre à travers les stands avec des militants mutualistes, coopérateurs ou associatifs, de nombreux débats auront cette idée de transformation ou les voies de résister à la déferlante libérale au cœur.
Ainsi, vendredi soir (à 18h00) nos amis Thierry Beaudet et Jean-Pascal Labille débattront avec Francine Mestrum de l’exigence qu’il y a d’un engagement politique radical pour défendre une protection sociale conçue comme un commun social et démantelée par les politiques actuelles.
Samedi (à 11h00), le GOEES, l’autre groupement d’employeur de l’ESS, posera la question « ESS : quelles stratégies d’emploi dans un monde de précarité ? ». Samedi toujours (à 14h30) autour de Jérôme Saddier, des dirigeants d’ESS évoqueront les perspectives ESS pour les mois à venir.
D’autres débats auront lieu à l’initiative du CAC, du Mouvement associatif et de mutuelles. Ils seront à découvrir sur le site de la fête à compter de mi-juillet (www.fete.humanite.fr).
La deuxième sera la tenue de la 5e session des rencontres de la Plaine, le 20 novembre à Saint-Denis. Les lecteurs de la Lettre mensuelle du CIRIEC-France voient régulièrement leur attention attirée sur ces moments d’échange et de propositions autour d’une ESS d’émancipation et de transformation.
Aujourd’hui, ils seront sans doute en phase avec le thème choisi pour cette session : « au service des citoyens, travailler aux convergences économie publique/ESS ». Nous sommes là au cœur des engagements du CIRIEC (le programme sera publié dans un prochain numéro de cette Lettre mensuelle).
Ces moments de débats, d’échanges et de co-élaboration de projets, voire de disputes, marquent la convergence d’acteurs déterminés à ne pas laisser le terrain aux seuls libéraux, convaincus qu’ils sont que l’ESS constitue l'une des voies à une alternance chaque jour plus nécessaire.