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Rupture conventionnelle : la renonciation à la clause de non-concurrence ne se présume pas
Dans un arrêt du 6 février 2019 (n° 17-27.188), la chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que la renonciation par l’employeur à l’obligation de non-concurrence ne se présume pas et ne peut résulter que d’actes manifestant sans équivoque la volonté de renoncer.
La rupture conventionnelle doit régler les conséquences de la rupture du contrat de travail
La rupture conventionnelle est définie par l’article L. 1237-11, alinéa 1er du Code du travail selon lequel :
- « L’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie ».
Sa conclusion implique un accord global des parties, non seulement sur le principe de la rupture du contrat de travail, mais aussi sur ses conséquences.
Il appartient ainsi à l’employeur et au salarié de régler l’ensemble des conséquences de la rupture du contrat de travail, à savoir :
- la date de rupture du contrat de travail ;
- le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;
- la situation du salarié pendant la procédure (dispense d’activité, congés payés…) ;
- le remboursement de frais éventuels ;
- la restitution de matériels ou d’équipements ;
- le maintien des garanties complémentaires de santé et de prévoyance…
C’est également dans la convention de rupture que les parties doivent déterminer le sort de la clause de non-concurrence prévue au contrat de travail : levée ou maintien.
Un oubli peut se révéler coûteux pour l’employeur dans la mesure où la contrepartie financière de non-concurrence est un élément de salaire, soumis comme tel à cotisations sociales.
Par ailleurs, elle se voit appliquer l’indemnité de congés payés (10 % en principe) (Cass. soc. 28 novembre 2001, n° 99-46.032).
La renonciation à la clause de non-concurrence ne se présume pas
Dans l’arrêt du 6 février 2019, l’employeur et le salarié avaient conclu une rupture conventionnelle prévoyant le versement d’une indemnité de rupture de 230 000 euros bruts.
Les parties avaient prévu d’insérer à l’acte une clause aux termes de laquelle le salarié attestait :
- « avoir été réglé de toutes sommes, y compris et sans limitation, toute rémunération fixe, variable ou complément de rémunération éventuel, indemnité de quelque nature que ce soit, remboursements de frais et autres sommes qui lui étaient dues par la société au titre de l’exécution du contrat de travail ou du fait de la rupture conventionnelle de celle-ci, et plus généralement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, ou entre [le salarié] et toute autre société du groupe auquel la société appartient ».
Après la rupture du contrat de travail, le salarié avait réclamé, devant le Conseil de prud’hommes puis la Cour d’appel, le paiement de la contrepartie pécuniaire de la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail.
Il avait obtenu gain de cause, obtenant la condamnation de l’employeur à lui verser l’indemnité de non-concurrence.
Devant la Cour de cassation, l’employeur a soutenu que la formule d'un accord de rupture conventionnelle par laquelle le salarié se déclare rempli de l'intégralité des droits pouvant résulter de la formation, l'exécution et la rupture du contrat de travail et plus largement de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties, exprime leur intention d'écarter l'application de la clause de non-concurrence contenue dans le contrat de travail.
La Cour de cassation a censuré son analyse, considérant que l’employeur n’avait jamais expressément manifesté son intention de renoncer à la clause de non-concurrence.
La convention de rupture doit être soigneusement rédigée
En pratique, la renonciation à la clause de non-concurrence doit être exprimée dans une convention annexe au formulaire Cerfa de rupture conventionnelle.
Les parties peuvent prévoir une clause rédigée dans les termes suivants :
- « M…………… est délié/e de toute obligation de non-concurrence et la société se trouve ainsi déchargée du versement de toute contrepartie financière correspondante ».
Il est d’ailleurs possible d’ajouter que :
- « M…………… s’interdit tout acte de concurrence déloyale et s’engage à respecter une stricte obligation de secret portant sur les informations confidentielles de la société dont il/elle a pu avoir connaissance à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail ».
Quel que soit le libellé retenu, la levée de la clause de non-concurrence doit être prévue à l’acte et ne peut résulter d’une formulation générale.
Précisons, enfin, que la mention selon laquelle le salarié renoncerait à tout recours ne peut lui interdire de solliciter la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.
Il est rappelé, en effet, que la rupture conventionnelle n’est en aucun cas une transaction et ne peut valablement avoir pour objet ou pour effet de régler un différend entre les parties.
D’ailleurs, les DIRECCTE prononcent régulièrement des refus d’homologation de ruptures conventionnelles, sous prétexte qu’une convention annexe mentionnait que le salarié renonçait à tout litige.
Cette solution est logique puisque la transaction doit être à la fois :
- postérieure à la rupture du contrat de travail ;
- et accompagnée d’une indemnité transactionnelle distincte de l’indemnité de rupture conventionnelle.