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Amiante : la justice est-elle le dernier recours que l'on peut espérer ?
Bonne nouvelle pour les oubliés de l’amiante.
Les prud’hommes reconnaissent l’anxiété dans laquelle sont plongés ceux qui ont travaillé sur des matériaux contenant de l’amiante.
Après avoir étudié le dossier complexe de l’amiante de notre entreprise et analysé les plaidoiries des avocats, une juge a compris la douleur morale et physique des travailleurs qui ont des insuffisances respiratoires, notamment le symptôme baptisé « dyspnée à l’effort ». Le scanner ne détecte pas les fibres dans les poumons s’il n’y a pas de plaques pleurales, donc pas de reconnaissance de la maladie professionnelle des tableaux 30 et 30 bis.
Seule une fibroscopie bronchique peut révéler la présence des fibres d’amiante dans les poumons. Cet examen n’est pas accepté par la caisse maladie pour la reconnaissance d’une maladie liée à l'amiante. Ce phénomène de dyspnée à l’effort se manifeste chez pratiquement tous ceux qui ont régulièrement respiré d’infimes quantités de fibres d’amiante pendant des années au cours de leurs activités professionnelles. C’est ce que l’on appelle l’effet dit cumulatif.
Statuant en départage, le conseil des prud'hommes a décidé de condamner la société Otis pour avoir manqué à son obligation de sécurité en exposant ses salariés à l’amiante sans prendre les mesures propres à les préserver de ce risque. Verdict du 19 avril 2017.
Le conseil reconnaît le préjudice d’anxiété des requérants et fixe une indemnisation.
- C’est une excellente décision qui va faire jurisprudence car le conseil des prud’hommes a décidé de résister à la Cour de cassation qui, encore récemment, considérait que seuls les salariés d’établissement inscrits sur la liste des établissements ouvrant droit à la pré-retraite pouvaient voir leur préjudice d’anxiété réparé.
Nous venons d’apprendre que la société Otis (par l’intermédiaire de son conseil) faisait appel total auprès de la Cour de Versailles de la décision du juge des prud’hommes. Certes, c’est son droit mais des vies humaines sont en jeu et Otis pense agir comme un rouleau compresseur et balayer tous ceux qui montrent du doigt sa gestion de l’amiante.
La plus grande des aberrations, c’est que tous les CHSCT de France au sein de l’entreprise Otis n’adhérent pas à la sécurité proposée par Otis pour l’amiante. Or, le rôle premier du CHSCT, c’est d’aider à éradiquer tous les dangers. Pourquoi cet état de fait ? C’est la résultante du monopole des décisions concernant la sécurité chez Otis. Les CHSCT sont ignorés et la direction de la sécurité met unilatéralement en place les modes opératoires amiante.
Même devant une expertise d’une année faite par un cabinet agrée « amiante » au sein duquel les trois experts ont analysé les modes opératoires et conclu qu’ils sont exposants aux fibres d’amiante, Otis garde sa ligne autoritaire et n’applique pour l’instant aucune des préconisations des experts. Un directeur d’agence se permet même d’écrire au secrétaire d’un CHSCT que les modes opératoire répondent tous à la réglementation. Sous-entendu « on ne changera rien » et rajoute que la direction de la sécurité examine en détail le rapport d’expertise. En attendant, aucune mesure de protection supplémentaire n’est prise, même pas celle de différer les éventuels travaux sur l’amiante en attendant les résultats de leur examen des modes opératoires. C’est à en perdre son latin.
Pratiquement tous les modes opératoires sont élaborés à partir de mesures sans référentiel et avec une mauvaise sensibilité analytique. Les experts demandent de refaire toutes les mesures non conformes des modes opératoires sur lesquelles Otis s’est appuyée pour élaborer ses procédures.
On comprend clairement qu’Otis ne craigne personne et surtout qu'elle ne risque rien à éventuellement exposer des techniciens car les sanctions ne sont pas à la hauteur des enjeux, voire inexistantes.
Voilà pourquoi seule la justice peut obliger cette puissante société à faire en sorte qu’au travail les salariés ne respirent plus de fibres d’amiante et qu'à l’avenir plus aucune maladie liée à l'amiante ne soit déclarée.
La décision prise par les prud’hommes peut obliger les entreprises comme Otis à prendre des mesures plus complètes et plus astreignantes pour la protection des travailleurs contre les fibres d’amiante.
C’est pour cela que notre plainte de 2008 au pénal doit maintenant rapidement trouver une issue car les années passent et aujourd’hui encore, en 2017, les salariés sont toujours potentiellement exposés aux fibres d’amiante comme le prouve une expertise de 2016 sur les modes opératoires pour le travail en milieu amianté ou sur des matériaux contenant de l’amiante.
Nous sommes persuadés que seule la justice a entre ses mains le pouvoir d’obliger les entreprises à protéger ses employés. Car Otis ne semble pas pour l’instant inquiétée par ses agissements. D’une part, les experts affirment : « qu’en l’état, les modes opératoires exposent aux fibres d’amiante » et, d’autre part, malgré les années de rudes négociations sur l’amiante et les demandes des CHSCT depuis 1997 demandant une protection véritable contre les fibres d’amiante, Otis reste inflexible.
C’est donc un véritable appel au secours que nous adressons à la justice : aidez-nous à ne plus respirer ces fibres cancérigènes. Nous lançons un grand cri d’espoir à la justice : vous êtes notre dernier recours. Ne nous oubliez pas !
- Santé au travail parrainé par Groupe Technologia