Organisations
Lorsqu’un CE se retrouve sans local fixe
Par Didier Rostaing, membre du comité CE du conseil supérieur de l’ordre des experts-comptables.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, il n’est pas si rare de relever que certains employeurs continuent de laisser des comités d’entreprise dans un profond dénuement, notamment, sans local spécifique. Les élus doivent alors se contenter de la mise à disposition parcimonieuse d’une salle de réunion et, au mieux, d’une armoire.
Il est donc important de rappeler les obligations de l’employeur en la matière.
Aux termes de l'article L.2325-12, le chef d’entreprise doit mettre à la disposition du comité d’entreprise « un local aménagé et le matériel nécessaire à l’exercice de ses fonctions ».
Explications :
- Le mot « fonctions » vise ici l’administration générale du comité, pour l’ensemble de ses activités, économiques, professionnelles et sociales.
- L’expression « mettre à la disposition » signifie fournir gratuitement.
Le comité d’entreprise ne doit donc payer aucun loyer pour ce local et ce matériel.
L’employeur ne peut pas davantage imputer une valeur d’usage du local et du matériel sur la subvention de fonctionnement de 0,2 %.
L’obligation de l’employeur résultant de l’article L.2325-12 du texte précité peut s’analyser comme un prêt à usage régi par les articles 1875 et suivants du Code civil, sans qu’un contrat ne soit nécessaire. Il en découle que :
- d’une part, cette obligation est permanente et subsiste tant que le comité d’entreprise existe,
- et que, d’autre part, le CE doit utiliser les moyens fournis pour son seul objet déterminé par la loi, c’est-à-dire son administration.
Délit d'entrave
Le refus de mettre un local à disposition du comité est constitutif du délit d’entrave, comme le remplacement de cette fourniture par le simple droit d’utiliser un « réfectoire » ou une « salle de conférence » de l’entreprise. Bien que la loi n'oblige pas l’employeur à mettre à disposition un local spécifique au comité central d’entreprise, il est toutefois tenu de lui fournir des moyens adaptés à son importance, conformément aux dispositions de l’article L.2325-12, du Code du travail.
Le local et le matériel fournis restant la propriété de l’entreprise, c’est l’employeur qui doit en assurer l’entretien normal, le comité n’ayant qu’une obligation de bonne conservation.
Toutefois, si le comité se trouve dans l’obligation de faire une dépense extraordinaire, nécessaire à la conversation du local ou du matériel, tellement urgente qu’il n’a pu prévenir la direction de l’entreprise, celle-ci doit la lui rembourser, conformément à l’article 1890 du Code civil.
En pratique, le local que doit fournir l’employeur a l’usage de bureau ; il est distinct de ceux destinés aux activités sociales et culturelles, éventuellement transmis au comité à ce titre. Sa taille varie avec l’importance de l’entreprise et du comité. Dans les grandes entreprises, deux ou plusieurs bureaux sont occupés par le comité.
Conditions d'accès
Sauf accord contraire, le local doit être situé à l’intérieur de l’entreprise afin que les membres du personnel et les visiteurs puissent y accéder facilement.
Dans l’hypothèse où un système de « badges » a été mis en place dans l’entreprise pour accéder à certains secteurs de celle-ci, le comité d’entreprise doit disposer d’un accès extérieur entièrement libre de tout contrôle, le système de « badges », ne devant pas faire obstacle à la libre circulation du personnel et de ses représentants à l’intérieur de l’entreprise (Cass. soc., 26 septembre 2007, 06-11425).
La mise à disposition d’un local au comité suppose la remise des clefs de ce local au secrétaire, afin que celui-ci puisse exercer ses fonctions normalement. L’employeur ne peut pas détenir à titre permanent la clef du local, pour la remettre ponctuellement à qui bon lui semble. Un tel procédé serait constitutif du délit d’entrave.
Tous les membres du comité (titulaires et suppléants), de même que le chef d’entreprise ou son représentant, doivent pouvoir accéder aux locaux du comité d’entreprise. Les modalités de cet accès varient selon l’importance du comité d’entreprise.
Dans les petites structures qui n’ont pas de personnel permanent, des heures d’ouverture sont organisées.
En tout état de cause, le comité doit pouvoir détenir sous clef, à l’abri du vol ou des détériorations, ses documents et son matériel. Si des travaux de réfection de ce local sont nécessaires, l’employeur devrait les prendre en charge.
Si, pour des raisons impérieuses de réorganisation de l’entreprise, la direction doit modifier l’affectation des locaux, elle doit évidemment proposer un local équivalent au comité. Dans ce cas, elle peut, si besoin, demander au juge des référés l’autorisation de faire procéder au déménagement. Inversement, le déménagement forcé, sans titre exécutoire, des locaux du comité dans un lieu de l’entreprise dont l’accessibilité est limitée par l’existence de procédures de contrôle, sans qu’une telle procédure ne soit justifiée par des impératifs de sécurité et proportionnées au but recherché, est constitutif d’un trouble manifestement illicite qu’il appartient au juge des référés de faire cesser.
Quels aménagements ?
La loi actuelle précise bien que ce local doit être « aménagé ». Selon une circulaire ministérielle du 6 mai 1983, cela signifie qu’il doit être éclairé, chauffé et meublé par l’employeur. Le mobilier de bureau doit correspondre aux besoins modernes, à l’importance de l’entreprise et du comité, au degré d’équipement de l’entreprise elle-même (rép. ministérielle 9/0189).
L’administration et la Jurisprudence précisent que cet équipement du local doit s’étendre à minima (tribunal de grande instance d’Orléans 26 mars 2003, 03/00069) de la présence :
- d’une ligne téléphonique ;
- d’un matériel de traitement de texte et d'une photocopieuse.
Mais attention, l’entreprise (donc l’employeur) ne doit pas être en mesure « d’intercepter » les conversations téléphoniques et l’identité de leurs correspondants (Cass. soc. 6 avril 2004, 02-40498, Cass. soc. 4 avril 2012 10-20845 etc. et délibérations CNIL 2005-19 du 3 février 2005).
Précisons enfin que l’employeur doit aménager dans les locaux de l’entreprise un ou plusieurs panneaux d’affichage réservés aux communications du CE (art. 2142-3 du Code du travail).