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18 / 06 / 2015 | 11 vues
Philippe Deslande / Membre
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Espaces d'expression sur le travail : espoir ou espérance ?

Passionnant que ce colloque organisé par l'ANACT le 15 juin dans le cadre de la semaine de la qualité de vie au travail (QVT), pour qui savait écouter et regarder !

En introduction, la présentation d’un sondage des salariés qui devrait poser des questions :

  • les trois quarts estiment pouvoir parler de leur travail avec leur N+1 mais à peine un un tiers pouvoir « tout à fait » le faire (peu glorieux compte tenu de la définition du manager) ;
  • à peine plus des deux tiers estiment pouvoir parler de leur travail avec leur représentant du personnel mais un gros quart seulement pouvoir « tout à fait » le faire (piteux score si l’on considère la légitimité supposée du représentant) ;
  • la moitié estime pouvoir parler du travail avec leur DRH, l’autre moitié est d’avis contraire (échec de la fonction ?).

Hélas, l’agenda n’a pas permis aux personnes présentes de commenter ce sondage en détail. Mais il semble être resté présent dans tous les esprits tant les interventions qui l’ont suivi tenaient à souligner une solidarité certaine (ne pas se contourner entre eux, trouver des solutions ensembles etc.) entre employeurs, syndicats et DRH face à cette perte de crédibilité. Une solidarité qui semblait parfois teintée d'une certaine nostalgie de l’époque précédant cette perte et du désir informulé de la retrouver.

La place du collectif ?


Il faudrait ajouter à cela l’évidence (qui n’a pas été abordée) que le collectif est probablement de moins en moins opérant. Notre société est en pleine intensification du mouvement d’individualisation entamé depuis plus d’un siècle. Individualisation enregistrée et prise en compte à travers le remplacement de la qualification par la compétence, la rémunération variable, la mise de l’équilibre vie privée/vie professionnelle au cœur de la QVT et même le CPF. Ce qui laisse se demander si s’appuyer sur le collectif reste un levier efficace.

Espaces de discussion

Suivaient des exemples de mises en place d’espaces de discussion par certaines grandes entreprises (sans surprise, le sondage révélant un déficit de crédibilité accru dans les entreprises de plus de 500 salariés). Bien que très intérressants par eux-mêmes, il s’agissait malheureusement de secteurs de production répétitive au sens classique, assez éloignés des entreprises californiennes dont ont dit pourtant qu’elles dessinent l’avenir du travail. Les parties prenantes de ces entreprises présentant ensemble les premiers résultats obtenus se félicitaient (à raison) en restant pourtant très humbles : un souvenir d’Elton Mayo et de l’école des relations humaines (vers 1930), qui a montré que s’intéresser à ses salariés sans même changer leurs conditions de travail suffit en soi et, dans un premier temps, à créer des effets positifs ?

Paradoxal que de vouloir renforcer en contournant...  

Le discours conclusif du ministre du Travail exprimait l’espoir que, trente ans après (1982) le rapport Auroux sur les libertés des travailleurs dans l’entreprise, se renforce le lien des institutions « classiques » avec la parole directe. Il affirmait que c’est aussi un moyen possible de renforcer leur légitimité : pour nous un paradoxe (renforcer en contournant) que ce colloque n’a en rien permis d'éclairer.

Espoir face à des voyants tournant au rouge ?

Raviver un dispositif par des pratiques connues depuis presque un siècle, légales depuis trente ans, restées sans produire les effets attendus, encadré par des parties prenantes (IRP, DRH et hiérarchie) suffisament en perte de crédibilité pour devoir d'une certaine façon être contournées, s’appuyant sur un fonctionnement collectif sociologiquement en déclin, difficilement transposables dans les entreprises du futur (qui télétravaillera, utilisera salle de sport et conciergerie, sera agile, prendra des congés sabbatiques etc.), est-ce bien faire acte d’espoir ?

Devant tant de voyants tournant au rouge, ne s’agit-il pas plutôt d’espérance ? C'est-à-dire l’attente d’une grâce dont on ne sait guère qui l'accordera (les salariés ?) mais que tous (IRP, DRH, managers et probablement salariés) appellent ?

  • Le paradoxe qui consiste à espérer rajeunir des institutions vieillissantes en les court-circuitant n’en serait alors plus un ; ce ne serait qu'un miracle.

Craignons que certaines des erreurs qui ont mené à cette situation soient toujours à l’œuvre. Croire que l’on peut commencer une page blanche en oubliant le passé, que faire ce qui est compliqué exonère de la nécessité de faire correctement ce qui est simple, que de seules procédures (fussent-elles du seul dialogue) peuvent diminuer les tensions.

Qu'IRP, DRH, et managers fassent pleinement ce pourquoi ils sont en principe en place est le seul miracle que les salariés demandent.

Aussi stimulant que puisse être le « dialogue social créatif », sans cette base rien ne se fera de véritable car comment restaureraient-ils leur indispensable crédibilité ? Cette base une fois acquise, voyons ce qu’il faudrait ajouter, comment et avec quelle urgence.

PS : Une note optimiste : très peu de femmes dans les intervenants, la moitié ou plus dans l’assistance. Signe que notre époque n'est pas si statique et que les choses, qu'on le veuille ou non, changent et changeront.

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