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15 / 07 / 2014 | 6 vues
Nadia Rakib / Membre
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Attention aux salariés qui « vendent la peau de l’ours avant de l’avoir tué »…

En France, la notion juridique de faute grave intervient notamment dans le cadre d'un licenciement. Elle n'est pas définie par le Code du travail mais uniquement par la jurisprudence. En cas de litige, ce sont les tribunaux qui jugent si un acte ou une abstention fautive peut être qualifiée de faute grave.

Que l’on parle de cause réelle et sérieuse du licenciement, de faute grave ou bien encore de faute lourde, les conséquences de la rupture du contrat ne sont pas identiques.

Comme quand on évoque une modification du contrat de travail ou des conditions de travail, les procédures qui en découlent n’engendrent pas les mêmes droits. L’intérêt de la distinction reste donc fondamental à la sécurisation des rapports juridiques entre les parties au contrat de travail.

Le changement des conditions d'emploi proposé au salarié peut entraîner un simple changement des conditions de travail s'il ne remet pas en cause une clause prévue dans le contrat de travail. Il peut s'agir, par exemple d'une nouvelle répartition des heures de travail d'un salarié à temps plein (sans modifier la durée du travail, ni bouleverser les horaires de travail), d'une nouvelle tâche confiée au salarié qui correspond à sa qualification ou d'un changement de lieu de travail dans le même secteur géographique (ou d'un changement de lieu dans un autre secteur géographique, si une clause de mobilité le précise dans le contrat de travail). Dans ce cas, le salarié (non protégé) ne peut s'opposer à ce changement, sauf s'il peut justifier d'une atteinte excessive à sa vie privée ou d'un changement lié à un motif discriminatoire. En l’occurrence, tout refus injustifié du salarié peut entraîner son licenciement pour cause réelle et sérieuse, voire pour faute grave.

Promotion

Dans cette affaire, une salariée avait été engagée en qualité de vendeuse par une société qui exploitait les magasins d’une enseigne de renommée du sud de la France. Deux ans plus tard, cette société a été absorbée par une autre société « voisine du marché ». La salariée, affectée à Marseille, puis successivement à Avignon, Aix-en-Provence et « post-absorption » à Manosque, avait été promue première adjointe par un avenant à son contrat de travail. Suite à plusieurs causes de suspension de son contrat de travail (pour maladie, puis en congé de maternité et en congé payé), elle a décidé de refuser sa nouvelle affectation au magasin d'usine de Manosque et son employeur a procédé à son licenciement pour faute grave. Estimant que cette « énième » localisation entraînait une modification de son contrat de travail, elle avait saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture.

La salariée faisait grief aux juges du second degré de l’avoir débouté de toutes ses demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.

Pour sa défense, celle-ci prétendait que la diminution de ses responsabilités et de ses prérogatives constituait bien une modification de son contrat de travail qu’elle aurait dû accepter. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence avait jugé que le nouveau poste proposé n'entraînait pas une modification du contrat de travail.

Quid juris : Où placer le curseur entre modification du contrat de travail impliquant de recevoir l’accord exprès du salarié et modification des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l’employeur ?

En l’espèce, il s’agissait de savoir si le nouveau poste proposé constituait une modification de travail du fait de la nouvelle localisation et compte-tenu des tâches inhérentes à cet emploi.

La vendeuse constatait que les responsabilités qui lui incombaient antérieurement étaient désormais partagées avec deux autres personnes ce qui, selon elle, caractérisait bien une diminution de ses attributions. 

Responsabilités diminuées

La Haute Juridiction n’a pas suivi cette analyse en relevant que les deux postes, celui du magasin du centre ville et celui du magasin d'usine, correspondaient à la même fiche descriptive et au même positionnement dans la hiérarchie des employés travaillant en magasin. Par conséquent, ceux-ci étaient similaires et le changement d'affectation n'emportait pas une diminution des responsabilités de la salariée et ne constituait pas une modification du contrat de travail. En l’espèce, on se trouvait face à un simple changement des conditions de travail décidé par l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction.

Quid juris : Le refus par un salarié d'un changement de ses conditions de travail, s'il rend son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, est-il à lui seul une faute grave ?

Les juges aixois avaient rappelé que le licenciement justifié par une faute grave induisait que la salariée ne puisse demeurer dans les effectifs de l'entreprise et ceci même durant le temps limité du préavis. Or, cette dernière était absente, certes sans justificatif, et avait refusé de façon réitérée de prendre son nouveau poste. Délicat équilibre juridique que de faire coller le licenciement avec la faute grave commise par la vendeuse…

Cependant, les juges aixois avaient aussi constaté que la salariée avait persisté dans son refus de prendre son poste au magasin d'usine et s'était absentée sans justificatif malgré plusieurs courriers de l'employeur la mettant en demeure et demandant des explications. Dès lors, ses agissements étaient de facto constitutifs d'une faute grave. Le pourvoi en cassation de la vendeuse a été rejeté et elle a été condamnée aux dépens.

En définitive, comme cette jurisprudence le démontre, l’application du droit du travail requiert une analyse détaillée des situations selon les circonstances du litige survenu. Dit autrement, « il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué » ou éviter de croire que les actes de son employeur sont fautifs alors même qu’il s’agit des siens...

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