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La Cour de cassation a décidé de la fermeture d’une usine pour désamiantage
Bien des membres du CHSCT saisissent les experts, désemparés, face à des taux d’empoussièrement de poussières d’amiante certes inférieurs au taux légal de 5f/l mais révélant bien la présence de fibres d’amiante. À juste cause car, même si les taux des prélèvements sont à faibles teneurs et inférieurs aux valeurs réglementaires, cela ne peut présumer l’absence de développement de pathologie à plus ou moins long terme. En effet, le code de la santé est clair sur ce point : si le taux est inférieur à 5f/l, le propriétaire des locaux n’a pas d’obligation à confiner ou retirer les matériaux ou produits contenant de l’amiante émettant des fibres. Grâce au courage et à la persévérance d’un inspecteur du travail et d’un CHSCT, la cour de cassation a changé la donne.
Faire cesser le risque
L’histoire commence fin 2011. Des employés trouvent de l’amiante friable dans l’un des fours industriels de leur usine. Immédiatement, le CHSCT effectue des prélèvements. Face à la présence d’amiante, ils saisissent l’inspecteur du travail. Lequel, en vertu de l’article L. 4732 du Code du travail, demande à un juge des référés de fermer le site jusqu’à ce que d’autres prélèvements à valeur légale soient effectués. En effet, l'inspecteur du travail peut saisir le juge des référés pour ordonner toutes mesures propres à faire cesser le risque lorsqu'il constate un risque sérieux d'atteinte à l'intégrité physique d'un travailleur résultant de l'inobservation de certaines dispositions du Code du travail.
Une société extérieure avait été commanditée pour le retrait de joints en amiante dans un état dégradé et a réalisé ces retraits sans confinement, au risque de libérer des poussières d'amiante puisque les joints en question étaient dégradés. L'employeur n’a pu contester la présence de fibres d'amiante dans l'atelier face à plusieurs prélèvements surfaciques effectués par l'APAVE qui ont révélé cette présence. Même si aucun texte n'indique le seuil à ne pas dépasser en cas de dépôt de fibres d'amiante sur le sol ou sur des machines, il ne peut être contesté la présence de ces fibres présentant un danger pour les salariés qui pourraient être en contact avec elles et qui pourraient les inhaler lorsqu'ils marchent dans l'atelier et lorsqu'ils manipulent les machines polluées. Par là même, le juge de la cour de cassation reconnaît l’utilité de cette méthode de prélèvement surfacique souvent décriée.
Pas de dispositif de protection
Les risques sanitaires que présente l'inhalation de poussières d'amiante, a amené le juge des référés a faire une juste application des dispositions de l'article L.4732-1 du Code du travail en ordonnant le retrait immédiat et sous astreinte des salariés de l'atelier concerné. Il a donc imposé une opération de décontamination des zones et surfaces polluées par une entreprise certifiée, conformément aux dispositions de l'article R.4412-115 du Code du travail ; que les éléments contenant des joints en amiante doivent être décontaminés sous confinement dynamique par une entreprise certifiée ; que le retour des salariés dans l'atelier concerné ne pourra se faire qu'à l'issue de ces opérations.
En l'espèce, il a été reconnu qu’un four a été désamianté par une entreprise extérieure, en présence de salariés de l'entreprise sans confinement et sans dispositif de protection de ces salariés autres qu'une zone balisée ; que les résultats des analyses opérées par l'APAVE démontrent, la présence de fibres d'amiante ; que la concentration de ces fibres apparaît, selon les premiers résultats d'analyses de l'APAVE, inférieure à 0,90 fibres par litre.
Sans menace réelle
Suite aux observations de l'Inspection du travail sur la méthodologie des prélèvements à opérer, le CHSCT et le directeur du site avaient covneu de modalités de mesures précises qui auraient pu, si elles s'étaient avérées négatives, permettre la poursuite de l'exploitation. Cependant, ce dernier a choisi de faire revenir les salariés sur site sans avoir fait procéder à ces analyses. L’entreprise conteste alors le verdict auprès de la cour d’appel de Rouen. L'entreprise estime que la santé des employés n’était pas sérieusement menacée et que la décision de fermer les lieux aurait dû attendre le résultat des analyses de l’air. Lors de l'audience, la cour a d'ailleurs pris connaissance des prélèvements réalisés par des experts et qui révèlent la présence d’amiante dans l’air. Alors même que la concentration est inférieure au seuil légal, la cour d’appel a maintenu l’ordre de fermeture du site jusqu’à son désamiantage.
L’entreprise a alors saisi la cour de cassation. Les juges ont retenu les arguments de la cour d'appel tout en reprochant à l’employeur de ne pas avoir mesuré le taux de poussière d’amiante dans l’air dès que sa présence a été établie.
Par cette décision et en résumé, la plus haute magistrature a retenu le principe de précaution défendu par l’inspecteur du travail et le CHSCT et accepté par la cour d’appel. Il est très probable que cette décision fasse jurisprudence dans des affaires similaires mais impliquant encore d’autres types de produits chimiques, voire d’autres risques.
Cour de cassation, 20 novembre 2013, n° de pourvoi : 12-14658 - Draka Paricable.
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