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02 / 05 / 2013 | 2 vues
Roman Bernier / Membre
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Ryanair et ses pilotes : la guerre entre les deux camps se durcit

D’un côté, Ryanair qui, depuis la sortie d'un documentaire où ses pilotes mettaient en cause la sûreté de ses vols, tient ces derniers d’une main de fer. De l’autre, le Ryanair Pilot Group (RPG), le groupe représentant des pilotes anonymes de la compagnie, qui essaye de faire valoir les droits de ceux qu'il représente. Entre les deux, le torchon brûle.

Licenciements contre pétition

Tout le monde se souvient du scandale causé par ce documentaire de la télévision néerlandaise KRO Reporter, où quatre pilotes anonymes dévoilaient la « culture de la peur » de la compagnie irlandaise à bas coût ainsi que l’économie contestable qu’elle imposait sur le carburant. La première réaction de Ryanair a été de nier ces accusations avec force. Depuis, la question de ses règles de sécurité est devenue très sensible pour la compagnie aérienne. Cette dernière revient sur le tapis à l’occasion d’une nouvelle pomme de discorde : les descentes en Europe des enquêteurs de la brigade financière au domicile même des pilotes.

Ceux-ci, obligés par la compagnie d’ouvrir des comptes à l’étranger, où la compagnie détient de nombreux comptes, sont par la suite accusés d’évasion fiscale dans le pays où ils sont basés. Ces enquêtes sont le fruit d’un durcissement de la politique gouvernementale des pays européens (Italie, Allemagne, Norvège) vis-à-vis des pratiques jugées en marge de la loi (voire parfois complètement illégales) de la compagnie à bas coût. Les pilotes sont donc, bien malgré eux, les victimes de la politique de l’entreprise, ce qui est socialement déplorable.

  • Face à ces dangers, le 14 avril 2013, le RPG a donc décidé d’adresser une pétition (en anglais) sous forme de lettre ouverte à l’Autorité irlandaise d’aviation (AIA) et à l’Agence européenne de la sécurité aérienne (EASA) soulignant les risques psychosociaux encourus et les conséquences probables sur la sécurité des vols.

La sécurité : l’utilisation de la corde sensible a fait bondir la compagnie qui a réagi quelques jours plus tard en publiant une lettre interne avec obligation de relecture adressée à tous ses pilotes. Dans cette dernière, le commandant Ray Conway, chef des pilotes et proche de M. O’Leary, fustige le RPG et tous ses représentants et promet que « tout pilote signant cette pétition serait coupable de mauvaise conduite et susceptible d’être licencié ». De mémoire, un tel communiqué interne n’avait jamais été vu au sein du groupe.

Autant dire que les relations sont tendues…

Des pilotes sans marge de manœuvre

Cette situation reflète toute l’étendue de l’échec du dialogue social à Ryanair qui, en s'arc-boutant sur une position archaïque vis-à-vis des syndicats, a donné lieu à une situation intenable pour les membres de la compagnie. Les pilotes restent paradoxalement les grands oubliés de cette bataille. Signer cette pétition, bien qu’elle soit anonyme, les mettrait dans une situation où ils pourraient perdre leurs emplois. Parallèlement, la violation de leurs vies privées est non seulement intolérable mais aussi porteuse de véritables risques psycho-sociaux qui pourraient effectivement affecter leurs compétences dans la vie professionnelle. Il est d’ailleurs surprenant de constater que dans sa lettre ouverte, le commandant Conway n’a même pas fait référence à ces enquêtes qui touchent pourtant le personnel dans son intimité.

Coincés entre le marteau et l’enclume, entre une direction obsédée par sa réputation des « 29 ans sans crash » et des enquêtes fiscales de plus en plus intrusives, les pilotes ne savent plus où donner de la tête et manœuvrent à l’aveuglette.

L’initiative du RPG a donc du sens, car elle permet de redonner de la voix aux rares qui oseraient braver l’interdit. Mais cette solution dégradée n’est finalement qu’un bien triste pantomime de dialogue et sans intervention effective de l’Irlande, pays où le droit social est une notion plutôt floue, les pilotes semblent voués à être les victimes collatérales de cette confrontation directe.

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