Si l’on se demandait encore pourquoi les pilotes de Ryanair ont eu besoin de mettre sur pied un groupe pour défendre l’établissement d’un nouveau système de représentation dans la compagnie alors que près de 95 % d’entre eux se prononcent pour une disparition immédiate de l’actuel système, qu’on ne cherche pas plus loin que le récent documentaire diffusé au Pays-Bas la semaine passée.

La stratégie de Ryanair attaquée

L’émission KRO Reporter (disponible sur internet avec un sous-titrage anglais) s’est intéressée de près à certains aspects du fonctionnement de l’entreprise. En partant du triple atterrissage d’urgence à Valence en juillet dernier, les journalistes ont tentés de remonter aux origines d’un fait pratiquement unique dans l’histoire de l’aviation européenne. Le constat est édifiant : non seulement la responsabilité de la compagnie est engagée par sa politique de gestion du carburant mais en plus, elle est accusée de pressions sur les pilotes, nocives à la sécurité à bord.

Il est tentant de dire que l’émission fait preuve d’un peu trop de sensationnalisme (et l’usage savant de clairs obscurs et de musique d’ambiance contribue largement à cet effet). Toutefois, elle a le mérite de faire parler directement cinq pilotes de Ryanair, dont quatre toujours en service avec la compagnie, un fait suffisamment rare au sein d’une entreprise particulièrement réputée pour son attachement à la sécurité de l’emploi.

Des pilotes témoignent contre la compagnie

Les témoignages concordent systématiquement et les accusations portées sont lourdes. Ryanair ferait usage d’un management par la terreur, imposant de coller aux minimums légaux, réprimant les contestations et niant aux pilotes la liberté de déterminer eux-mêmes les meilleures conditions de vol. On y apprend par ailleurs l’existence d’un classement des pilotes en fonction de leur consommation de carburant. Classement qui, fait rare, est rendu public au sein de la compagnie afin d’accroître la pression sur les pilotes les plus « gourmands ».

Ce n’est pas la première fois que les pilotes de la compagnie font état de pression au travail. En 2009 déjà, la polémique avait éclaté en Espagne sur la gestion de la compagnie. Toutefois, il est bon de rappeler que les pilotes de la compagnie ne bénéficient d’aucune forme de représentation syndicale digne de ce nom. Les 70 % de travailleurs sous contrat temporaire, ils n’ont pratiquement aucun moyen de s’exprimer. À tel point que l’ensemble des associations de pilotes européens (IAALPA en Irlande, ECA en Belgique, SNPL en France, VNV au Pays-bas ou Vereinigung Cockpit en Allemagne) se sont déjà tous prononcés contre la compagnie. Peut-être serait-il temps que les pouvoirs publics commencent à s’en inquiéter…