Organisations
Orange reçoit le label « top employeur 2012 » : heureusement, le ridicule ne tue pas...
Compte tenu des lenteurs, voire des blocages, dans la mise en œuvre du « nouveau contrat social », auquel ce communiqué fait également référence, nous avons voulu en savoir un peu plus sur ce label…
Top employeur : une certification payante…
Une petite recherche permet de vérifier qu’il s’agit d’une certification délivrée par le CRF Institute (société néerlandaise qui propose ses services dans toute l’Europe), sur la demande des entreprises. En 2010, il en coûtait 9 500 euros pour une « offre d’essai » d’un an, et 8 500 € par an pour un engagement sur 3 ans, donc jusqu’à 2012 inclus, comme permet de le vérifier un formulaire de souscription encore visible en ligne (et dont nous nous ferons un plaisir de communiquer copie si le CRF, qui semble jaloux de la confidentialité de ses tarifs, le faisait retirer).… qui audite uniquement les RH
La gestion des ressources humaines est évaluée selon 11 thématiques, via un questionnaire de 80 questions remplies par la direction des ressources humaines. Les résultats sont validés par un comité d’experts, et regroupés en 5 grands critères pour la publication : pratique de rémunération, conditions de travail, formation, évolution et gestion des talents, culture d’entreprise. Le « label » est supposé rendre l’entreprise plus attractive quand les recrutements sont difficiles et fidéliser les salariés, fiers d’apprendre qu’ils travaillent chez de tels modèles de vertu.En 2012, trois opérateurs télécoms français ont décroché le label
Une petite visite sur le site « top employeur » permet de comparer leurs résultats (notation sur 5).
Éléments évalués | Bouygues Telecom | Orange | SFR |
| Pratiques de rémunération | 4,5 | 5 | 3,5 |
| Avantages en nature et conditions de travail | 4,5 | 4,5 | 4 |
| Formation et développement professionnel | 4 | 5 | 4,5 |
| Évolution et gestion des talents | 4,5 | 3,5 | 3,5 |
| Culture d’entreprise | 5 | 5 | 4,5 |
| Score global | 22,5 | 23 | 20 |
Réjouissons-nous donc : Orange obtient globalement le meilleur score.
On notera au passage l’association étrange entre « avantages en nature » (qui nous semble plutôt relever d’une rémunération annexe, ou d’une distribution de pouvoir d’achat) et « conditions de travail ».
Malheureusement, le personnel d’Orange n’a pas exactement ce ressenti...
Gageons que si les salariés avaient été partie prenante de l’audit, le résultat aurait été très différent. Il suffit pour s’en convaincre de comparer quelques éléments avec le dernier baromètre social à France Télécom-Orange, qui interroge le personnel.| Élément | Top employeur | Élément | baromètre social 2è semestre 2011 |
| Pratiques de rémunération | 5/5 soit 10/10 | Reconnaissance, rétributions | 10,9 /100 soit 1,1/10 |
| Conditions de travail | 4,5 sur 5, soit 9/10 | Qualité de vie au travail | 32,4 / 100 soit 3,2 / 10 |
| Évolution et gestion des talents Formation et développement professionnel | 3,5 / 5 soit 7/10 5/5 soit 10/10 | Parcours professionnel dont développement des compétences | 8,7 / 100 soit 0,9 / 10 35,3 / 100 soit 3,5 / 10 |
... et seront atterrés d’apprendre que France Télécom a ce label depuis 2009
Bien sûr, aucune trace ni dans l’intranet, ni sur le site corporate d’Orange, pas plus d’ailleurs que sur le site du label lui-même, qui ne présente que les résultats de l’année. Mais le web a davantage de mémoire, et permet de découvrir que CRF fait bien son marketing : après avoir vendu l’audit aux entreprises, il vend le classement détaillé à ceux qui recherchent un emploi : c’est ainsi qu’on découvre France Télécom-Orange dans la listes des heureux élus en 2009, année du pic des suicides à France Télécom, ce qui a d’ailleurs été fustigé en son temps par le site Zurbains, qui pose toutes les bonnes questions sur un tel label.
La CFE-CFC/UNSA a déjà dit ce qu’elle pensait du grand guignol des prix et des labels, qui ressemblent davantage à des opérations marketing qu’au travail de recherche dont se targue le CRF Institut.
Nous pouvons décider d’en rire une fois de plus.
Nous demandons surtout à la direction d’y mettre fin, pour se concentrer sur le vrai travail de fond, à savoir la mise en œuvre du contrat social dans toutes les entités du groupe. Sans doute plus long et moins « paillettes », mais assurément plus payant sur la durée et en tous cas plus digne !
Contacts >
- Patrice SEURIN, délégué syndical central de la CFE-CGC/UNSA France Télécom-Orange > patrice.seurin@cfecgc-unsa-ft-orange.org
- François DECHAMPS, délégue syndical, responsable rémunération > francois.dechamps@orange.com
