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02 / 06 / 2011 | 51 vues
Jean-Pierre Yonnet / Abonné
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Negma : chronique d’un gâchis

La presse s’est fait l’écho des difficultés du groupe pharmaceutique Negma, dont l'une des sociétés a été liquidée et plusieurs autres sont en grande difficulté.

Nous avons accompagné les salariés de l’une de ces sociétés, DMH Negma, qui a été liquidée. Sans trahir de secret professionnel, nous pouvons tirer quelques conclusions de cette triste affaire.

Tout d’abord, le groupe Negma, qui était une grosse PME d’à peine 500 personnes, était séparé en une myriade de sociétés, dont 5 avaient une activité réelle et des IRP. Les salariés étaient donc informés au travers de 5 CE qui communiquaient très peu entre eux.

Leçon n° 1

Dans une telle hypothèse, il est essentiel de réclamer la création d’une unité économique et sociale (UES) avec un CE unique qui sera informé sur l’ensemble des activités du groupe. En cas de refus de l’employeur, il faut se tourner vers la justice.

Negma a été racheté en 2008 par le groupe pharmaceutique indien Wockhardt, qui souhaitait s’implanter en Europe. D’une part Wockhardt a largement surpayé Negma, sans doute par méconnaissance de la législation sur les brevets. D’autre part, il a financé l’achat par un LBO, c’est-à-dire par un endettement de l’entreprise rachetée. Dès lors, Negma ne pouvait s’en sortir qu’en dégageant des profits magnifiques qui auraient été entièrement affectés au remboursement de l’emprunt.

Leçon n° 2

En cas de rachat d’entreprise, une expertise est indispensable pour informer les salariés des conséquences financières et sociales du rachat. C’est particulièrement vrai en cas de LBO. Le Code du Travail ne prévoit pas expressément un droit à expertise dans ce cas. Mais si le montage apparaît aventureux, le CE a la possibilité de déclencher un droit d’alerte qui ouvre droit à expertise. Au cas particulier, une expertise aurait montré les risques liés au montage. Cela aurait pu faire reculer l’acheteur ou l’amener à renégocier les clauses de l’achat. Le commissaire aux comptes et le président du tribunal de commerce auraient aussi été informés.

Les brevets de Negma étant pour la plupart tombés dans le domaine public, le chiffre d’affaires est en chute libre depuis 2010 et l’entreprise est incapable de faire face au coût du LBO. Le groupe met alors une partie des sociétés en procédure de sauvegarde et tient un discours rassurant aux différents CE. Ce n’est que 4 mois plus tard que les bruits de liquidation partielle ou totale se font de plus en plus insistants et que le CE de la société la plus menacée fait appel à nous. À ce stade, il est malheureusement trop tard pour envisager un plan d’ensemble.

Leçon n° 3

Le plus tôt est le mieux. Si nous avions été alertés dès l’annonce de la perte des brevets, ou même le jour de la mise sous sauvegarde, nous aurions pu organiser une coordination entre les CE et faire des contrepropositions au niveau du groupe.

À ce stade, il nous restait à tenter de négocier le moins mauvais PSE possible dans une société en liquidation. Grâce à une action conjointe de Laura Grosset l’avocate du CE et de nous-mêmes, nous avons malgré tout pu obtenir que la maison mère (qui n’était pas en liquidation) mette la main à la poche, indemnise les salariés au-delà du minimum légal et finance des mesures de reclassement. Inutile de dire que cela ne s’est pas fait tout seul.

Leçon n° 4

Tant que tout n’est pas fini, il ne faut pas baisser les bras. Ce qui a été obtenu est peu de chose par rapport aux PSE de Sanofi ou de GSK. Mais c’est bien mieux que ce que l’actionnaire Wockhardt était disposé à payer.

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