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27 / 10 / 2009 | 3919 vues
Eric Rocheblave / Membre
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Petit guide des grossièretés au travail - Comment injurier son patron sans se faire virer ? Comment insulter son salarié sans être inquiété ?

Dans le cadre d’une relation de travail, la maîtrise du langage doit être de règle (CA de Lyon, 12 octobre 2006, numéro JurisData : 2006-321468).

Les propos injurieux ne correspondent pas à l'exécution normale du contrat de travail (CA de Douai, 31 mai 2007, numéro JurisData : 2007-344628).

Si, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, le salarié jouit d'une liberté d'expression à laquelle il ne peut être apporté que des restrictions justifiées par la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, il ne peut abuser de cette liberté en tenant des propos injurieux, diffamatoires ou excessifs à l'égard de l'employeur, sous peine de remettre en cause son pouvoir de direction et de créer des tensions sociales au sein de l'entreprise (CA de Nancy, 27 mars 2009, numéro JurisData : 2009-375927).


Ainsi, insulter son patron n’est pas sans risques : la sanction peut aller jusqu’au licenciement pour faute grave ! Seulement jusqu’au licenciement pour faute grave ? Oui.

  • Le fait de proférer des injures à l'égard de son employeur ne caractérise pas en soi l'intention de nuire à celui-ci et en conséquence, la faute lourde (Cass. Soc. 19 novembre 2008, n° 07-43.361).
  • L’insulte est aussi un art subtil : les expressions les plus déplacées ne sont pas forcément celles les plus graves. Mais l’essentiel n’est pas de choisir les bons mots mais les bonnes circonstances et les lieux les plus favorables.


En effet, d’une part, certains contextes peuvent « justifier » voire « excuser » les injures.
Des propos tenus dans des circonstances particulières leur ôtent tout caractère injurieux (Cass. Soc. 6 mai 1998, n° 96-41163). Les insultes d’un salarié peuvent être mises au compte de l'état d'exaspération et de fragilité psychologique dans lequel il se trouvait, lié aux vicissitudes des relations professionnelles qu'il entretenait avec son employeur (Cass. Soc., 17 juin 2009, n° 08-41.663).

Cependant, la répétition des injures, grossièretés et dénigrements à l'égard des autres salariés rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis (Cass. Soc., 25 octobre 2007, n° 06-41.064).

  • D’autre part, l’ancienneté n’« excuse » pas toujours les injures.

Malgré l'ancienneté de la salariée, proférer des injures virulentes à l'encontre de sa collègue, épouse du gérant de la société, en présence d'autres membres du personnel et de clients, rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et constitue une faute grave (Cass. Soc., 27 juin 2007, n° 05-45.587).

D’autre part, une incorrection occasionnelle, des paroles déplacées d'un salarié, après une discussion orageuse ou sous le coup d'une violente émotion ou colère, ne constituent pas une violation suffisante des obligations tirées du contrat de travail pour en justifier la rupture. En outre, des propos familiers, voire des insultes, ne caractérisent pas nécessairement une faute grave dans la mesure où ils sont coutumiers dans le milieu professionnel concerné (CA de Metz, 24 juin 2009, numéro JurisData : 2009-379017).

  • D’autre part, la gravité de la même insulte sera jugée différemment à Angers, Lyon, Caen, Aix-en-Provence, Toulouse, Nîmes, Montpellier…


Enfin, employeurs et salariés n’ont pas les mêmes droits aux propos injurieux. Si les prérogatives de l'employeur et l'usage normal de ses pouvoirs de direction et de contrôle ne peuvent l'autoriser à proférer des insultes à l'égard de ses salariés (CA d'Amiens, 31 mars 2009, numéro JurisData : 2009-377786), la demande de résiliation du contrat de travail par le salarié insulté par son employeur n’est pas toujours appréciée également par les juridictions prud’homales.

Toutefois, le salarié qui subit des injures répétées sur le lieu de travail en lien avec son emploi, sans réaction de l'employeur, et entraînant une dégradation de son état de santé, peut caractériser l'existence d'un harcèlement moral (CA de Douai, 28 septembre 2007, numéro JurisData : 2007-353955).

Petit guide des grossièretés au travail
 

« Con »  (vieux, petit ou gros…)

Que risque le salarié qui traite son patron de « vieux con », de « petit con » ou de « gros con » ?

D’être licencié ? Certainement  ou pas…
S’agit-il d’une faute grave ? Ça dépend…
Ça dépend de quoi ? Du lieu où le salarié sera jugé !

En effet, il est plus « grave » de traiter son patron de « con » à Angers qu’à Lyon, Caen, Aix-en-Provence ou Dijon…

  • Dépourvus de cause réelle et sérieuse, le licenciement

Pour la Cour d’Appel de Dijon, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié affirmant qu’il travaillait dans une « boîte de cons ». CA de Dijon, 28 septembre 1999, numéro JurisData : 1999-044235.

  • Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel d’Angers, traiter son employeur de « connard, petit con, bon à rien, incapable » constitue une faute d’une gravité telle qu’elle ne permet pas le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée limitée du préavis. CA d'Angers, 15 octobre 2002, numéro JurisData : 2002-210357.

  • Seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement

Pour la Cour d’Appel de Lyon, les propos injurieux tenus par un salarié vis-à-vis de son employeur et du père de celui-ci, qu’il a traités respectivement de « petit con » et de « gros con », ne sont pas admissibles dans le cadre d’une relation de travail où la maîtrise du langage doit être de règle.

Le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse. Toutefois, eu égard à leur banalité, les mots employés dans un contexte d’hostilité ne peuvent caractériser une faute grave. CA de Lyon, 12 octobre 2006, numéro JurisData : 2006-321468.

Pour la Cour d’Appel de Caen, le fait pour un salarié de dire à son employeur que « ça ne l’intéressait pas de bosser avec un vieux con » revêt une cause réelle et sérieuse de licenciement, mais pas une faute grave. CA de Caen, 23 septembre 2005, numéro JurisData : 2005-287080.

Pour la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, le fait pour un salarié d’affubler son employeur du qualificatif de « petit con », « termes incompatibles avec la solennité des rapports feutrés existant dans la hiérarchie bancaire », justifie une cause réelle et sérieuse de licenciement, « mais le caractère isolé d’un tel comportement dans le cadre d’un entretien difficile relatif à la réalisation des objectifs, tenu dans un bureau fermé et pas en présence des autres salariés de l’entreprise, voire des clients, n’est pas de nature à rendre impossible le maintien du contrat de travail pendant la durée limitée du préavis et à priver le salarié, bénéficiant d’une ancienneté de plus de six années, des indemnités de rupture. » CA Aix-en-Provence, 4 janvier 2000, numéro JurisData : 2000-107465.

Que risque l’employeur qui traite son salarié de « con » ?
Ça dépend…

Pour la Cour d’Appel d’Orléans, l’employeur peut traiter son salarié de « con », mais pas « trop »…

Les propos de l’employeur qui traite son salarié de « con » et lui dit « qu’il le faisait chier » ne justifient pas une résiliation du contrat de travail aux torts de l’employeur. CA d'Orléans, 4 octobre 2001, numéro JurisData : 2001-162003.

Mais lorsque l’employeur déclare à son salarié qu’il était « trop con » et « trop fainéant », il convient de prononcer la résolution judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur. CA d'Orléans, 8 mars 2001, numéro JurisData : 2001-153751.
 

« Merde », « chier », « emmerder »

Le mot de Cambronne et ses dérivés sont également différemment appréciés d’une Cour d’Appel à l’autre.

En effet, il est plus « grave » de dire « merde » son patron à Agen ou Orléans qu’à Rouen ou Douai…

  • Dépourvus de cause réelle et sérieuse, le licenciement

Pour la Cour d’Appel de Rouen, qualifier son supérieur hiérarchique de « gros tas de merde »  ne saurait constituer ni une faute lourde, ni même une faute grave ou encore une cause réelle et sérieuse de licenciement d’un salarié. Il y a lieu de prendre en compte le comportement de mépris du supérieur à l’égard de la salariée, et l’usure des nerfs dont elle a été victime, d’autant plus fragile qu’elle était handicapée, alors qu’elle avait en vain alerté l’employeur sur les graves difficultés relationnelles qu’elle rencontrait avec lui. CA de Rouen, 25 juin 2002, numéro JurisData : 2002-191660.

Pour la Cour d’Appel de Douai, si la salariée a déclaré à son supérieur hiérarchique « tu me fais chier », de tels propos, certes déplacés et peu révérencieux, ne constituent pas pour autant des injures au sens propre du terme, et le licenciement est sans cause réelle et sérieuse. CA de Douai, 21 décembre 2007, RG 07 / 00137.

  • Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel d’Agen, dire à son employeur « je t’emmerde », « merde connasse » constitue une faute d’une gravité telle qu’elle ne permet pas le maintien du salarié dans l’entreprise, même pendant la durée limitée du préavis. CA d'Agen, 11 octobre 2005, numéro JurisData : 2005-295452.

Pour la Cour d’Appel de Nancy, la nature et la violence des propos réitérés du salarié : « bande d’enculés », « vous êtes un rigolo, vous êtes un charlot de première » « je vous emmerde [à six reprises] », « allez vous faire tailler une pipe » ont, par leur caractère outrageant, insultant et excessif, visant directement la personne du directeur, et ce en présence d'autres salariés, dépassé les limites octroyées à la liberté d'expression d'un salarié revêtu de mandats sociaux divers et ne peuvent plus être considérés comme s'intégrant dans le cadre normal des fonctions d'un représentant du personnel et ce, quand bien même le salarié a, par le passé, dûment et constamment défendu les intérêts de ses collègues salariés. La teneur de telles insultes, mettant en péril le pouvoir légitime de direction de l'employeur ainsi que le dialogue social dans l'entreprise, doit dès lors être considérée comme constitutive d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, privative des indemnités de rupture. CA de Nancy, 27 mars 2009, numéro JurisData : 2009-375927.

  • Rupture non abusive de la période d’essai

Pour la Cour d’Appel d’Orléans, la rupture de la période d’essai par l’employeur ne saurait être déclarée abusive, en l’absence de volonté de nuire ou de légèreté blâmable de celui-ci, ladite rupture ayant été prononcée après que le salarié se soit énervé du fait que la machine sur laquelle le salarié travaillait ne fonctionnait pas bien et ait déclaré à son chef d’équipe : « ta machine, c’est de la merde, connard ». CA d'Orléans, 8 mars 2001, numéro JurisData : 2001-153750.

« Vous faire foutre »

 

  • Dépourvus de cause réelle et sérieuse, le licenciement
Pour la Cour de cassation, les propos « allez vous faire foutre », tenus dans des circonstances particulières, leur ôte tout caractère injurieux. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation qu'elle tient, la Cour d'Appel de Versailles a décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse. Cass. Soc., 6 mai 1998, n° 96-41163.

  • Seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement

Pour la Cour de Cassation, l’expression « j'en ai rien à cirer, vous n'avez qu'à vous faire foutre », adressée à son employeur mais demeurée exceptionnelle, ne rend pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et ne constituait pas une faute grave. Ce comportement violent du salarié devait être mis au compte de l'état d'exaspération et de fragilité psychologique dans lequel il se trouvait, lié aux vicissitudes des relations professionnelles qu'il entretenait avec son employeur et relevé qu'en douze ans de carrière, il n'avait jamais fait l'objet d'observations. Cass. Soc., 17 juin 2009, n° 08-41.663.

  • Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel de Douai, les propos injurieux « connard, va te faire foutre » caractérisent une faute grave rendant impossible la poursuite de la relation de travail, même pendant la durée limitée du préavis sans risque de compromettre les intérêts légitimes de l'employeur, ce comportement fautif ne correspondant pas à l'exécution normale du contrat de travail. CA de Douai, 31 mai 2007, numéro JurisData : 2007-344628.

Pour la Cour d’Appel de Nîmes, la tenue de propos outrageants « allez vous faire foutre » constitue une violation essentielle du contrat de travail et en l'absence d'excuses immédiates formulées à l'égard de l’employeur, la rupture du contrat de travail est justifiée par la faute grave commise par le salarié. CA de Nîmes, 8 novembre 2006, Numéro JurisData : 2006-332438.

« Salaud, Salope »

  • Seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement

Pour la Cour d’Appel de Lyon, le fait pour la salariée d'avoir tenu des propos injurieux à son supérieur hiérarchique, celle-ci l'ayant traité de « salaud » et, au sujet d'une demande d'exécution d'heures supplémentaires par l'employeur un samedi matin, lui ayant dit qu'il « pouvait se les mettre au cul », qui ne peuvent être justifiés par le bien ou le mal-fondé de la demande d'exécution d'heures supplémentaires, constitue une cause sérieuse justifiant son licenciement. CA de Lyon, 26 avril 1999, numéro JurisData : 1999-103183.

  • Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel de Bordeaux, doit être considéré comme légitime, le licenciement pour faute grave d'un salarié qui avait insulté et menacé de mort son employeur en le traitant, entre autres, de « sale juif », de « voleur » et de « salaud ». Ces menaces et insultes tenues en présence de témoins dans une entreprise réunissant plusieurs salariés étaient de nature à porter une atteinte grave à l'autorité du chef d'entreprise. Ni l'ancienneté du salarié, ni les circonstances invoquées par lui ne pouvaient servir d'excuse à ses agissements. CA de Bordeaux, 2 juillet 1996, numéro JurisData : 1996-043227.


Pour la Cour d’Appel de Nancy, les propos grossiers « alors, grosse salope, tu ne dis plus bonjour ? » tenus par le salarié à l'égard d'une collègue, au cours d'un repas d'entreprise devant d'autres employés qui en attestent, ne constituent pas des faits ressortant de la vie privé. Il avait déjà été rappelé à l'ordre pour des faits similaires : « entonnoir à sperme » envers la même personne devant un client un an plus tôt et une autre employée atteste avoir elle-même dû subir des injures similaires et avoir été touchée sur la poitrine devant un collègue. Ces propos et gestes vis-à-vis de collègues de travail sont indéniablement injurieux et déplacés et ne peuvent être considérés comme un langage admis ou une attitude normale au sein d'un bureau. Le salarié qui a persisté dans son comportement a donc commis une faute grave, son maintien dans l'entreprise étant impossible. CA de Nancy, 9 mai 2008, numéro JurisData : 2008-367814.

Les propos homophobes

  • Seulement une cause réelle et sérieuse de licenciement

Pour la Cour d’Appel de Bordeaux, doit être considéré comme légitime le licenciement d'un salarié qui avait tenu des propos injurieux à l'encontre d'un salarié d'un client de l'employeur en le traitant d'« homosexuel » et de « pédé ». CA de Bordeaux, 18 juin 1996, numéro JurisData : 1996-043460.


Pour la Cour d’Appel de Montpellier, les propos homophobes tenus par le salarié à l'égard d'un collègue de travail constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement mais n'apparaissent pas d'une d'importance telle qu'ils rendent impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis. CA de Montpellier, 17 septembre 2008, numéro JurisData : 2008-376289.

  • Caractérise un harcèlement moral

Pour la Cour d’Appel de Grenoble, les propos et les insultes homophobes répétés et proférés par un employeur à l’encontre d’une salariée caractérisent un harcèlement moral. CA de Grenoble, 20 septembre 2006, numéro JurisData : 2006-313521.

Les propos racistes

  • Dépourvus de cause réelle et sérieuse, le licenciement
Pour la Cour d’Appel de Besançon, des propos racistes retenus contre une salariée, certes répandus et provocants, n'étaient pas dirigés spécialement contre celui qui s'en estime victime, mais résultent d'une conversation entre collègues sur le racisme. Si l'employeur pouvait à juste raison rappeler son personnel à plus de mesure lors de discussions pendant le temps de travail, afin que chacun ne se sente pas mis en cause dans sa vie personnelle ou sa religion, les paroles de la salariée ne pouvaient cependant pas décemment être sanctionnées par un licenciement, alors qu'elle comptait plus de vingt-cinq ans d'ancienneté et qu'elle avait toujours servi loyalement l'employeur, sans problèmes relationnels avec les collègues et sans passer pour une personne raciste. CA de Besançon, 22 juin 2007, numéro JurisData : 2007-342074.
  • Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel de Besançon, des insultes réitérées à caractère raciste d'un chef d'équipe d'une entreprise à l'égard d'une employée, sur laquelle il avait de surcroît autorité, ne sont pas tolérables et justifient pleinement la cessation immédiate du contrat de travail sans préavis ni indemnités. CA de Besançon, 8 juillet 2008, numéro JurisData : 2008-374306.

Pour la Cour d’Appel de Nancy, en raison de leur nature raciste et de leur violence, les propos tenus par la salariée exerçant des fonctions de vendeuse à l'égard d'un collègue sur une surface de vente, soit dans un lieu audible de la clientèle, présentent, du fait du préjudice causé à ce collègue mais aussi à l'employeur, un caractère de gravité rendant impossible la poursuite du contrat de travail pendant la période de préavis et légitime le licenciement pour faute grave dont elle a fait l'objet. En refusant de faire des excuses en dépit des demandes qui lui ont été faites, l'intéressée qui tente de banaliser son comportement adopte une attitude encore plus méprisante envers son collègue de travail.
CA de Nancy, 8 juin 2007, numéro JurisData : 2007-342955.

Les propos stigmatisant le handicap

  •  Licenciement justifié pour faute grave

Justifient un licenciement pour faute grave, les fautes reprochées au salarié démontrant son mépris à l'égard de ses collègues de travail handicapés, traités de « clone », de « trisomique 21 », de « taré », de « bon à rien », propos insultants, dégradants et contraires à la dignité humaine. Cass. Soc., 8 avril 2009, n° 07-45.527.

Les propos sexistes, de nature sexuelle

  • Mise à pied de deux jours

Pour la Cour d’Appel de Colmar, les propos déplacés et sexistes tenus par le salarié à l'égard d'une stagiaire, même s'ils sont proférés sur le ton de la plaisanterie, sont inacceptables sur le lieu de travail, perturbent les conditions de travail et portent atteinte au respect dont doivent être empreintes les relations de travail, outre l'embarras qu'a pu éprouver la jeune stagiaire. En l'espèce, il l'avait traitée de « tigresse perverse qui vient me fouetter derrière mon poste de travail » et il avait fait mine de vouloir lui couper les lacets de chaussures. La stagiaire était alors partie sans rien dire, estimant ne plus pouvoir effectuer son travail dans de bonnes conditions. De tels agissements appelaient nécessairement une sanction alors qu'il appartient à l'employeur de prendre toutes dispositions pour prévenir toute forme de harcèlement sur le lieu de travail. La mise à pied disciplinaire de deux jours est justifiée et il n'y a eu aucune disproportion au regard de la faute commise et de l'ancienneté de 24 ans du salarié. CA de Colmar, 15 décembre 2005, numéro JurisData : 2005-291955.

  • Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel de Basse-Terre, justifient un licenciement pour faute grave les attitudes et propos méprisants du salarié, à caractère sexuel et sexiste, « pute », « salope », « en ké fann tchou ay » [injure de nature sexuelle en créole] à l'encontre de ses collègues de travail et en présence de la clientèle, ainsi que leur continuité et leur répétition après la dernière sanction disciplinaire. Cette vulgarité permanente du salarié a rendu impossible le maintien de la relation contractuelle, y compris pendant le préavis. CA de Basse-Terre, 7 mars 2005, numéro JurisData : 2005-289627.

Pour la Cour d’Appel de Metz, caractérise une faute grave justifiant un licenciement le comportement attentatoire à la dignité des collègues féminines caractérisant une violation des obligations contractuelles du salarié telle qu'elle rend impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis. Le salarié avait un comportement et tenait des propos tout à fait déplacés à l'égard des employées, faisant des propositions, tant verbales que par mails, de nature sexuelle. CA de Metz, 2 septembre 2008, numéro JurisData : 2008-369244.

Pour la Cour d’Appel de Grenoble, les propositions de nature sexuelle « j’ai envie de t’embrasser et de te violer derrière la machine » faites par un chef d'atelier caractérisent le harcèlement sexuel. Ces faits revêtent une gravité qui justifie la qualification de faute grave du licenciement et la rupture immédiate du contrat de travail. CA de Grenoble, 14 juin 2006, numéro JurisData : 2006-312365.

Les feux d'artifices de grossièretés

Un salarié qui affuble son patron d’un feu d’artifice de grossièretés risque-t-il davantage d’être viré avec pertes et fracas ?

Et bien non, tout dépend où il est jugé et s’il a « une bonne raison » d’injurier son patron !

  • Dépourvus de cause réelle et sérieuse, le licenciement

Pour la Cour d’Appel de Douai, est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute d’une salariée, engagée en qualité de secrétaire et promue responsable d’unité de travail, qui a insulté l’employeur en le traitant de « salopard » et de « connard », ajoutant diverses insanités : « merde, merde… » dès lors que ces faits étaient inhabituels et se situaient dans un contexte particulier. CA de Douai, 22 septembre 2000, numéro JurisData : 2000-143818.

  •  Licenciement justifié pour faute grave

Pour la Cour d’Appel de Limoges, qualifier le style d’un courrier de son patron de « mou, froid, hypocrite, pervers, bavard comme une vielle femme et radoteur », le traiter lui-même de « sot, personne privée de tact aux méthodes surannées et qui utilise un vocabulaire pitoyable », de « morceau de merde, hypocrite, menteur, faux-cul impuissant »  et lui souhaiter « une longue vie dans le monde des hypocrites » et ajouter qu’« il n’avait pas de couilles et était pédéraste » constituent à tout le moins une cause réelle et sérieuse de licenciement…

Mais proférer à l’encontre de son patron lors de l’entretien préalable de licenciement les injures suivantes : « tu fais n'importe quoi, tu vas tuer l'entreprise, si tu ne baises pas ta femme tous les soirs je vais te montrer, je vais au lit avec toi pour te montrer que je suis un homme, Allemand fils de pute, Allemands frustré et incapable sexuel, tu me les gonfles, tu es un merdeux, tu es une merde, tu n'as pas de couilles, va baiser ta femme, baise toi-même, con, vieux con, pédé... » justifient à elles seules un licenciement pour faute grave. CA de Limoges, 7 février 2006, numéro JurisData : 2006-294825.

  • Caractérise un harcèlement moral
Pour la Cour d’Appel de Besançon, caractérisent un manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail et un exercice abusif de son pouvoir de direction découlant du lien de subordination juridique inhérent au dit contrat de travail, des propos vulgaires et orduriers proférés par le président-directeur général de la société à l'égard de la salariée, la traitant régulièrement de « conne, connasse, saucisse, pute, nulle », se permettant de la siffler pour la faire venir auprès de lui, dénigrant constamment et ouvertement son travail qu'il qualifiait de « merde » ou de « bouillie de chat », l'humiliant devant ses collègues, ainsi que devant la clientèle. Le comportement de l'employeur mettait régulièrement la salariée en situation de panique ou de détresse, provoquant des crises de larmes à répétition et un état dépressif latent. CA de Besançon, 10 février 2006, numéro JurisData : 2006-298147.

Une jurisprudence se dégage


Les grossièretés proférées entre salariés et employeurs suscitent un abondant contentieux, et la présente liste est loin d’être exhaustive.

Dans l’entreprise, les mêmes mots prononcés sont une injure lorsqu’ils le sont de la bouche du salarié et seulement une insulte lorsqu’ils le sont de la bouche de l’employeur…
Cependant, une tendance se dégage de la jurisprudence : il existe une hiérarchie des grossièretés et de ceux qui les profèrent. Une injure est une parole offensante adressée à une personne dans le but de la blesser délibérément, en cherchant à l'atteindre dans son honneur et sa dignité. Une insulte, quasi-synonyme d'injure, est cependant considérée comme une injure moins grave. Pour envisager l'insulte comme transgression première, il faut se référer à la notion connexe d'injure : où juris renvoie au droit et à sa violation dans l'injure ? C'est donc une atteinte à la loi. Quelle loi ? Celle du langage juste, celui que toute mère apprend à son enfant. En lui interdisant les « gros mots ». Dans l’entreprise, les mêmes mots prononcés sont une injure lorsqu’ils le sont de la bouche du salarié et seulement une insulte lorsqu’ils le sont de la bouche de l’employeur…

Ainsi, à titre d’exemple, le mot « con » semble moins grave aux yeux de la Justice lorsqu’il est prononcé par l’employeur que par le salarié !

La Cour d’Appel d’Orléans illustre ce déséquilibre dans la relation de travail.

Le fait pour l’employeur de traiter le salarié de « con » et de lui dire « qu'il le faisait chier », ne justifie pas une résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur (CA d'Orléans, 4 octobre 2001, numéro JurisData : 2001-162003).

Mais les propos d’un salarié cadre qui traite de « con », par deux fois et devant témoins, le directeur de l'entreprise constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement (CA d'Orléans, 6 novembre 1997, numéro JurisData : 1997-047551).

Pire, constitue une attitude intolérable justifiant la rupture immédiate de la relation de travail, le fait pour un chauffeur de tractopelle d'avoir traité de « con, salaud » un supérieur, avec comme prétexte le changement au dernier moment de son lieu de travail. Le licenciement pour faute grave est justifié (CA d'Orléans, 25 avril 1991, numéro JurisData : 1991-043636).

En conclusion, selon votre position dans la hiérarchie de l’entreprise, votre ancienneté, le lieu où vous serez jugé, les circonstances dans les quelles vous les avez proférées, vos grossièretés n’auront pas la même saveur : la sanction sera plus ou moins amère !

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