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13 / 04 / 2010 | 8 vues
Baudouin Des Courtils / Membre
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Négociations sur le portage salarial : la FeNPS écrit aux partenaires sociaux

Nous souhaitons confirmer par ce courrier les termes de notre échange avec les représentants du Prisme le mercredi 10 mars dernier, suite à la réunion de commission mixte paritaire en date du 9 mars 2010.

Pour information, ce courrier est adressé à toutes les parties présentes aux négociations et en copie à nos confrères de l’UNEPS et du SNEPS.

Bien que reconnaissant que les négociations menées depuis près de 2 ans ont permis de faire évoluer les positions des différentes parties prenantes sur de nombreux sujets, nous ne pouvons néanmoins soutenir les termes du projet d’accord sur les 5 points qui suivent : statut cadre, exclusivité d’activité, contrat de travail, garantie financière et période transitoire.

Statut cadre


Nous tenons tout d’abord à rappeler que le mandat confié au Prisme et aux organisations syndicales de salariés est d’organiser le portage salarial tel qu’il existe, et en aucun cas de lui donner une nouvelle définition, comme cela est stipulé dans le texte de l’ANI du 11 janvier 2008, article 19, rappelé ci-dessous :

« Considérée comme entachée d’illégalité, cette forme d’activité répond cependant à un besoin social, dans la mesure où elle permet le retour à l’emploi de certaines catégories de demandeurs d’emploi, notamment des seniors. Il est souhaitable de l’organiser afin de sécuriser la situation des portés ainsi que la relation de prestation de service ».

Par ce texte, il est également demandé aux négociateurs de définir des dispositions facilitant le retour à l’emploi de demandeurs d’emploi (et notamment des seniors) et de sécuriser la situation des portés.

  • Or, force est de constater, qu’à ce jour, près de la moitié des portés a un statut non cadre.
De même, près de 90 % des demandeurs d’emploi et des seniors possédaient un statut non cadres avant de perdre leur emploi !

Dans le projet d’accord, il est question de limiter l’utilisation du portage salarial aux seuls cadres, mais quelle est la légitimité d’un tel sectarisme ? Les non-cadres n’ont-ils pas aussi le droit de travailler et de gagner leur vie comme les autres ? Comment peut-on envisager d’exclure de cette nouvelle solution d’emploi toutes les personnes non cadres ? Il est difficile de comprendre une telle position alors qu’il est annoncé qu’un million de chômeurs arrêterait de percevoir leur indemnisation Assedic de retour à l’emploi au cours de l’année 2010. Pourquoi, dans le contexte économique et social actuel, laisser délibérément autant de monde sur le bord du chemin ? Pourquoi ne pas offrir aux demandeurs d’emploi cette possibilité supplémentaire de retour à une activité professionnelle ?

Exclusivité


Nous partageons sans réserve le fait que l’activité de portage salarial soit exclusive et ne puisse être exercée que par des sociétés regroupées sous un même code APE à créer. En revanche, nous ne pouvons accepter qu’un régime de faveur soit octroyé aux agences des sociétés d’intérim qui, selon le projet d’accord, pourraient déroger à la règle ci-dessus. Cela ne peut qu’encourager au mélange des genres et, là encore, il n’y a aucune légitimité à cette exception.

 
La confusion entre portage salarial et intérim est certes très souvent faite, mais ce n’est pas une raison pour l’amplifier au travers de ce projet d’accord. Les différences entre les deux régimes sont nombreuses. Les finalités et processus divergent radicalement comme nous le rappelons ci-après.

Tandis que l’entreprise de travail temporaire met un salarié à disposition de ses propres clients, il revient au porté d’aller démarcher ses clients ou futurs employeurs. Il doit déployer ses compétences relationnelles et convaincre de son expertise pour atteindre son objectif professionnel. La société de portage n’a pas pour objectif de lui apporter sa clientèle et des missions.

En portage salarial, le porté offre à son client, sans lien de subordination avec lui, un apport de compétences ne faisant pas partie du cœur de métier de l’entreprise. Par opposition, l’intérim représente un apport de ressources sur les métiers au cœur de l’exploitation courante de l’entreprise utilisatrice, l’intérimaire étant opérationnellement subordonné au client. Le porté est un prestataire du client, alors que l’intérimaire agit comme un salarié de l’entreprise utilisatrice.

Par ailleurs, c’est le porté qui négocie ses tarifs d’intervention. Dans l’intérim, c’est la politique salariale de l’entreprise utilisatrice qui va déterminer le salaire de l’intérimaire.

La rémunération nette d’un porté est calculée à partir du chiffre d’affaires hors taxe négocié, après déduction des frais et des charges sociales et non à partir de la politique de rémunération en vigueur chez le client. Le porté se rémunère à partir de la réalisation de sa prestation et des « livrables » fournis, alors que l’intérimaire est rémunéré par son temps de présence.

 

Autre différence significative : le porté travaille généralement pour plusieurs clients en parallèle. Un porté ne travaille donc que partiellement chez un client alors qu’un intérimaire travaille habituellement à temps plein chez le client où un poste précis lui est dédié.

  • Même si le schéma triangulaire de base entre client, porté et entreprise de portage semble identique à celui de l’intérim (entre client, intérimaire et société d’intérim), la dynamique est diamétralement opposée.

Cette différence est déterminante : la société de portage est avant tout au service du porté et défend les intérêts de ce dernier vis-à-vis du client ; à l’inverse, la société d’intérim est au service du client final et c’est très logiquement l’intérêt de ce dernier qu’elle défend.

Contrat de travail et adaptation du Code du Travail


Pour 50% des intervenants en portage salarial (les personnes en recherche d’emploi, les jeunes à la recherche d’une première expérience professionnelle, ceux qui souhaitent créer leur entreprise après avoir testé et validé leur projet), le portage salarial représente une solution de transition. Pour l’autre moitié (les professionnels autonomes souhaitant développer leur activité sans avoir à créer leur propre structure juridique et les seniors qui éprouvent beaucoup de difficultés à trouver un nouvel emploi), le portage salarial représente une solution structurelle durable. À partir de là, pourquoi vouloir ne se limiter qu’à des contrats de type CDD via cet accord ? Cette restriction est pour le moins surprenante !


Si le porté bénéficie des mêmes avantages qu’un salarié en termes de protection sociale, il ne peut être considéré comme un salarié « classique » puisque le porté doit démarcher lui-même ses propres clients.

Par ailleurs, c’est le porté qui choisit sa société de portage et non l’employeur qui choisit son salarié. Il y a bien là une logique tout à fait différente de la relation classique employeur/employé.

En outre, c’est le porté qui génère sa propre rémunération. La rémunération est un des éléments fondamentaux différenciant le portage et le salariat. En effet, la détermination de la rémunération du porté et de celle d’un salarié classique répond à deux logiques très différentes :

  • Pour le salarié, c’est l’entreprise qui fixe son salaire brut en fonction de la politique salariale de l’entreprise.
  • Pour le porté, c’est lui qui génère sa propre rémunération par le biais du chiffre d’affaires qu’il produit.

Le portage salarial est ainsi une forme d’emploi qui se distingue clairement des autres régimes existants et qui mérite un cadre juridique spécifique, au même titre que l’intérim ou l’auto-entrepreneur. C’est la raison pour laquelle nous insistons sur la nécessité de créer un nouveau type de contrat qui soit un « contrat de travail en portage salarial » et qui, selon l’objectif professionnel du porté, puisse être de nature CDD ou CDI. La reconnaissance des différences entre le contrat de travail classique et le contrat de travail en portage salarial devra être officialisée dans un chapitre du Code du Travail à créer spécifiquement pour le portage salarial, et non dans la section VII du chapitre 1 (LIVRE II - TITRE 5) consacré au contrat de travail des entreprises de travail temporaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Le portage salarial mérite un chapitre à part entière, au même titre que ce qui est fait pour le temps partagé dont l’ampleur économique et sociale est nettement inférieure à celle du portage salarial.

Garantie financière

La Fédération Nationale du Portage Salarial est favorable à ce qu’une réflexion soit menée sur le thème de la garantie financière mais il n’y a, là encore, aucune légitimité à imposer ce processus dès signature de l’accord, alors que les entreprises de portage salarial cotisent toutes déjà au Fonds national de garantie des salaires. À ce jour, seules les entreprises de travail temporaire ont à prévoir une garantie financière pour leurs salariés, mais il est à préciser que cette garantie se substitue à la cotisation FNGS. La Fédération Nationale du Portage Salarial est donc tout à fait prête à étudier et accepter cette garantie financière mais uniquement dans la mesure où celle-ci se substituerait à l’actuelle cotisation FNGS. Il n’y a aucune raison objective à superposer deux cotisations pour un même motif alors que la santé financière des sociétés de portage n’est en rien plus critique que celle d’une entreprise du BTP, de mécanique générale ou de tout autre secteur d’activité. Pour quelle raisons stigmatiser ainsi les entreprises de portage salarial ?

Période transitoire


La période transitoire telle qu’elle est définie actuellement a pour effet d’obliger les entreprises de portage salarial à appliquer une nouvelle définition du portage d’ici 2 ans, ce qui n’est pas du tout l’esprit du texte de l’ANI du 11 janvier 2008 qui demande aux négociateurs de l’accord d’organiser le portage tel qu’il existe. Nous ne pouvons accepter que les entreprises soient contraintes à se soumettre à un nouveau périmètre restreint, au risque de priver la grande majorité des portés potentiels de cette solution d’emploi innovante que représente le portage salarial.

En forme de conclusion de ce courrier, et pour ne pas se limiter à une réaction négative aux propositions en cours négociées entre le PRISME et les organisations syndicales de salariés, nous tenons à préciser ci-dessous les principales propositions de la FeNPS :

  • donner accès au portage salarial à tout professionnel (cadre ou non-cadre) maîtrisant son métier et capable de trouver par lui-même ses futurs clients ou employeur ;
  • réserver un code APE spécifique aux entreprises de portage salarial dont l’activité serait exclusive, sans dérogation pour les sociétés d’intérim ;
  • prévoir un contrat de travail spécifique au portage salarial que seules les sociétés de portage pourront établir, contrat qui pourrait être en CDD ou en CDI selon le contexte et l’objectif professionnel de l’intervenant en portage ;
  • dédier un chapitre du Code du Travail au portage salarial (et non une sous-section du travail temporaire) au même type que ce qui est fait actuellement pour le temps partagé ;
  • officialiser le mode de calcul de la rémunération qui est établi à partir du chiffre d’affaires généré, et non à partir d’un salaire brut comme cela est fait pour les contrats de travail classiques entre employeurs et employés (en appliquant bien sûr des minima selon le statut) ;
  • obliger les entreprises de portage salarial à souscrire à une assurance responsabilité civile professionnelle adaptée.
En vous remerciant d’intervenir pour que le bon sens soit enfin privilégié et prenne le pas sur certains intérêts partisans, nous restons bien évidemment à votre disposition pour échanger sur tous ces sujets avant la prochaine CMP planifiée le 3 mai 2010.
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