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26 / 06 / 2025 | 26 vues
Jean-Philippe Milesy / Membre
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La Fédération nationale de la Mutualité fait mouvement à son congrès

Un congrès de la FNMF est une assemblée diverse de notables et de militants, balançant souvent entre mouvement et institution. Ce 44e congrès aura plutôt tenu du mouvement.

 

S’il contraignait à une configuration un peu réduite (1 300 délégués et invités pour un mouvement qui couvre un Français sur deux en santé ou prévoyance), Éric Chenut son président a tenu à souligner l’importance de ce choix d’une petite préfecture au sein d’un territoire rural. De fait, la première table ronde, d’habitude assez formelle, est entrée dans le vif du sujet, c’est-à-dire la place de la Mutualité, dans le système de santé français.


Cette place, qui était essentielle aux yeux d’Ambroise Croizat lui-même, c’est celle de structures profondément ancrées dans les territoires ce qu’ont souligné les élus présents. Le maire de la ville a rappelé que dans son agglomération de 100 000 habitants, 15 000 sont sans médecins traitants que les œuvres mutualistes savent accueillir pour leur assurer un accès aux soins.
 

Le constat fut le même pour le vice-président de la région Nouvelle-Aquitaine en charge de la protection sociale qui insista sur l’importance des dispositifs de solidarité, en mettant l’accès sur l’œuvre de prévention et de santé environnementale.

 

Et la jeunesse ?

 

Les travaux se poursuivirent, prospectifs, avec un échange sur les nouvelles solidarités dans le monde de demain avec notamment l’intervention de Frédéric Gilli, enseignant à Sciences Pô, qui avec Laurent Sablic au sein de l’agence Grand Public, mit en œuvre et anima pour la FNMF des Forums Jeunes dont il fut beaucoup question durant tout le congrès.

 

Au deuxième jour, à partir des interventions des jeunes lors de ces Forums, l’engagement qui est le moteur de la solidarité et de la démocratie mutualiste fut l’objet d’un échange très éclairant entre Carole Hazé, présidente de la FMF et Isabelle Rondot de la MGEN. La question de la transmission, de la relève se révéla là capitale pour un mouvement qui, mettant l’humain au cœur de sa démarche, est confronté aux évolutions du temps. Ainsi invitée à donner un exemple des engagements mutualistes, Carole Hazé évoqua les concerts organisés à Marseille en solidarité avec SOS Méditerranée qui assure avec courage le sauvetage des migrants dans ce qui devient un terrible cimetière.

 

80 ans de la Sécu

 

Mais le temps fort de la matinée aura été le discours d’Éric Chenut accueillant Catherine Vautrin. En ces temps ou l’on s’apprête à célébrer les 80 ans de la Sécurité sociale, le président de la FNMF rappela les principes fondateurs d’une mutualité qui créa les premières formes de la protection sociale, notamment le principe d’une solidarité selon le couple financement par les cotisations de ses membres et répartition ; un système où l’on contribue selon ses moyens et où on reçoit selon ses besoins dans un esprit de responsabilité.

 

Face à l’agitation faite autour des 20 milliards de déficit des comptes sociaux, Éric Chenut dénonça les visions comptables, les logiques financières, la fuite en avant dans les déremboursements. Il s’éleva contre tout projet de taxation supplémentaire des mutuelles, déjà fortement taxées, qui serait à ses yeux injuste et irresponsable.

 

Il dénonça des mesures qui conduisent à brider les initiatives, à freiner l’innovation, et il affirma qu’il est grand temps de renoncer au carcan de l’annualité budgétaire. Selon son président, la Mutualité ne se résignera pas ; elle refuse à la fois toute étatisation et toute financiarisation, se présentant comme une troisième voie fondée sur la responsabilité et la confiance. Elle n’est pas un simple guichet payeur mais un acteur essentiel de la santé qui doit être pleinement reconnu comme tel.

 

 

Puis Éric Chenut définit les urgences et les propositions qui seront reprises dans le Manifeste que le Congrès doit adopter et Il proposa la tenue d’États-généraux de la santé et de la protection sociale, associant l’ensemble des parties prenantes dont les mutuelles et les partenaires sociaux, les institutions du champ et les professionnels de la santé…

 

Face à ce discours combatif, la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles de France se livra à l’exercice périlleux de sembler approuver les remarques et propositions d’Éric Chenut alors qu’elle et ses collègues du gouvernement conduisent une politique contraire en presque tout. Entonnant le grand air de la fraude, elle lui attribue une responsabilité première en voulant ignorer que celle-ci procède pour l’essentiel des agissements, non des particuliers mais des acteurs économiques que son gouvernement protège le plus souvent. Pour le reste elle promit, annonça avec des éléments de langage assez similaires à ceux avancés la veille par le représentant du Medef qui aura été, assez curieusement, le seul partenaire social invité à s’exprimer durant les travaux.

 

La CGT discute avec le mutualisme

 

S’agissant des organisations syndicales, pour la première fois depuis longtemps était présent un secrétaire confédéral de la CGT, Denis Gravouil. Sa présence, remarquée, au-delà de ses engagements pour une Sécurité sociale de haut niveau et conforme à son projet initial (une institution fondée sur les cotisations et gérée par ses cotisants c’est-à-dire très éloignée de sa fiscalisation et dès son étatisation actuelle) marquait la volonté de la CGT de discuter avec le mutualisme en relevant son importance dans une logique de s’opposer à la marchandisation de la santé dans la santé.

 

Au matin du troisième jour, le Congrès devait adopter un Manifeste autour de six propositions majeures pour donner à la Mutualité les moyens de remplir pleinement sa mission de solidarité. Il s’agit ainsi d’organiser les premiers recours avec la mise en place d’équipes de soins ; de donner un cadre légal assurant les moyens de lutter contre toutes les fraudes ; de faciliter l’accès et la valorisation des données de santé, notamment dans un objectif de prévention ; de reconnaître cette prévention comme une prestation à part entière ; de généraliser une couverture sociale complémentaire en prévoyance et dépendance ; de lutter contre la financiarisation de la cohésion sociale et de la santé et de promouvoir le secteur non-marchand.

 

À l’heure où éclatent, secteur après secteur, les scandales liés à la gestion financiarisée des institutions sociales (Ehpad, crèches, aide à domicile….) cette proposition relève de l’urgence.

 

Voilà, pour trois jours de rencontres et de débats malgré une chaleur caniculaire. « Inspirons les solutions de demain » proclamait le slogan de ce congrès Si l’œuvre est bien évidemment inachevée, la feuille de route aura été passablement bien remplie et les échanges entre les acteurs présents auront été riches.

 

 

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