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Les « avantages aux salariés » disparaissent du projet de loi sur le travail
« Mon amendement a créé la surprise. C’est symptomatique de l’incapacité des élus à saisir le fossé qui existe entre les TPE et les grandes entreprises en matière d’avantages aux salariés. C’est justement pour lever tous les risques de redressement de l'URSSAF que je l’ai proposé. Il faut permettre aux petits patrons de gérer une politique d’avantages de façon simplifiée en prenant en compte qu’ils ne disposent pas des moyens d’un comité d'entreprise », estimait Alain Fauré, membre de la commission des finances et dirigeant d’une PME qui emploie une vingtaine de salariés, à l'initiative de cet article 28 bis du projet de loi sur le travail par voie d'amendement.
Dommage, le 49.3 est passé par là et un amendement du gouvernement a tout simplement supprimé l’article 28 bis sous prétexte que le sujet était socialement complexe et les enjeux financiers importants. Les avantages sociaux et culturels dont bénéficient les salariés qui accèdent aux comités d’entreprises représenteraient ainsi une « perte » évaluée à 1 milliard d'euros de cotisations pour la Sécurité sociale, selon la grille de lecture du ministère des Finances. Après bilan et concertation avec les partenaires sociaux et les acteurs économiques de ce secteur d'activité, le gouvernement renvoie donc au projet de loi de finance de la Sécurité sociale 2017. En attendant, ces avantages aux salariés distribués par les directions en l’absence de comités d’entreprise et exonérés de cotisations sociales sous prétexte qu’ils relèvent de l’action sociale et culturelle restent une « tolérance ministérielle »… L’article 28 bis avait le mérite de faire rentrer cette notion dans le droit du travail.
L’article 28 bis balayait la circulaire de la Sécurité sociale à géométrie variable qui cadre aujourd’hui les conditions d’exonérations. Comment ? En proposant un forfait de base à 10 % (322 €) du plafond mensuel de la Sécurité sociale, contre 5% (161 €) aujourd'hui. Ce forfait passant à 20 % (644 €) à partir du premier enfant. Du prêt-à-distribuer.
Un forfait sécurisé serait-il un levier de développement des avantages aux salariés dans les TPE ? Avec quelles conséquences sur l’évolution des salaires et sur les primes ?
Voilà qui mérite effectivement une concertation préalable avec les partenaires sociaux à l’approche des élections professionnelles dans les TPE, qui se dérouleront en décembre prochain. Dans ce contexte, la CGT porte la revendication d’un droit à des activités sociales, culturelles et sportives pour tous.
Gérard Filoche, membre du bureau national du Parti socialiste, voyait en revanche dans cet article 25 bis « des cadeaux sociaux et fiscaux supplémentaires pour les entreprises ».
Plafonds sans compensation
Comme une contrepartie au manque à gagner potentiel en cotisations sociales dans les TPE, l’article 25 bis n’avait pas manqué d'introduire des plafonds qui, pour le coup, visaient les comités d'entreprise (surtout les plus généreux). Disparaissaient en effet les événements (mariage, PACS, naissance, fin d’année, rentrée scolaire mais aussi retraite, femmes célibataires de 25 ans et hommes célibataires de 30 ans) qui sont actuellement pour les élus du personnel autant d’occasions de proposer des prestations par tranche de 5 % du plafond de la Sécurité sociale. Chaque enfant, sans limite, est aussi synonyme d’une tranche à 161 € sur chaque événement. Les salariés avec plus de 2 enfants, qui étaient éligibles à plus de 2 événements par an, allaient assurément perdre en pouvoir d’achat avec cet article. Pour couronner le tout, les bons d’achats culturels qui ne sont aujourd’hui pas plafonnés se voyaient appliquer un forfait à 20 % avec une assiette élargie aux aides aux départs en vacances et autres adhésions aux clubs sportifs. Peu de chance que les comités d’entreprise aient trouvé un écho favorable du côté des directions pour compenser la perte...
Perte de légitimité des CE, fragilisation de la justification des exonérations
Les comités d'entreprise allaient aussi y perdre en légitimité puisque les leviers de pilotage, avec les arbitrages entre les événements, n’existaient plus. Le bon d’achat « rentrée scolaire » pouvant aussi servir à acheter des cadeaux. Or la banalisation des actions ne fait pas bon ménage avec les spécificités sociales et culturelles censées justement légitimer des exonérations qui ne sont pas gravées dans le marbre...
Paradoxalement, cet article 25 bis faisait l'impasse sur les chèques vacances dont la distribution non plafonnée est aussi dans le collimateur. « Les chèques vacances apparaissent comme un complément de rémunération. La mission suggère de revoir les exonérations dont bénéficient ce dispositif », affirmait en juin 2013 le rapport « Pour des aides simples et efficaces au service de la compétitivité », rendu par l’Inspection Générale des Finances.
À quand l’ouverture de cette large concertation sur la question de l’équilibre entre le salaire chargé en cotisations sociales et les « avantages exonérés » accordés aux salariés ?