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18 / 12 / 2018 | 6 vues
Didier Cozin / Membre
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Le capital humain est maltraité par notre pays

Depuis le début des années 2000, la France réforme son système de formation sans prendre en compte le prix qu'il faut payer pour une formation devenue à la fois universelle et tout au long de la vie.

De 2004 à 2018, la dette de formation des adultes en France s’est creusée
  • 10 millions de salariés du privé en CDI ont accumulé un milliard d’heures de DIF soit au prix de 15 euros par heure (fixé par décret le 14 décembre 2018) environ 15 milliards d’euros de créances DIF.
  • 18 millions de salariés du privé (en CDI, précaires ou en CDD) ont cumulé un autre milliard d’heures de CPF entre 2015 et cette fin d'année 2018 (24 heures par an pour les salariés à temps complet), soit à nouveau 15 milliards . 
  • À partir de 2019, ces 18 millions de salariés (y compris ceux à temps partiel)
    « capitaliseront » 500 euros par an de CPF, soit 9 milliards d'euros chaque année (avec des droits doublés pour les 2 millions de travailleurs illettrés ou sans diplôme).
  • Les 6 millions de fonctionnaires quant à eux, continuent de cumuler des droits virtuels (et non financés) à la formation. Leur CPF en heures est maintenu, les compteurs CPF (qui mêlent joyeusement les heures de DIF et de CPF) sont pleins et donc 900 millions d’heures ont été cumulés (soit une contrevaleur de 14 milliards d'euros)
La dette formation de notre pays s'élève donc désormais à plus de 60 milliards d'euros.
  • 45 milliards d'euros de cumul de CPF/DIF auxquels il faut ajouter les 15 milliards d'euros du PIC pour remettre 2 millions de chômeurs (jeunes en insertion et chômeurs de longue durée) à niveau.

Un véritable effondrement menace notre système de formation.

Une Caisse des dépôts devenue la banquière de la formation ?
Dès janvier 2019, la Caisse des dépôts devra provisionner et financer le CPF des salariés du privé et des chômeurs pour un montant estimé à 10 milliards par an, avec en face une cotisation formation de seulement 2 milliards d'euros.

Des entreprises (de plus de 50 salariés) qui cotiseront deux fois en 2019 pour la formation tout en étant soumises à une quadruple contrainte :
  • la fin des OPCA, des budgets mutualisés et des services offerts par la branche professionnelle ;
  • une double cotisation formation à régler en 2019 (février 2019 sur l’année 2018 et automne 2019 pour la cotisation devenant contemporaine de l’année ;
  • la disparition ou la transformation de tous les dispositifs qui préexistaient (CIF, CPF en heures, périodes de pro et plan de formation) ;
  • le paiement d'importantes pénalités (en mars 2020) en cas de non-gestion des parcours des salariés en CDI (entre mars 2014 et mars 2020), avec une amende de 3 000 euros par salarié non formé (à verser directement sur le compte CPF de chaque salarié non formé).

Depuis la crise financière de 2008 la formation est devenue la variable d'ajustement et la voiture balai du social en France
La crise financière de 2008 (un million de chômeurs supplémentaires) puis les choix politiques menés entre 2012 et 2017 (un autre million de chômeurs supplémentaires) ont transformé la formation en une impécunieuse et inefficace voiture balai pour les travailleurs.

Depuis 2009, constatant que les chômeurs n’avaient pas un accès suffisant à la formation, les Pouvoirs Publics ont décrété que les entreprises pouvaient payer pour former les chômeurs. Dans notre système qui consacrait déjà bien peu à l’éducation des travailleurs (1,1 % du PIB, contre 2 à 2,5 % dans d'autres pays), les conséquences sur l’emploi, la productivité et la compétitivité sont indéniables et redoutables : perte généralisée de compétences des salariés et de compétitivité des entreprises.

En monétisant le CPF sans mettre en face de nouvelles cotisations (employeurs + salariés) les pouvoirs publics ruinent encore une fois la formation professionnelle.

Notre système de formation doit affronter des défis éducatifs immenses : transformations environnementales, numériques et professionnelles, reconversions massives des travailleurs, accompagnement des indépendants et des chômeurs, alphabétisation des travailleurs étrangers et des migrants, tout cela avec des moyens de plus en plus réduit, des financements évanescents et une réglementation en forme d'usines à Gaz.

Il est pourtant possible de remettre la formation au service des travaileurs en la dotant de budgets et de moyens conséquents et pérennes :

  • consacrer 50 % du montant des baisses programmées des charges sociales (ex. CICE) en budgets mutualisés pour former les 18 millions de salariés du privé (soit environ 10 milliards par an) ;
  • dédier les RTT à la seule formation professionnelle des salariés (4 heures par semaine, soit 150 heures environ par an et par personne) ;
  • innover en matière de formation des chômeurs en mettant  en place  de vrais congés de formation (1 million de salariés reprenant le chemin des études et autant de chômeurs occupant leur poste de travail durant un an) ;
  • en finir avec notre système dual de formation initiale professionnelle (Lycée pro vs CFA) avec un statut unique de l'apprenti pour tous les futurs travailleurs.
Le développement de notre capital humain implique désormais de sortir des faux-semblants des réformes de la formation de 2009, 2014 et de 2018.
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