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La vie privée du salarié peut le priver de son emploi
Notre époque assiste à la prolifération des nouvelles technologies de l’information et de la communication via les nombreuses innovations de réseaux sociaux en tous genres. Cela a du bon comme du mauvais, le bon c’est la démultiplication de nos connaissances tant personnelles que professionnelles. Le mauvais ? C’est que tout se sait plus vite et l’information touche un plus grand nombre de personnes. Les conséquences sont donc plus importantes et viennent de fait parfois se greffer sur les relations de travail.
Quid : Jusqu’où notre vie privée peut-elle le rester ? Quelles sont les frontières à ne pas franchir sous peine de perdre son emploi ?
Voici le type de questions de droit qui concourent à l’élaboration d’une jurisprudence sociale de la Cour de Cassation qui, à ce jour, reste plutôt tatillonne. En effet, il semblerait que tout dépende des circonstances de l’espèce : l’emploi en cause, les répercussions sur la vie et les intérêts de l’entreprise, l’existence ou non d’atteinte à l’image de marque de l’entreprise ou à la réputation de ses dirigeants. Face aux situations protéiformes, il devient fastidieux d’assurer une régularité dans la formulation de principes jurisprudentiels.
- Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que même si elle est indépendante du travail salarié, sa vie personnelle peut se trouver en conflit avec les intérêts de l'entreprise qui l'emploie. Toutefois, un fait de vie personnelle ne peut pas caractériser une faute disciplinaire. En revanche, ce fait peut objectivement constituer une cause de licenciement personnel non disciplinaire.
Lorsque le fait reproché au salarié s’avère complètement étranger à ses fonctions au moment où il se produit, la Cour de Cassation en déduit alors qu’il ne peut justifier un licenciement disciplinaire. Dit autrement, le fait imputé au salarié relevant de sa vie personnelle ne peut constituer une faute.
Comme tout principe, ce dernier a ses exceptions, la première étant quand le fait de vie personnelle constitue un manquement à l’obligation de loyauté dans l'exécution du contrat de travail.
Comme nous le savons tous, le contrat de travail doit faire l'objet d'une exécution loyale. Dès lors, aucun salarié ne doit se livrer à des agissements pénalement répréhensibles qui justifieraient un licenciement pour faute lourde avec mise en cause de sa responsabilité pénale. Il s’agit plus spécifiquement des actes de vol, de détournement de fonds, de malversations, de falsifications de documents et de toutes les autres manœuvres frauduleuses.
Il en va de même pour les obligations de fidélité et de discrétion qui incombent à tout travailleur.
La deuxième exception se retrouve dans la situation où le fait incriminé se rattache aussi par un élément à la vie professionnelle et à l'entreprise et il peut alors être qualifié de faute disciplinaire.
Récemment, les hauts magistrats ont jugé qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire sauf, s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
- Dans cette affaire, il s’agissait d'un salarié qui, dans le cadre de sa vie personnelle, avait commis une infraction entraînant la suspension ou le retrait de son permis de conduire et qui avait été licencié pour faute grave.
Par ailleurs, relevons ici que dans certaines hypothèses, un fait de vie personnelle peut aboutir à un licenciement de droit commun.
Dans ce cas, le licenciement ouvre droit à l’accomplissement du préavis et, le cas échéant, à indemnité de licenciement. En l’occurrence, la cause du licenciement s’appuie sur la notion de trouble objectif causé à l'entreprise par le comportement du salarié. La Cour de Cassation a rappelé que si, en principe, il ne peut être procédé au licenciement d'un salarié pour une cause tirée de sa vie privée, il en est autrement lorsque le comportement de l'intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière.
Dernièrement, la Cour de Cassation a eu à se prononcer sur le cas d’un salarié, qui appartenait au « personnel critique pour la sécurité » et qui avait consommé des drogues dures pendant des escales entre deux vols. Se trouvant sous l'influence de produits stupéfiants pendant l'exercice de ses fonctions, il n'avait pas respecté les obligations prévues par son contrat de travail et avait ainsi fait courir un risque aux passagers. La Cour d'Appel avait pu en déduire qu'il avait commis une faute grave justifiant la rupture immédiate du contrat de travail.
En l’espèce, les hauts magistrats ont souligné que le trouble objectif dans l'entreprise provoqué par un comportement du salarié étranger à l'exécution du contrat de travail ne constitue pas une faute pouvant justifier un licenciement disciplinaire. Ainsi, en retenant que le licenciement pour faute grave de l'exposant était justifié par le trouble causé à la société par le salarié résultant de la consommation de drogues dures lors d'escales, la Cour d'Appel avait violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du Code du travail et excédé ses pouvoirs.
À bon entendeur, la jurisprudence reste donc formelle dans sa différenciation entre le trouble objectif et la faute disciplinaire.
Peu à peu, nous apercevons un fil de jurisprudence constante autour de certaines notions de droit. Espérons qu’en dépit de la mouvance et de la diversité des casuistiques, nous parvenions à sécuriser nos filets jurisprudentiels afin que chacun puisse y voir plus clair…