Organisations
L'apport innovant des SCIC
La société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) a été créée en 2001 et intégrée à la loi sur la coopération de 1947 (loi 47-1775). C'est une société coopérative réunissant obligatoirement trois catégories de parties prenantes : des salariés (ou en leur absence des producteurs, agriculteurs, artisans, commerçants…), des bénéficiaires (clients, fournisseurs, bénévoles, collectifs de toute nature…) et un troisième type d’associé (entreprises privées, financeurs, associations, collectivités locales...), selon les ambitions et besoins.
C'est aussi une société commerciale aux formes variées :
- 25 % sont des sociétés anonymes,
- 19 % des sociétés par actions simplifiées (en forte croissance puisqu’autorisées qu’à compter de la loi Hamon de 2014),
- ou, pour la majorité, des sociétés à responsabilité limitée.
Les SCIC sont particulièrement adaptées à la prise en charge de projets de territoire : en réunissant les différentes parties prenantes, aux intérêts différents (voire a priori divergents) d’un enjeu local pour aboutir à un projet commun, la forme statutaire des SCIC conduit à une relocalisation et à une meilleure maîtrise de la chaîne de valeurs sur un territoire. À cet égard, elle prend souvent largement en compte les externalités positives et négatives de son activité, d’où l’importance de la mesure de ses conséquences monétaires et non monétaires sur ses territoires d’intervention.
Elle peut autant être considérée comme une entreprise de l’économie sociale et solidaire que comme un outil de développement territorial. D’ailleurs, les porteurs de projet de SCIC ont des profils divers dans des secteurs d’activité très variés. Si les plus courants sont le conseil aux entreprises, la culture ou les services de proximité, d’autres secteurs sont très porteurs, tels la santé, la gestion de tiers-lieux, la mobilité ou encore l’agriculture, sujets essentiels pour le développement des territoires ruraux et périurbains notamment.
Les SCIC renouvellent aussi la démocratie économique en obligeant à l‘expression, la discussion et la définition permanente d’une convergence des points de vue de leurs différents sociétaires, dans le cadre rigoureux qu’exige le nécessaire équilibre du modèle économique d’une société commerciale mais aussi dans celui, démocratique, de la coopération (« une personne = une voix »)... L’animation du multi-sociétariat, traduction opérationnelle de cette démocratie d’entreprise, est alors primordiale.
Aux côtés des autres structures de l’économie sociale et solidaire, les SCIC incarnent des valeurs et des principes de cohésion sociale et de performances économiques. Elles constituent un outil efficace de solidarité, d’innovations sociales et de développement économique.
Car les SCIC représentent une forme d’association entre acteurs privés et publics au service d’un projet d’intérêt collectif, voire général sur les territoires, ruraux comme urbains. Une forme vertueuse de partenariat public privé, en somme.
Ainsi, les SCIC sont de plus en plus considérées pour la place qu’elles occupent dans le développement économique territorial en France. Depuis 2012, leur nombre a plus que doublé. Il s’en crée désormais une centaine par an et 680 sont aujourd’hui en activité.
Les collectivités locales ne s’y sont pas trompées qui soutiennent ce développement, de multiples façons.
Elles sensibilisent les acteurs du territoire en organisant des rencontres ou des formations, construisent des écosystèmes favorables à l’émergence de projets coopératifs, subventionnent et utilisent les services proposés (sous réserve du respect des procédures de marché public, évidemment) ou participent à l’entrée du capital, car les SCIC sont les seules sociétés coopérative au capital desquelles les collectivités territoriales peuvent investir librement.
Ainsi, bien que les informations restent encore peu disponibles (et la base statistique « étroite »), on peut estimer qu’un tiers au moins des SCIC ont une ou plusieurs collectivités locales à leur capital, selon une enquête réalisée sur ce seul point fin 2016 par la CGSCOP.
Plusieurs enseignements peuvent en être tirés, montrant que les collectivités locales orientent ce développement.
Le premier est la prédominance du bloc communal (communes et intercommunalités), représentant 89 % des SCIC ayant une ou plusieurs collectivités locales sociétaires, confirmant le caractère d’entreprise du territoire des SCIC. Viennent ensuite les régions (22 %), puis les départements.
L’inter-coopération publique est également notable puisque la moitié des SCIC capitalisées par les collectivités locales le sont par plusieurs d’entre elles avec, là encore, une prédominance de la coopération entre communes et intercommunalités (31 % du total des SCIC concernées) puis l’inter coopération entre bloc communal et région.
Enfin, sur ce chapitre, si les SCIC urbaines ont pour sociétaires des communes (75 % des cas), la tendance s’inverse au profit des intercommunalités (59 % des cas) dans le monde rural.
Le second enseignement porte sur la taille des SCIC ayant des collectivités locales à leur capital, s’avérant plus importante que la moyenne. C’est vrai pour la capitalisation, sans que l’on puisse en l’état de nos connaissances, établir de liens de causalité : alors que 70 % des SCIC ont un capital inférieur ou égal à 50 000 €, elles ne sont plus que 56 % lorsque des collectivités sont présentes à leur capital.
Le nombre d’associés (au nombre total de 39 000 fin 2016) est également plus important dans les SCIC capitalisées par les collectivités. Ainsi, si 78 % des SCIC ne représentent que 14 % des associés, réunis dans des SCIC de moins de 50 associés, ces chiffres s’élèvent respectivement à 52 % et 6,6 % lorsque des collectivités sont présentes. Ce constat se retrouve s’agissant du nombre de salariés (5 000 fin 2016) puisque les SCIC ayant des collectivités pour sociétaires comptent 15 salariés en moyenne, contre 12 pour l’ensemble des SCIC.
Enfin, troisième enseignement, la répartition sectorielle porte la marque des collectivités locales : les secteurs des énergies renouvelables (8 % en moyenne mais 25 % lorsque des collectivités sont présentes), de l’environnement (recyclage, mobilité, auto partage : 17 % contre 8 % en moyenne) puis l’agriculture (11 % contre 7 %) représentent plus de la moitié des SCIC capitalisées par les collectivités locales quand le secteur dominant de l’ensemble des SCIC est celui du conseil, formations et prestations aux entreprises et acteurs des territoires (27 %).
Pour finir, trois conclusions provisoires s’imposent.
La première, en forme de rappel, est que les relations entre délégation de services publics, apports financiers ou en SCIC et collectivités locales ne sauraient être réduites à leur seule participation au capital. Subventions, marchés publics, garantie etc. font partie des outils que mobilisent les collectivités locales pour soutenir les SCIC inscrites dans leur projet de territoire.
La poursuite de travaux sur les liens collectivités locales SCIC est indispensable, pour une meilleure qualification de leurs relations et des effets et conséquences sur ces territoires.
La participation de la CGSCOP à l’étude action lancée par la Fonda, le labo de l’ESS et l’Avise sur une approche prospective de la mesure de conséquences sociales, participe de cette volonté mais ne couvre pas l’ensemble du champ, loin de là.
En second lieu, alors que la loi NOTRE donne la primauté à la région dans la définition des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII), la construction de relations plus denses avec les conseils régionaux devient un impératif catégorique afin de faire valoir la valeur ajoutée de la forme statutaire des SCIC pour l‘enrichissement de la chaîne de valeurs et leur territorialisation et, au final, pour la vitalité, la résilience des territoires tant urbains que ruraux.
En troisième lieu, cet essor des SCIC et des relations entre SCIC et collectivités locales manifeste la montée en puissance des logiques de co-construction, logiques qui interpellent l’ensemble des acteurs, y compris au-delà des seules entreprises de l’ESS mais aussi les collectivités (et à son niveau, l’État, sociétaire lui-même de trois SCIC) sur leur rôle .
Garantes, actrices, facilitatrices, financeurs exigeants, dans une posture plus modeste, active, où la « libération des énergies » s’exprime dans un cadre où chacun trouve sa place et son intérêt.
Pas encore de commentaires