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18 / 12 / 2012 | 10 vues
Sylvain Thibon / Membre
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Vivendi démantelé...

Imaginez un groupe bien français, numéro 1 mondial de la musique ; imaginez un acteur français numéro 1 mondial des jeux vidéo ; imaginez un numéro 1 des télécoms alternatifs toujours en France ; imaginez un groupe français, numéro un marocain des télécoms ; imaginez une entreprise française numéro 1 des opérateurs haut débit alternatifs au Brésil ou encore le numéro 1 français de la télévision payante…

Ce groupe existe, chaque Français le connaît, surtout au travers du nom de ses filiales, Canal+, SFR, Universal, Activision Blizzard et même à l’étranger Maroc Telecom, ou GVT au Brésil... Ce groupe de 58 000 salariés, ce groupe qui affiche un chiffre d’affaires de près de 30 milliards d’euros…… Ce groupe va certainement disparaitre dans quelques mois, sans que cela n’émeuve personne.

Lorsque Vivendi était en faillite en 2001, lorsque J6M dirigeait ce groupe, la presse vendait du papier pour justifier le démantèlement et la déroute d’un modèle international du divertissement, alors à la dérive.

  • Aujourd’hui, il ne s’agit point de désastre économique mais de succès. Le relèvement du groupe opéré depuis 10 ans est une évidence. Alors qu’il a survécu à la crise des années 2000 en se restructurant avec intelligence, il devra finalement se dissoudre. Cherchez la logique de tout cela…

Quand on est numéro 1, n’y a-t-il d’autre alternative que de disparaître ?

Comment expliquer que le démantèlement ait finalement été le choix privilégié par les dirigeants de Vivendi plutôt que la continuité dans un groupe qui est allé de succès en succès ces dernières années. Comment expliquer que personne ne se soucie de cela alors que Vivendi fait vivre des dizaines de milliers de salariés en France, employés par le groupe ou indirectement par des sous-traitants, alors qu’il est un poids lourd de la création, un acteur majeur du financement du cinéma français et européen, un pôle de développement et de référence à l’international…

L’explication vient peut-être de ce que le Canard Enchaîné publiait le 5 décembre dernier « Le va-tout de Fourtou avec Vivendi ».

  • « En dix ans, Jean-Bernard Levy a redressé le groupe, mais il a commis une impardonnable faute aux yeux de JRF : l’action Vivendi a perdu 30 % de sa valeur, alors que Vivendi a affiché d’excellents résultats en 2010 et en 2011, la plus belle rentabilité de son histoire et 3,4 milliards d’euros de dividendes encaissés en 2 ans par les actionnaires !»

Depuis que Jean-Bernard Levy a été remercié, c’est la course à l’échalote. Éviction du patron de SFR, prise de contrôle de Vivendi par des patrons qui sont menacés par la retraite ! Plan social chez SFR, recherche d’acheteurs tous azimuts pour les filiales à l’étranger, au Maroc ou au Brésil…

Comme le précise Le Canard, ces décisions n’ont pas bouleversé le cours de Bourse, c’est le moins que l’on puisse dire. Le journaliste poursuit en indiquant qu’il serait temps que les 58 000 salariés comprennent l’un des enjeux de ces manœuvres : de belles plus-values à réaliser. Bolloré possède maintenant grâce à Canal+ 66 millions de titres (soit 1,056 milliard d’euros au cours actuel) et JRF selon le calcul du journal Les Échos du 29 novembre, détiendrait 800 000 actions (soit 12 800 000 euros)… À côté de Bolloré, ce n’est pas grand-chose mais comme indemnité de départ à la retraite, ça peut faire rêver, conclut le journaliste.

Voilà peut-être comment et pourquoi ce groupe va disparaître. Dans la plus grande indifférence, comme s'il fallait d’abord une faillite, des plans sociaux, une catastrophe industrielle pour attirer l’attention.

Il y aura dans cette affaire quelques gagnants, déjà identifiés. Mais il y aura aussi, soyons en sûr, des milliers de perdants : d’abord les actionnaires qui, une fois encore, risquent de perdre gros et être mis devant le fait accompli en avril ou mai prochain lors de la prochaine assemblée générale. Il y a, bien sûr, les 58 000 salariés et leurs familles qui attendent parfois impatiemment de voir l’avenir avec plus de sérénité. Ils sont déjà plus de 1 000 à se faire licencier sans raison sinon que pour justifier une vente de SFR au meilleur prix...

Nous risquons de payer au prix fort ces choix stratégiques qui vont affaiblir l’ensemble de nos affaires au lieu de les renforcer. Au final, il risque de n’y avoir qu’un seul gagnant : Bolloré. Entré au conseil de surveillance la semaine dernière, il est maintenant aux manettes. Avec plus de 5 % du capital, grâce à la vente à Canal+ des chaînes D8 et Direct Star, vendues au prix fort, un marché orchestré et voulu par Bertrand Meheut, Vincent Bolloré va pouvoir dicter ses exigences, nommer les dirigeants qu’il veut, encaisser les dividendes…

Pour quoi faire ? Qui a posé la question à Bolloré ? Même pas les journalistes d'i>Télé, la chaîne info de Canal+. Ça n’intéresse donc personne ? Et si Bolloré n’était intéressé que par le catalogue des droits détenus par Canal+ ? Quel avenir dès lors pour la chaîne cryptée à la française, l’un des trois grands groupes de pay TV au monde à côté du groupe Murdoch ou de HBO aux États-Unis…

Alors que les bouleversements actuels supposent un renforcement des fonds propres, l’adossement à un actionnaire de référence et en bonne santé, le groupe va s’affaiblir de lui-même, se faire hara-kiri et sombrer dans des turbulences qui vont entraîner ses activités vers des rivages inconnus.

Décidément, à Canal+, chaque changement majeur de direction plonge le groupe dans la plus grande incertitude. Le départ d’André Rousselet avait laissé le groupe orphelin. Le départ programmé de Bertrand Meheut va se réaliser dans une période nouvelle de grande instabilité, marchés bousculés, concurrence de nouveaux acteurs, bouleversements technologiques, fallait-il y ajouter l’incertitude de l’actionnariat au risque d’affaiblir un peu plus l’entreprise en l’empêchant de disposer des moyens de son futur développement ?
Et les salariés dans cette affaire ? Vous prendrez bien un peu de mon plan social...

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