Vivendi, Canal+ : vite, la clarté...
Le départ de Jean-Bernard Levy de la direction du groupe Vivendi ne semble pas avoir fondamentalement modifié le partage des lignes de force entre ceux qui s’opposent au démantèlement du groupe et ceux qui y seraient favorables.
Les messages et les actions sont plutôt contradictoires. Dans un premier temps, on confie une mission à Bertrand Meheut sur l’avenir du pôle médias et une mission à Jean-Yves Charlier sur l’avenir du pôle télécommunications.
Mais le 30 août dernier, Philippe Capron, directeur financier du groupe, explique qu’il serait de toute façon complexe (voire dangereux) de scinder le groupe en raison de la dette qui ne pourrait être portée par l’une ou l’autre des deux entités ainsi créées sans que cela n’ait de répercussion sur la note des agences de notation. Rappelons qu’une dégradation de cette note aurait une conséquence immédiate sur la capacité d’endettement du groupe avec un renchérissement des coûts de crédits accordés par les banques…
Ce débat fait même rage à l’intérieur des entités du groupe et Canal+ n’échappe pas à la règle. Parfois présenté de façon plutôt succincte et simpliste aux salariés, en s'appuyant sur la seule analyse de la valeur du cours de bourse, ou en oubliant par exemple de dire que le groupe Vivendi se porte financièrement très bien, certains responsables en oublient la prudence qui doit prévaloir sur ces sujets éminemment sensibles et complexes. « Le démantèlement », clament-ils haut et fort… Étonnant.
- Notre syndicat continue de considérer qu’un démantèlement du groupe Vivendi serait certainement moins bénéfique qu’il n’y paraît. Pour des raisons de sécurité financière avant tout, Vivendi est depuis 2003 notre banquier. C’est Vivendi qui finance ou subit le poids de notre endettement et de nos investissements, souvenons-nous des 600 millions d'euros nécessaires à l’achat des droits du foot...
- Sans Vivendi, Canal+ n'existerait plus, en tout cas pas sous sa forme actuelle. Car notre actionnaire nous a sauvé de la banqueroute en 2003 en signant un chèque de 3 milliards d'euros. Pas sûr qu'aujourd'hui nous pourrions bénéficier dans la même situation d'un soutien de cette ampleur...
Sans Vivendi, il nous faudrait faire appel aux marchés financiers. Dans la période actuelle, mieux vaut oublier. Ou aux banques. Nous n’aurions dès lors pas le même poids pour négocier. Le chiffre d’affaires de Canal+ représente 16 % du chiffre d’affaires total du groupe…
Nous l’avons déjà évoqué, démanteler le groupe ne prédit en rien une valorisation automatiquement meilleure des actifs sur le marché boursier.
- Fragilisé, dans un contexte concurrentiel qui va s’exacerber, Canal+ retrouverait une liberté de parole qu’elle revendique. Mais nous pourrions perdre la liberté d’action que nous procure l’adossement à un groupe solide.
N’y a-t-il pas avant tout derrière cette volonté une simple bataille d’ego… ?
Le monde des affaires n’est pas tendre. Vivendi n’échappe pas à la règle. La période actuelle a permis d’ouvrir le champ des hostilités longtemps contenues entre les tenants d’une intégration verticale et les tenants d’une autonomie totale. Jean-Bernard Levy a su tenir l’équilibre entre toutes ces forces contradictoires. Mais il a dû partir soi-disant sous la pression du marché qui ne subit plus la décote de l’action…
Nous étions à l’assemblée générale de Vivendi et nous pouvons affirmer que les actionnaires ne réclamaient pas la tête de Jean-Bernard Levy. Au contraire, certains souhaitaient qu’il prenne plus de responsabilités dans une entreprise à l’organisation simplifiée, qu’il devienne le président d’un conseil d’administration qui aurait pris place après la disparition du directoire et du conseil de surveillance.
Jean René Fourtou en a décidé autrement…
Et maintenant ? Les 58 000 salariés du groupe sont dans l’attente de clarifications. Ventes de filiales, ouverture du capital, consolidation capitalistique, réorganisation fonctionnelle… Tout est possible, envisageable… Mais 58 000 familles, des milliers de prestataires, attendent ces décisions parfois avec inquiétude.
Car les exemples de scission de grands groupes industriels ont souvent provoqué des catastrophes économiques et sociales. Souvenons-nous d’Alcatel dont les actifs vendus à l’époque représentent aujourd’hui 10 fois la valeur de la société mère. Depuis, Alcatel ne cesse de se restructurer, de licencier ses salariés, un nouveau plan social prévoit à nouveau le départ de 5 000 salariés…
La bourse ne peut seule dicter ses lois !
Nos prochains concurrents s'appellent Apple, Google, Amazon... Prenons ce dernier comme exemple de diversication. Quelle est l'activité d'Amazon ? Un groupe polyvalent qui vend du livre aussi bien que des articles de jardinage...
Plutôt que de vendre les bijoux de famille, Vivendi pourrait peut-être se mettre à vendre du bijoux. Aujourd'hui, on trouve presque tout à vendre sur Amazon : voitures, alimentaire, habillement, bijoux...C'est cet acteur américain qui pourrait être notre premier concurrent direct en 2013.
Et Canal+ dans cette affaire…
Canal+ doit également retrouver de la sérénité en clarifiant son organisation. Bertrand Meheut a annoncé son départ depuis plusieurs mois et nommé son remplaçant. Des milliers de salariés savent que ces changements auront des conséquences à terme sur l’organisation de leur activité. C’est pourquoi l’annonce des évolutions tant chez Vivendi que chez Canal+ sont attendus avec toujours plus d’impatience. Dans la période de vents mauvais qui s’ouvrent, le pilier organisation doit rapidement être consolidé et clarifié. Ce sera un atout supplémentaire pour remporter les batailles présentes et futures.
L’urgence est là, une seule personne en possède la maîtrise...