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21 / 07 / 2009 | 36 vues
Eric Delon / Membre
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Vers une segmentation de l’intéressement

L’an dernier, la direction de Rhodia (chimie de spécialités) provoquait l’ire des syndicats du groupe en affirmant sa volonté de distribuer une part de l’intéressement (accord 2008-2010) selon des critères liés à la performance des unités de travail à l’intérieur d’un établissement. Selon la CFDT (qui avait signé l’accord d’intéressement 2005/2007) cette décision risquait d’introduire de l’injustice entre établissements mais aussi de semer la zizanie à l’intérieur d’un site. Le syndicat de François Chérèque revendiquait à l’inverse que la redistribution d’une partie de l’intéressement devait s’effectuer en fonction des performances des sociétés et plus des établissements. En juin 2008, chez Mediapost, filiale du groupe La Poste spécialisée dans la distribution ciblée de messages, la Fédération Sud PTT, FO et la CGT exerçait elles aussi leur droit d’opposition sur l’avenant à l’accord d’intéressement signé par la CFE-CGC et l’UNSA. Parmi les motifs invoqués figurait le fait que la répartition de l’enveloppe de l’intéressement dépendait de critères différenciés selon les unités de travail. En résumé, une logique trop segmentante.

Une grande souplesse pour segmenter

« La segmentation de l’intéressement qui est une possibilité accordée par la loi à la différence de la participation, est une option intéressante pour les entreprises mais qui est complexe à mettre en œuvre et qui peut être sujette à polémiques si elle n’est pas expliquée avec la pédagogie nécessaire », analyse l’avocat Gérard Kesztenbaum, associé au sein du Cabinet Fidal. La loi rappelle que l’intéressement est le résultat d’un calcul global lié soit aux résultats financiers (bénéfice fiscal ou comptable, résultat d’exploitation), soit aux performances de l’entreprise. Contrairement à la participation, il ne se calcule pas obligatoirement à partir du résultat imposable, un critère bien souvent éloigné de la santé réelle de l’entreprise.

« Ces critères d’intéressement peuvent être utilisés conjointement et différenciés par métiers ou unités de travail au sein de l’entreprise. Ces critères peuvent également varier en fonction de l’activité du salarié » - Jean-Pierre Magot, associé chez Mercer

« L'intéressement aux performances de l’entreprise peut être lié à l’accroissement de la productivité, de la qualité ou de la satisfaction client », souligne Philippe Wallerich, Président de CR & M Partners, cabinet conseil en rémunération. « Ces critères d’intéressement peuvent être utilisés conjointement et différenciés par métiers ou unités de travail au sein de l’entreprise. Ces critères peuvent également varier en fonction de l’activité du salarié » indique Jean-Pierre Magot, associé chez Mercer. Le personnel administratif peut par exemple être rémunéré (via l’intéressement) en fonction de la réduction des frais généraux. Idem pour la population commerciale via la variation de leurs ventes.

  • « Attention lors de l’opération de segmentation, prévient Jean-Pierre Magot. En aucune manière les cadres ne peuvent faire l’objet d’un calcul qui leur soit propre ». Autrement dit, les critères qui doivent être attribués par unité de travail doivent concerner l’ensemble des niveaux hiérarchiques, une unité de travail ne pouvant, en aucun cas se confondre avec une catégorie de salariés.

« L'unité de travail peut correspondre à un bureau, un service, un atelier, une unité de production, un magasin. », explique Yves Goldschild, directeur rémunération au sein du groupe Casino. « On peut considérer que les salariés appartiennent à la même unité de travail pour les raisons suivantes : ils travaillent habituellement ensemble, ont des contenus de travail proches ou identiques et sont placés sous la responsabilité d’un même encadrement » Selon les experts, un accord d’intéressement peut donc être segmenté avec une très grande souplesse. « Il est ainsi possible dans un même accord d’entreprise de prévoir un intéressement aux résultats avec un mode de calcul annuel au niveau de l’entreprise, et un intéressement aux performances au niveau de chaque établissement avec des périodes trimestrielles de calcul. », pointe Yves Goldschild.

Gare à l'usine à gaz

« En introduisant la notion d’unité de travail pour le calcul de l’intéressement, l’entreprise recherche des critères plus proches des gens et sur lesquels ces derniers peuvent exercer une influence à travers leur implication directe dans le développement de l’entreprise. Une PME ou une start-up peut avoir tout intérêt à adopter cette démarche », explique Philippe Wallerich. Si la souplesse accordée par la loi pour segmenter l’accord d’intéressement est bien réelle, cette dernière peut se révéler une source de complexité inextricable.

« Un des mes anciens clients, groupe de BTP avait ventilé ses accords d’intéressement par l’unité de travail qu’est le chantier, rappelle Gérard Kesztenbaum. Cela devenait trop complexe à gérer. La DRH avait été obligée de recruter un gestionnaire à temps plein. Il est finalement revenu à un système plus collectif ». Selon les spécialistes, afin d’être en phase avec les besoins de l’entreprise, il peut être pertinent de redéfinir les critères du calcul de l’intéressement chaque année avec un accord pouvant être construit par paliers, les critères progressant avec les performances de l’entreprise. « Lorsqu’on a choisi l’option « unité de travail », il est toujours plus intéressant socialement de distribuer une petite prime une année que de ne rien donner du tout. », pointe un expert. « Ainsi, au lieu de maintenir l’objectif à 90 % de satisfaction clients pour les trois années à venir, il peut être judicieux de le fixer à 60 la première année, 75 la seconde et 90 la dernière ».

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