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Une nouvelle philosophie politique et pratique de l’État pour « redonner souffle, sens et efficacité » au pacte républicain
Aujourd'hui, notre « pacte républicain » est menacé. Pour lui redonner souffle, Galilée.sp s'est attelé à proposer une nouvelle philosophie politique et pratique de l'État.
Qu'est-ce que le pacte républicain ?
Il a construit notre histoire collective et est fondé sur les valeurs héritées du siècle des Lumières (rationalisme et équilibre des pouvoirs, liberté de conscience, lutte contre l’absolutisme, le fanatisme et l'obscurantime, liberté, égalité…), les principes politiques issus de la Révolution (régime politique représentatif avec séparation des pouvoirs, Droits de l'Homme), du Premier Empire (code civil), de la Révolution de 1848 et des débuts de la IIIème République (liberté de la presse, instruction publique, séparation de l’Église et de l’État, principes républicains de l’organisation de l’État, laïcité…), ainsi que sur les conquêtes sociales acquises progressivement au XXème siècle (droit du travail, protection sociale et assurance chômage, assurance santé, assurance vieillesse, droit à la formation professionnelle…).
Notre pacte républicain repose sur le rôle actif d'un État promoteur de l’intérêt général, protecteur, régulateur et développeur. L’État s'appuie sur ses agents pour développer des services publics offerts à tous. Le pacte républicain forme un bloc. Il est le fruit de combats politiques et sociaux, parfois sanglants, malheureusement ou heureusement, assez largement oubliés.
Mais notre pacte républicain est aujourd'hui affaibli.
Alors que ses grands principes font largement consensus en France et sont largement partagés avec la plupart des pays occidentaux, ils sont devenus de moins en moins opérants dans la réalité car l'État est affaibli dans ses moyens et ses missions.Les anciens antagonismes idéologiques se sont effondrés mais la vie politique en est encore pétrie. Au XXème siècle, en France, avec l’acceptation par la droite des grandes conquêtes politiques et sociales de la République et la pleine adhésion de la gauche à l’économie de marché (1983), les programmes politiques de droite comme de gauche ne se distinguent plus qu’à la marge.
Pourtant, électoralement, droite et gauche affichent artificiellement, à travers un jeu de rôles et de postures, un antagonisme idéologique qui a largement perdu de sa consistance.
Les appareils des partis politiques traditionnels se sont livrés et se livrent à des guerres intestines (dont « les guerres des chefs ») plutôt que de se réformer en profondeur pour tenir compte de cette nouvelle donne politique et élaborer les nouvelles voies politiques d'un XXIème siècle républicain.
Les citoyens en ont conscience ; aux élections, ils s'abstiennent massivement ou favorisent les extrêmes et le populisme. Ils doutent, protestent et s'exaspèrent, y compris contre l'État. Au-delà de l'État national, alors que l'Europe a fait rêver et espérer pendant 50 ans, elle est devenue inaudible et de plus en plus impuissante.
Aujourd’hui, telle qu’elle s’est construite, l’Europe, en raison de son orientation néolibérale mais aussi de son faible niveau d’intégration politique (les deux se mariant fort bien par temps calme), laisse clairement voir l’impasse dans laquelle elle nous a conduits.
L'Europe est prise à parti car elle donne l'impression qu'elle a rendu impuissants les États nationaux sans pour autant devenir elle-même une puissance, fédérale ou autre, en mesure d’assurer les protections nécessaires aux citoyens.
Dans l’épreuve des crises financières et économiques récentes, l’Europe peine à apporter des solutions.
Face à l’épreuve actuelle de l'arrivée massive des réfugiés, dans un contexte de courants migratoires d'ampleur nouvelle, dans un contexte de guerre qui implique la mobilisation de l'armée, avec la montée du djihadisme islamique, l’Europe est carrément devenue inaudible et ingérable, incapable de définir et défendre un intérêt général européen en raison de sa faible légitimité démocratique. Elle semble être entrée dans un inévitable processus de délitement (Brexit, suspension de fait des accords de Schengen, profonds désaccords entre des États aux intérêts et aux visions divergentes…). Elle est certes composée d'États qui n'ont, depuis l'origine, pas tous le même niveau d'engagement européen, mais surtout elle se révèle, au fil du temps, composée d'États qui n'ont pas tous la même vision démocratique, qui font des calculs comptables pour récupérer financièrement plus qu'ils ne contribuent ou qui cherchent à maximiser leurs intérêts propres en externalisant sur les autres les contraintes.
Il est urgent de construire une nouvelle vision européenne
Mais, alors que la France avait joué un rôle majeur dans la création européenne, notre pays ne peut plus compter aujourd'hui sur la force que lui donnait alors son appareil d'État.
L’État français est devenu une « impuissance publique ».L’État s’est paupérisé ou a été mis hors jeu dans de nombreux domaines. Il assume de plus en plus difficilement ses fonctions régaliennes, pourtant au cœur du pacte républicain. Malgré la montée des conflits armés dans le monde, le budget de la Défense était jusqu’à il y a peu de temps en régression constante.
Malgré l’insécurité qui règne dans nos cités, des réductions massives d’effectifs de policiers ont été opérées dans un passé récent. La Justice se trouve dans une situation de pauvreté affligeante (le budget que la France y consacre arrive au 35ème rang par rapport aux 45 pays du Conseil de l’Europe).
Notre système éducatif, qui en France pourrait être considéré comme faisant partie du « régalien » en raison de sa place traditionnelle dans le « projet » républicain, connaît une crise profonde. Les enseignants se sentent déclassés.
L’égalité devant l’éducation est de plus en plus factice. L’école ne forme plus réellement des citoyens, elle peine à assurer aux élèves les compétences de base, elle ne prépare pas bien à l’insertion professionnelle, elle laisse de côté un grand nombre de jeunes… Nos universités sont délabrées et la France recule dans les classements internationaux.
L'apprentissage professionnel des jeunes reste, sur le long terme, le parent pauvre et méprisé ; plutôt que de gesticulations politiques avec des plans de court terme constamment montés et démontés, une réelle politique publique d'apprentissage, ambitieuse et avec des moyens sur le long terme devient urgente.
L'enseignement qui a été au cœur de l'ascenseur social ne joue plus cette fonction ; les jeunes découvrent et apprennent beaucoup sur leurs smartphones ; les méthodes pédagogiques traditionnelles, qui ont fait leurs preuves, sont aujourd'hui dépassées et ont besoin d'être renouvelées.
Le compagnonnage des maîtres doit être reconnu dans sa dimension humaine et ne doit pas être limité à transférer du contenu technique. L'État qui a joué un rôle d'impulsion économique (grands équipements, secteurs de pointe, organisation de filières notamment) peine à retrouver un rôle actif d'orientation économique et même de régulation.
L’État semble également devenu impuissant face au chômage structurel de masse, à la précarité de l’emploi, à l’arrêt de « l’ascenseur social », aux phénomènes de déclassement et d’exclusion sociaux, à la régulation de l’immigration, à la montée des communautarismes et du fondamentalisme musulman.
Aujourd'hui, malheureusement, l'État n'est ni porteur ni promoteur de nouveaux modèles. Il dépérit.
Il en résulte un discrédit de la chose publique et de la politique. Tant d’impuissance de la part de l’État rejaillit nécessairement sur la perception par les citoyens de la politique.
Celle-ci est perçue, au mieux comme elle-même impuissante et donc inutile, au pire et très injustement, comme un club de cyniques profiteurs du système.
Dès lors, comment s’étonner de l’ambiance générale de « désenchantement », de rejet de la politique, de déconsidération des élus et plus largement des « élites », de perte de crédibilité des partis « républicains », de la montée de l’abstention et du populisme ? Comme disait Lénine : « Que faire ? ».
Redonner toute sa place à la défense de l'intérêt général et remettre en lumière les contours et les missions de l'État
D’abord, il serait temps de clarifier la présentation traditionnellement faite des dépenses publiques. Elles ne sont pas improductives. De plus, cette présentation mélange « les choux et les carottes ». On additionne les dépenses de l’État, à celles des collectivités locales et de l’assurance sociale (laquelle bénéficie largement et directement au secteur privé).
Or, depuis plusieurs années, le budget de l’État régresse. Une lutte implacable doit être menée, dans une nécessaire coopération internationale, contre l’évasion fiscale et sociale qui détruit la confiance collective et priverait annuellement notre État d’environ 80 milliards d’euros de revenus (soit l’équivalent du déficit budgétaire). Mettons en lumière et dénonçons ces jeux d'écritures qui pillent, volent et détournent grâce à de coupables tolérances internationales et grâce à des systèmes corrompus où l'intérêt individuel prime.
Aux niveaux national, européen et mondial, une « militance » de l'intérêt général doit être repensée, mise en valeur, défendue, expérimentée, agie. Elle sera au cœur des enjeux du réel dont l'homme a aujourd'hui conscience.
Avancer ensemble, en humanité, avec la vision de la COP 21 dans un monde globalisé et dont les ressources naturelles sont limitées, est vraisemblablement l’un des projets mobilisateurs majeurs des Nouvelles Lumières du XXIème siècle. Revaloriser le rôle de l’État ne correspond pas à une vision néolibérale. Ce n'est pas pour autant archaïque et cela demande du courage.
En effet, il faut souhaiter et mettre en œuvre efficacement les réformes nécessaires afin que l’État puisse réellement assurer dans les meilleures conditions, avec efficacité et au meilleur coût, sa mission de promotion de l’intérêt général. Seul l'État et les collectivités publiques ont mandat officiel (par l'élection démocratique) de promouvoir l'intérêt général.
Des acteurs privés peuvent y concourir avec engagement et efficacité mais ce n'est pas dans leur essence. Si l’organisation et le fonctionnement de l’État ne doivent pas être des sujets tabous, les valeurs et principes du pacte républicain, eux, ne sont pas négociables. Les grandes politiques publiques méritent donc d’être revisitées du point de vue de leur efficacité (évaluation des résultats par rapport aux objectifs) et de leur efficience (rapport coût/efficacité).
Chaque politique publique doit être appréciée en fonction de sa réelle valeur ajoutée et de la valeur du service réellement rendu à la société. Il faut tirer les enseignements de l’échec de la révision générale des politiques publiques et des difficultés de la modernisation de l’action publique.
Il n’est pas vrai que les fonctionnaires, ni même les « hauts-fonctionnaires », soient congénitalement rétifs au changement. Seulement, le changement doit être pensé avec d'autres représentations, ouvertes, systémiques, circulaires, capables de « remettre sur pied » le collectif national.
Redéfinir et reconstruire l'intérêt général doit se faire autour de projets concrets, associant les agents publics, les citoyens et les politiques sur la base d’une vision nouvelle, de diagnostics partagés sérieux conduits à l’échelle pertinente et d’objectifs partagés. Les réformes doivent être accompagnées.
Les cadres doivent être formés, les équipes et les collectifs de travail aussi. En effet, chacun doit pouvoir retrouver les voies, les méthodes et le goût de travailler ensemble sur de nouvelles bases et pour construire avec force et courage l'avenir à partir du présent tel qu'il est aujourd'hui.
Mais la réforme majeure, la « mère de toutes les batailles », celle qui devrait logiquement précéder la réforme des politiques publiques proprement dites, est celle qui porte sur l’organisation globale de l’État.
Le moment n’est-il pas venu de dresser le vrai bilan de plus de 35 ans de décentralisation ? Quel est son véritable coût ? N’est-on pas allé trop loin et surtout de manière trop désordonnée ? Quel est le véritable facteur de blocage de la réduction du « millefeuilles ? ».