Un bien curieux privilège du Medef : l’usage d’un « droit de nuisance » sans être contractant !
Le conflit généralisé à la Guadeloupe aura donné l’occasion, y compris pour les syndicalistes expérimentés, de faire quelques constats déterminants dans la lutte sociale.
Le premier c’est que, nonobstant les déclarations gouvernementales, il est évident qu’aucun résultat concret n’est possible sans un engagement des salariés et de leurs organisations.
Je m’explique : le conflit aurait été résolu à la suite d’un accord âprement discuté, en présence des autorités, conformément à la législation. Celui-ci devait être, pour être applicable à l’ensemble des entreprises donc des salariés, agréé, après avis de la commission spécialisée des conventions collectives, par le Ministère du travail.
- Le second c’est que, contrairement aux apparences, la représentation patronale, et plus particulièrement le Medef, n’est pas, juridiquement, capable d’engager, en matière salariale, les entreprises qu’elle est sensée représenter comme l’attestent les statuts de cette organisation.
Après délibération, deux dispositions, sur décision du gouvernement, seront cependant écartées de cette extension, l’une figurant dans le préambule portant jugement sur la nature « coloniale » de la gestion de l’activité sur l’ile, l’autre sur la pérennité des dispositions interventionnistes (financières de l’Etat).
Bien entendu lors du débat parisien, le Medef et, de manière quelque peu étonnante, la Fnsea, se sont opposés à l’extension.
- Or, que représentent les entreprises adhérentes au Medef en Guadeloupe. Si nous sommes bien informés 500 entreprises, soit environ 20.000 salariés sur les 80.000 du privé que compte l’ile, ce qui ne l’empêche nullement de contrôler quasi seul la formation professionnelle notamment.
Le droit de s’opposer à des dispositions qu’on est incapable, juridiquement, de négocier soi même
On comprend alors les rodomontades de Monsieur Sellières du congrès patronal de Strasbourg lorsqu’il déclarait que le Medef ne négocierait pas au niveau interprofessionnel, il enfonçait ainsi une porte ouverte et on comprend les raisons ignorées de la non signature des accords de Grenelle de 1968, les dispositions de celui-ci ayant été conclues – et je fus l’un de ses réalisateurs – au niveau des branches, c'est-à-dire des fédérations professionnelles et syndicales, les accords globaux n’étaient, de fait, que des recommandations.
Il ne s’agit pas simplement d’une incompétence juridique établissant les responsabilités des structures patronales, mais celle-ci exprime pour le moins une orientation politique et une force de nuisance non négligeables : le droit de s’opposer à des dispositions qu’on est incapable, juridiquement, de négocier soi même.
Renvoyer la négociation aux branches et, encore mieux, au niveau de l’entreprise, c’est un moyen de faire éclater la solidarité ouvrière, ramener les rapports sociaux à la dimension corporatiste.
Par la suite il ne restera alors que le Smic qui deviendra ainsi non seulement le salaire minimum du salarié sans qualification, mais un salaire moyen voire maximum, les salariés sont ainsi entre les mains de leurs employeurs, en l’occurrence les actionnaires, de l’entreprise qui peuvent ainsi exercer le chantage à l’emploi, ainsi que des pressions constantes.
Inconsciemment, les salariés sont conscients de cet encerclement, le gouvernement serait bien inspiré de se réapproprier l’histoire, même après le scrutin de 1936 qui avait porté le Front Populaire au pouvoir, les travailleurs avaient occupés les usines, les ateliers, les magasins, dans le droit fil de l’expropriation, ils démontraient que leur participation à la production et à la richesse qui en découle, était indispensable. Il y a des prémices qui ne trompent pas.