Transparence des syndicats : les données encore trop fragmentaires des comptes sociaux
L'an un de la publicité des comptes des organisations syndicales et professionnelles ne restera pas dans les annales. Et pour cause, comme l'ont observé les cabinets Audisol et BEC dans une étude détaillée*, seul un syndicat sur cinq les a publié au JO en 2010. Depuis la loi Waldeck-Rousseau de 1884, qui a reconnu la liberté syndicale, les organismes professionnels et sociaux sont restés dans un espace de liberté comptable total pendant plus d'un siècle. En 1984, les débats précédant le vote de la loi Badinter, qui introduit des obligations comptables pour les associations offrant des services marchands, évoquent le cas des syndicats professionnels. Que les parlementaires écartent rapidement du texte final. Vingt quatre ans après, la loi du 20 août 2008 (avec son article 10) les rattrapent. Les organisations syndicales dont les ressources sont supérieures à 230000 euros doivent publier leurs comptes et selon les cas, les faire également certifier.
Trop peu de détails
Globalement, l'occasion était idéale, d'une part, de montrer l'exemple (en ne fixant aucun délai légal**, le législateur, paradoxalement, n'a pas facilité la donne). Et d'autre part, face aux suspicieux de tout poil sur le financement des syndicats, de faire œuvre de traçabilité. Ensuite, le niveau d'information – donc de détail, varie énormément d'une organisation à l'autre. Pas facile de dénombrer les détachés de la fonction publique d’État – évalué à 5000 dans le rapport Habas-Lebel de 2006 – quand la plupart des OS ne détaillent pas le caractère ''public'' ou ''privé'' de leur corps d'origine. Et ne les valorisent que très rarement dans l'annexe des comptes. Sans parler des détachés ''refacturés'', dont le nombre n'est jamais mentionné dans les comptes. Où apparaissent les compensations pour la gestion des organismes paritaires ? Trop peu d'organisations en retracent le détail, l'immense majorité ne reportant même pas la liste de ceux auxquels elles participent (seul le Medef l'a fait la première année !).
Construit à partir de celui des associations et des fondations, le droit comptable des syndicats reste éminement perfectible et montre les limites de la transparence à la française. Aux États-Unis, le site du Department of labor donne accès aux comptes ''détaillés'' de tous les syndicats US. Grâce à lui, un auteur de Miroirsocial a révélé en 2011 la fragilité des attaques du puissant syndicat SEIU contre Sodexo, venant d'un organisme s'offrant alors les services de... Ketchum, une agence de communication aussi prestataire de grandes entreprises françaises.
* L'année 2011 fera l'objet d'une prochaine étude
** Seul existe un délai de trois mois après l'approbation des comptes