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Rupture conventionnelle : de l’intention à la réalité, quelles conséquences pour les salariés ?
Présentée lors de sa mise en place en 2008, dans le cadre de la loi du 25 juin 2008 portant sur la modernisation du marché du travail, comme un mode de rupture du contrat de travail original, souple et avantageux, tant pour les employeurs que pour les salariés, la rupture conventionnelle fait encore débat, quatre ans après sa création.
Parce qu’il paraît simple, rapide et moins pénalisant qu’un licenciement, ce mode de rupture rencontre un vif succès : 191 309 ruptures homologuées en 2009, 255 000 en 2012, 288 988 en 2011 et 70 779 au premier trimestre 2012, soit en moyenne 20 000 par mois. La rupture conventionnelle devient ainsi le troisième motif d’entrée à Pôle Emploi entre le licenciement, qui doit être motivé, et la démission, qui ne donne pas droit aux allocations chômage. Cela représente 12,4 % des motifs de sortie d’emploi.
Ces éléments illustrent pleinement l’ambiguïté d’un tel dispositif : l’objectif de mobilité voulue n’est pas atteint, mais, pour autant, celui-ci semble nécessaire pour contrebalancer les modes de rupture classiques.
Ce dernier point fait d’ailleurs polémique puisque le contexte actuel favorise l’utilisation de la rupture conventionnelle pour des motivations liées à la situation économique de l’entreprise, permettant à certains de contourner la législation applicable en matière de licenciements économiques et de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Donc, sans procédures d’information-consultation des instances représentatives du personnel (IRP), ni de propositions de mesures d’accompagnement.
D’où l’extrême vigilance dont les salariés et leurs représentants doivent faire preuve, en s’attachant notamment à chercher derrière ce mode de rupture le motif exact. Car, qu'est-ce qui se cache derrière la rupture conventionnelle ? Si ce mode de rupture du contrat de travail était si avantageux pour le salarié, comment expliquer que l’on parle autant de ruptures « contraintes » ? Qui en profite réellement ? Enfin, quelles conséquences pour les salariés qui restent ?
À l’origine de la loi du 25 juin 2008, l’ANI du 11 janvier 2008 avait fixé un cadre précis à la rupture conventionnelle : « la recherche de solutions négociées vise, pour les entreprises, à favoriser le recrutement et développer l’emploi, tout en améliorant et garantissant les droits des salariés. Elle ne doit pas se traduire par une quelconque restriction de la capacité des salariés à faire valoir leurs droits en justice, mais, au contraire, se concrétiser dans des dispositifs conçus pour minimiser les sources de contentieux ». Ce que le Code du travail a traduit par une exclusion expresse du recours aux ruptures conventionnelles dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde des emplois (PSE).
Suivi
Nous suggérons, que les élus puissent profiter des informations régulièrement transmises au comité pour demander des précisions sur les causes des départs et, surtout, sur le devenir de ces postes devenus vacants. Cela passe par l’enrichissement :
Aujourd’hui, le temps est venu d’améliorer un dispositif entré de plain-pied dans notre droit du travail. Étant entendu que la dernière proposition du patronat visant à « inventer quelque chose d’équivalent [ndlr : à la rupture conventionnelle] sur le plan collectif, c'est-à-dire dans l'hypothèse où une entreprise doit faire des ajustements d'effectifs ou des restructurations » (Laurence Parisot, juillet 2012), il conviendra de rester particulièrement vigilant sur ce que le législateur pourrait prochainement retenir des propositions des partenaires sociaux.
* Étude conduite, à l’initiative de la CFDT, par le Centre d’études de l’emploi, juillet 2012.
Parce qu’il paraît simple, rapide et moins pénalisant qu’un licenciement, ce mode de rupture rencontre un vif succès : 191 309 ruptures homologuées en 2009, 255 000 en 2012, 288 988 en 2011 et 70 779 au premier trimestre 2012, soit en moyenne 20 000 par mois. La rupture conventionnelle devient ainsi le troisième motif d’entrée à Pôle Emploi entre le licenciement, qui doit être motivé, et la démission, qui ne donne pas droit aux allocations chômage. Cela représente 12,4 % des motifs de sortie d’emploi.
- Derrière ces résultats se cache une réalité moins brillante. Il ressort en effet d’une récente étude * que dans 4 cas sur 10, le salarié subit la situation et se voit contraint de quitter l’entreprise par ce biais. Par ailleurs, les raisons qui conduisent les salariés à partir sont très majoritairement liées au contexte professionnel (absence de perspectives et d’évolution, conditions de travail difficiles, ambiance de travail…). Il s’avère également que les trois quart des salariés interrogés n’ont pas repris d’activité et sont toujours inscrits à Pôle Emploi.
Ambiguïté
Ces éléments illustrent pleinement l’ambiguïté d’un tel dispositif : l’objectif de mobilité voulue n’est pas atteint, mais, pour autant, celui-ci semble nécessaire pour contrebalancer les modes de rupture classiques.
Ce dernier point fait d’ailleurs polémique puisque le contexte actuel favorise l’utilisation de la rupture conventionnelle pour des motivations liées à la situation économique de l’entreprise, permettant à certains de contourner la législation applicable en matière de licenciements économiques et de mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Donc, sans procédures d’information-consultation des instances représentatives du personnel (IRP), ni de propositions de mesures d’accompagnement.
D’où l’extrême vigilance dont les salariés et leurs représentants doivent faire preuve, en s’attachant notamment à chercher derrière ce mode de rupture le motif exact. Car, qu'est-ce qui se cache derrière la rupture conventionnelle ? Si ce mode de rupture du contrat de travail était si avantageux pour le salarié, comment expliquer que l’on parle autant de ruptures « contraintes » ? Qui en profite réellement ? Enfin, quelles conséquences pour les salariés qui restent ?
À l’origine de la loi du 25 juin 2008, l’ANI du 11 janvier 2008 avait fixé un cadre précis à la rupture conventionnelle : « la recherche de solutions négociées vise, pour les entreprises, à favoriser le recrutement et développer l’emploi, tout en améliorant et garantissant les droits des salariés. Elle ne doit pas se traduire par une quelconque restriction de la capacité des salariés à faire valoir leurs droits en justice, mais, au contraire, se concrétiser dans des dispositifs conçus pour minimiser les sources de contentieux ». Ce que le Code du travail a traduit par une exclusion expresse du recours aux ruptures conventionnelles dans le cadre d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) ou d’un plan de sauvegarde des emplois (PSE).
- Tout le problème vient du fait qu’il n’a pas émis une telle objection en cas de difficultés économiques, même si l’Instruction ministérielle du 13 mars 2010 précise que ce mode de rupture ne doit pas être utilisé comme un moyen de contourner les règles du licenciement économique collectif, et du fait que la DIRECCTE n’a vraisemblablement pas les moyens de vérification, pourtant inscrits dans le processus.
Dès lors, comment savoir que la cause de la rupture est économique alors que, précisément, les parties n’ont pas à faire connaître le motif de leur rupture ? Qui appréciera (et comment) l’existence d’une cause économique ?
Suivi
Pour éviter qu’une entreprise ne se serve de la rupture conventionnelle comme variable d’ajustement des effectifs en toute discrétion, un suivi et une interrogation réguliers sur le devenir des postes devenus vacants s’avèrent indispensables pour permettre au comité d’entreprise de s’assurer que les conditions de travail ne se dégradent pas du fait du non-remplacement des salariés partis dans le cadre d’une telle fin de CDI.
- Il est en effet surprenant de constater que le législateur n’a manifestement pas souhaité que le CE ou le CHSCT ne dispose, en temps réel, d’une quelconque information en la matière.
Nous suggérons, que les élus puissent profiter des informations régulièrement transmises au comité pour demander des précisions sur les causes des départs et, surtout, sur le devenir de ces postes devenus vacants. Cela passe par l’enrichissement :
- dans les sociétés de moins de 300 salariés du rapport annuel unique ;
- dans celles de 300 salariés et plus :
- de l’information trimestrielle relative à la situation de l’emploi et l’évolution mensuelle des effectifs et de la qualification ;
- du rapport annuel d’ensemble portant notamment sur l’évolution de l’emploi, des qualifications et des prévisions annuelles ou pluriannuelles au bénéfice notamment des salariés âgés ;
- du bilan social.
Aujourd’hui, le temps est venu d’améliorer un dispositif entré de plain-pied dans notre droit du travail. Étant entendu que la dernière proposition du patronat visant à « inventer quelque chose d’équivalent [ndlr : à la rupture conventionnelle] sur le plan collectif, c'est-à-dire dans l'hypothèse où une entreprise doit faire des ajustements d'effectifs ou des restructurations » (Laurence Parisot, juillet 2012), il conviendra de rester particulièrement vigilant sur ce que le législateur pourrait prochainement retenir des propositions des partenaires sociaux.
* Étude conduite, à l’initiative de la CFDT, par le Centre d’études de l’emploi, juillet 2012.
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