Retraite complémentaire : un régime par répartition peut-il être en faillite ?
La réponse est claire : non ! Un régime par répartition, comme son nom l’indique, répartit sur les pensionnés les cotisations qu’il encaisse. Lorsqu’il encaisse plus que le montant des pensions, il fait des réserves qui servent les années où les cotisations sont moins importantes que les pensions versées.
Pour l’AGIRC et l’ARRCO, la période 1996-2008 a permis de faire des réserves. Depuis 2009, ces réserves sont mises à contribution. Si elles venaient à s’épuiser totalement, les régimes ne distribueraient que ce qu’ils encaissent. En d’autres termes, les pensions baisseraient, plus vite et plus profondément à l’AGIRC, dans un premier temps. Pour l’ARRCO, la baisse serait de l’ordre de 10 à 15 % au milieu des années 2020.
Les réserves
Comme indiqué, ces réserves ont été constituées en vingt ans, elles sont directement le produit des accords antérieurs (principalement ceux de 1996). Ce sont des cotisations qui n’ont pas été distribuées immédiatement, ce ne sont ni un cadeau (d’on ne sait qui au passage), ni un emprunt que les régimes auraient contracté et qui reporterait la dette sur les générations futures.
L’AGFF
Depuis leur origine, les deux régimes ont un « âge conventionnel » qui est de 65 ans et qui sera porté à 67 ans à partir de la génération 1955. C’est à partir de cette borne d’âge que sont calculés, depuis l’origine, les abattements ou coefficients d’anticipation. À titre informatif, si un salarié veut faire liquider sa pension dix ans avant l’âge conventionnel, le coefficient sera de 0,43. Pour illustrer le propos, je demande la liquidation de ma pension à 57 ans, si mon droit est de 1 000 €, ma pension sera de 430 € et ce, à vie. On parle, dans ce cas, d’abattement viager.
Lorsqu’au début des années 1980, le législateur a ramené l’âge légal (notion utilisée dans les régimes de base CNAV MSA) de 65 à 60 ans, les interlocuteurs sociaux ont créé un système permettant de ne pas appliquer les coefficients prévus pour une liquidation au régime de base sans abattement. Ce mécanisme s’appelle aujourd’hui Association de gestion du fonds de financement (AGFF).
Depuis plus de trente ans, ce système a toujours été un enjeu fort dans les négociations entre syndicats et patronat. Le paroxysme de la crise a eu lieu en 2001, quand le financement a été suspendu sur le premier trimestre. La mobilisation de tous les syndicats ayant établi un rapport de force, l’AGFF a continué.
Lors de l’avant-dernier accord, l’AGFF a été prorogé jusqu’au 31 décembre 2018, ce qui constituait la période la plus longue jamais obtenue, en échange de l’ajustement de l’âge conventionnel sur l’âge légal, soit 67 ans. Juridiquement, il faut négocier la prorogation de l’AGFF après 2018, c’est l'un des points clef de la négociation actuelle.
Les déficits actuels : qui est responsable ?
Comme indiqué plus haut, les régimes sont en déficit technique depuis 7 ans pour l’AGIRC et depuis 5 ans pour l’ARRCO. Une étude demandée par notre confédération prouve que la crise qui sévit depuis 2007 est la première cause des ces déficits. Nous avons déclaré depuis le début que la responsabilité de cette crise n’était pas du fait des salariés (actifs, chômeurs ou retraités).
Il convient également de signaler que la démographie joue un rôle : passer du baby-boom au papy-boom revient à constater que le nombre de pensionnés augmente de manière significative. Pour autant, selon l’étude précitée, l’équilibre des régimes aurait pu être atteint au prix d’un effort de 1 à 2 milliards d'euros, ce qui, sur une somme totale distribuée autour de 73 milliards d'euros, paraît atteignable comme cible. C’est la différence que l’on peut faire entre un équilibre structurel et un équilibre conjoncturel.
La cotisation
Les régimes complémentaires ont pour base de cotisations la masse salariale des salariés du privé, soit environ 590 à 600 milliards d'euros par an. De ce fait, une augmentation de un point de cotisation rapporte 5,9 milliards d'euros par an auxdits régimes.
Les propositions patronales
À l’heure où nous bouclons ce journal, la négociation en est à sa quatrième séance.
- Par rapport au texte de départ, il y a eu, à notre demande, un maintien de l’AGFF telle que négociée en 2011. Le patronat voulait en effet revenir sur l’accord en réduisant les effets de l’AGFF de deux ans.
- Les mesures avancées (dites paramétriques) consistent en un gel des pensions sur deux ans. Nous sommes aujourd’hui sur une moindre indexation (comme dans l’accord de 2013). La négociation butte sur la clause de sauvegarde et/ou le taux de moindre inflation.
- Le patronat voulait réduire les attributions de points aux chômeurs, à due concurrence de la cotisation versée, soit environ 15 % de droits en moins. Cette revendication fait toujours partie du document de travail du 27 mai 2015.
- Il n’était pas question de cotisations supplémentaires, c’est un point qui pourra être discuté, même si son application peut être décalée dans le temps.
- Le point névralgique de la négociation est la reconduite de l’AGFF. Le patronat propose des abattements temporaires, en fonction de l’âge de liquidation de la pension, quel que soit le taux de liquidation au régime de base.
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