La crise a multiplié les restructurations d'entreprises. Plusieurs d'entre elles ont été fortement médiatisées. Dans nombre de ces cas, c'est un dysfonctionnement du dialogue social qui a été révélé. La seule voie pour un dirigeant d'entreprise contraint à une restructuration et à la réussir, est de pratiquer un réel dialogue social, aussi difficile et sinueux soit-il. Pour l'avoir vécu encore récemment, je l'affirme avec une conviction renforcée. Seule cette recherche permanente du dialogue à un niveau collectif avec les représentants des salariés est de nature à limiter les dégâts, tant pour les salariés que pour l'entreprise.

Détaillons quelques points clefs dans la pratique des directions d’entreprise. Premier point : marquer sa volonté d'appliquer la lettre et l'esprit des procédures de restructuration. Elles portent sur la légitimité économique de la restructuration dans un premier temps, puis sur le contenu du plan social, c'est-à-dire sur les mesures précises destinées à limiter les licenciements et à accompagner les salariés concernés.

Le meilleur moyen de concrétiser cette volonté est de l'encadrer par un "accord de méthode" avec les organisations syndicales et les représentants élus du personnel. Cet accord permet d'aborder clairement le point crucial du calendrier et de convenir de dates butoirs dans le déroulement des procédures pour éviter des dérapages dommageables, tant pour l'avenir des entreprises que pour le moral et la situation des salariés laissés dans l'incertitude.

Second point : montrer et démontrer son souci de respecter ses interlocuteurs : savoir les écouter, être transparent et crédible dans les informations sur la situation, y consacrer en priorité le temps qu’il faut, présence du PDG dans les réunions décisives (annonce du plan, moments durs de la négociation), faire crédit à ses interlocuteurs de leur sens des responsabilités devant les réalités.

• L'enjeu pour l'entreprise est de faire percevoir les contraintes réelles devant lesquelles elle se trouve pour sa survie ou pour préparer son avenir et d'instaurer un climat de confiance dans le déroulement de la confrontation.

C'est la déficience des directions d'entreprise sur ces points, qui traduisent le respect dû à ses interlocuteurs, qui a conduit aux blocages et aux situations exacerbées que nous avons connus ces derniers mois.

Aux États-Unis, ne pas avoir d'organisation syndicale dans son entreprise témoigne d'un excellent management.  C'est elle qui explique les impasses dans lesquelles se sont trouvées plusieurs entreprises, en particulier certaines ayant adopté un type de direction à l'américaine. Dans le monde des entreprises aux États-Unis, la culture du dialogue social organisé est peu présente. Au contraire, ne pas avoir d'organisation syndicale dans son entreprise témoigne d'un excellent management. 

Enfin, manifester une "écoute active", c'est-à-dire la capacité à prendre en compte des remarques ou des propositions des interlocuteurs, est un élément crucial. Ceci peut aboutir à modifier le nombre d'emplois supprimés par rapport au plan initialement prévu ou la définition des mesures sociales qui l'accompagnent. Cela peut conduire aussi à l'ouverture de nouveaux chantiers de négociation, par exemple sur la productivité ou la flexibilité de la durée de travail, en contrepartie d’une relocalisation d'une part de production.

Ces confrontations recherchées et organisées qui ne relèvent pas de l'idéologie, ou plutôt qui s'efforcent de s'en sortir, ne sont pas seulement guidées par le souci d'ajuster les intérêts en cause pour parvenir à des solutions réalistes et acceptables. Cette volonté de prendre le dialogue social comme boussole s'inscrit dans une vision prenant du recul vis-à-vis de la situation actuelle.

Le centrage trop exclusif de nombreuses entreprises sur les programmes de réduction des coûts, d'année en année, a fini par ronger et par déliter le lien social entre l'entreprise et ses salariés. Pour relever les défis des prochaines années, les directions d'entreprise sont dans l'obligation de restaurer et de renforcer ce lien. Cela passe par un dialogue social fourni, nourri et sincère.