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Radio France : les erreurs d'une médiation
L'annonce d'une médiation dans le conflit qui oppose les salariés de Radio France à la direction a fait lever un espoir d'un retour des journalistes à l'antenne. Les auditeurs semblaient pouvoir se réjouir de retrouver leurs chroniqueurs, sans aller jusqu'à imaginer une nouvelle candidature de Stéphane Guillon à la présidence de la radio publique. Les dirigeants des syndicats ont été entendus par la Ministre de la Culture pour la mise en place de cette médiation. Le choix de Dominique-Jean Chertier pouvait sembler opportun. Unanime, la presse le présentait comme expérimenté dans le dialogue social. L'ironie de son ancienne fonction de président de Pôle Emploi pour exercer une mission de médiation dans un contexte où l'un de ses pairs portait le projet d'un licenciement massif, n'était pas relevée et la démission en 2010 de Benoît Genuini, alors médiateur de Pôle Emploi, était oubliée.
Dans ce cas de figure, la direction de Radio France reste confrontée à une crise de légitimité. L'arrivée de Dominique-Jean Chertier est vue par nombre de salariés comme une substitution attendue du PDG actuel, Mathieu Gallet.
Voici les erreurs que l'on peut relever concernant la réalisation de cette mission.
- Le médiateur doit être indépendant. Or, Dominique-Jean Chertier est dans le sérail de la gouvernance. Il n'a pris aucune distance qui aurait pu témoigner d'une indépendance d'action. Il a d'ailleurs fait une déclaration dans laquelle il préjugeait de la fin de la grève en affirmant que Radio France allait « reprendre une vie normale avant la fin du week-end ». Deux jours plus tard il était encore démenti. Cette imprudence pouvait ressembler à une impudence par manque d'indépendance d'esprit.
- Le médiateur ne doit pas prendre parti. Il n'a pas à faire de commentaire sur les choix des parties pour faire entendre leurs revendications. Dès lors qu'il donne son point de vue, il n'est plus impartial. Or, selon Le Figaro, dans le document qui termine sa première phase d'action, Domnique-Jean Chertier se montre violemment critique à l'égard des syndicats en affirmant : « La syndication n'est pas un principe d'action ».
- Le médiateur n'a pas à juger des propositions faites par les parties. Or, la presse relève qu'il « a présenté un texte de propositions qui ne lève pas tous les blocages selon les syndicats, surpris et « amers » ». De ce fait, il n'est déjà plus neutre, ce qui laisse présager qu'il a déjà une idée de la manière dont le conflit devrait se résoudre.
- Le médiateur n'a pas à affirmer une solution d'expert. En aucun cas son sentiment ou son avis ne saurait être un indicateur sur la situation. Or, il s'est cru au-dessus de la mêlée, ce qui lui a fait déclarer à l'AFP : « Je considère que la première étape de ma mission, celle qui consistait à la reprise d'un dialogue social, est terminée ».
En matière de négociation, l'amateurisme de Domnique-Jean Chertier est aussi avéré dans sa déclaration dans laquelle il témoigne du peu de cas qu'il fait de l'avis de ses interlocuteurs : «J’ai remis mon texte à la direction, sans attendre sa réponse, et aux organisations syndicales, sans attendre leur réponse » ; et dans cette autre où il véhicule un pseudo lieu commun du milieu industriel : « Je viens d'un monde industriel où on dit souvent que le meilleur moyen d'échouer sur un plan A est d'avoir un plan B. Moi, je n'avais pas de plan B ». Or, qu'il sache que l'on dit aussi que la meilleure manière de réussir dans une négociation est d'avoir au moins un plan de rechange...
Sources >
Libération du 13 avril 2015,
Le Figaro du 13 avril 2015,
AFP du 12 avril 2015,
France Antilles du 12 avril 2015,
Libération du 12 avril 2015.
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Communiqué AFP