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Projet de loi de santé : quelle place pour les médecins de l’Éducation nationale ?
« La première orientation stratégique du projet de loi est d’inscrire la prévention comme un des socles de notre politique de santé ».
Dans le récent projet de loi de santé, le texte évoque la désignation pour les enfants de 6 à 16 ans d’un médecin référent qui pourrait être un médecin généraliste ou un pédiatre.
L’intention, louable de prime abord, soulève à la lecture de multiples questions. Repérer chez les enfants et adolescents scolarisés des troubles, diagnostiquer, orienter vers le parcours de soins le mieux adapté, suivre l’évolution est l’essence même de l’exercice du médecin de l’Éducation nationale.
Mais, constat affligeant dans le parcours de soins proposé, les médecins de l’Éducation nationale ne sont même pas cités ! Pourtant, ce sont bien eux qui ont accès dans leur secteur à la population de tous les enfants de 6 à 16 ans, c’est-à-dire en âge de scolarisation.
Le texte constate une rupture de suivi pour les « enfants issus des milieux les plus modestes » mais les médecins scolaires les voient bien souvent en consultation. Ils sont parfois les seuls et les adolescents apprécient cet accès direct au médecin. Le Dr Kahn-Bensaude, vice-présidente de l’Ordre des médecins, réaffirmait en 2012 : « On sait bien qu’après l’âge de 10 ans, les médecins de ville ne voient presque plus les enfants. Les médecins scolaires ont un rôle primordial d’éducation à la santé et ce de 6 à 18 ans… ».
Le projet de santé est de « mettre en œuvre les mesures de prévention et les priorités de santé publique » (prévention de l’obésité, des conduites addictives, des troubles des apprentissages, du suivi vaccinal) : mais ne reconnaît-on pas là les missions des médecins scolaires ? Alors que la démographie médicale est en baisse, comment les médecins généralistes et pédiatres pourront mettre en œuvre ces priorités pour les jeunes, là où les médecins scolaires prennent souvent une heure de consultation de prévention : repérages pour lesquels ils ont été formés spécifiquement à l’EHESP à Rennes à l’issue du concours national d’admission ? Des expérimentations ont déjà eu lieu : en 2006-2007, 3 départements ont expérimenté l’entretien de santé par les MG pour les 12-13ans, expérience qui s’est avérée non concluante et non retenue...
- Certes, la courbe démographique des médecins scolaires est elle aussi défavorable et fortement aggravée par des salaires jugés « indécents » par le Conseil national de l’Ordre des médecins mais ne suffirait-il pas justement de renforcer ce corps de médecins en moyens et en postes pour réaffirmer cette politique de prévention à mettre en place auprès des jeunes ?
Finalement, après lecture du texte, les médecins de l’Éducation nationale sont très en colère.
Abandon de la médecine scolaire, responsabilité d’État
Les médecins de l’Éducation nationale s’épuisent pour tenter de répondre à des missions démesurées dont ils mesurent dans leur pratique quotidienne l’importance majeure en termes de santé de l’enfant et de l’adolescent. Renforcement des inégalités de santé dont seront forcément victimes les enfants les plus fragiles qui vivent dans la précarité et qui ne cessent d’augmenter...
« Engager une politique de santé publique, c’est affirmer dans la loi que la responsabilité de l’État, en matière de santé, commence par la prévention. Fixer des priorités ne suffit pas. Il faut se donner les moyens de les mettre en œuvre avec efficacité », selon la ministre de la Santé. Ces affirmations de principe sont lettres mortes si elles ne se traduisent pas dans les faits [1].
C’est ce que le SmeDEN-FO a expliqué lors d’une audience au CNOM et redira en audience au cabinet de la ministre de l’Éducation nationale le 8 décembre prochain. Il demande le retrait de cette proposition et des mesures urgentes pour renforcer le corps des MEN.
[1] Dernière minute : l’annonce de la création de 10 postes de médecins EN au budget 2015 dans le document sur la modernisation des métiers ne répond aucunement aux attentes et aux besoins sur le terrain. C’est de la poudre aux yeux.