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Professions réglementées : analyse du rapport de l’Inspection générale des finances
Le rapport de l’IGF (Inspection générale des finances), à l’origine de cette annonce, estime que le bénéfice net global des trente-sept professions examinées (19,2 % du chiffre d’affaires) est plus de deux fois celui réalisé par le reste de l’économie. Pour dix-huit d’entre elles, le revenu médian net mensuel (évalué à partir des bénéfices déclarés) dépasse 3 000 €, quant il est de 1 645 € pour les salariés français (chiffre 2012).
« Une illusion »
Cependant, premier bémol, les professions réglementées visées (pharmaciens, huissiers, avocats, école de conduite, plombiers, coiffeurs…) touchent à des domaines très divers (droit, santé, services et artisanat) et les disparités de revenus, d’une profession à l’autre, sont importantes. Inférieur à 3 000 € pour dix-neuf professions, le revenu médian net mensuel dépasse 10 000 € pour cinq d’entre elles et même 20 000 € pour les trois mieux placées. Deuxième bémol important sur ce sujet, pour beaucoup de salariés de ces professions, le salaire est très loin de ces niveaux correspondant aux gains réalisés par les professions libérales ou les patrons des cabinets ou aux bénéfices des entreprises.
Mais, comment l’IGF propose-t-elle d’agir pour rendre du pouvoir d’achat aux Français ?
Concernant les tarifs, l’IGF propose dans certains cas de libéraliser ceux-ci, dans d’autres d’en transférer la responsabilité à l’autorité de la concurrence. Mais elle se limite, là où ils sont libres, et pourtant souvent très élevés (interventions d’urgence des plombiers, serruriers et prix des médicaments des services vétérinaires), à suggérer de les rendre plus transparents. D’ailleurs, l'actuel ministre de l’Économie, Emmanuel Macron, a qualifié « d’illusion » la promesse de rendre 6 milliards de pouvoir d’achat aux Français.
L’estimation de la création de 120 000 emplois en cinq ans, faite par la Direction générale du trésor, comme conséquence des propositions de l’IGF, a été très peu commentée, ce qui en soi peut révéler la faible crédibilité désormais accordées à ce type de prévision. Il suffit de se référer aux promesses associées à la baisse de la TVA dans le secteur de la restauration, dont personne n’a pu démontrer l’effectivité en matière de baisse des prix et de créations d’emplois.
Le même chant des sirènes libérales
Plus généralement, le rapport de l’IGF n’innove pas et reprend les antiennes libérales sur les bienfaits, pour les consommateurs, de la main invisible du marché. Il remet d’ailleurs à jour certaines propositions du rapport Attali « pour la libération de la croissance » (2008) qui préconisait déjà « l’ouverture à la concurrence des professions réglementées » (la vente en supermarché des médicaments sans ordonnance ou l’autorisation d’exercer des voitures de tourisme avec chauffeur en concurrence des taxis).
Les « assouplissements et suppressions de réglementations » proposés par l’IGF concernent notamment les monopoles (vente de médicaments, taxis, ambulanciers, écoles de conduite), les qualifications exigées, l’ouverture du capital des offices notariaux ou encore des laboratoires et cabinets médicaux…
Bien que l’IGF prenne la précaution de rappeler que « dans une majorité de cas, les réglementations existantes [contribuent] dans leurs principes à mettre en œuvre des objectifs d’intérêt général et d’efficacité économique », les arguments avancés par l’IGF pour justifier la mise en cause de celles qu’elle juge aujourd’hui injustifiées n’est pas toujours convaincante, voire est inquiétante.
Ainsi, autoriser la vente de médicaments en dehors d’une pharmacie sous prétexte que leur prescription médicale est facultative, et qu’ils peuvent donc être considérés comme « produits courants », méconnaît que beaucoup d’entre eux ne sont plus remboursés par la Sécurité sociale, non du fait de leur inutilité médicale ou de leur innocuité, mais pour cause de contrainte budgétaire imposée par les objectifs européens de réduction des déficits publics.
Supprimer l’exigence de CAP dans le secteur du bâtiment sous prétexte que certains clients réalisent déjà eux-mêmes certains petits travaux et que la libre prestation d’entreprise au niveau européen contourne déjà cette exigence n’est un progrès ni pour les consommateurs, ni pour les salariés concernés.
L’exigence d’une qualification reconnue par un diplôme d’État est une garantie que la prestation est exercée par une personne qualifiée, maîtrisant les techniques de l’art les plus récentes.
Elle est aussi une garantie que les salariés qualifiés seront rémunérés conformément aux grilles indiciaires prévues par les conventions collectives. Supprimer une telle exigence ne manquerait pas de mettre en cause les conventions collectives correspondantes.
Renforcer ou redéfinir la réglementation
Il serait sans aucun doute souhaitable de limiter les dérives et de sanctionner les abus mais cela passe plutôt par un renforcement ou une redéfinition de la réglementation ainsi que de l’encadrement des tarifs. Sur un seul point d’ailleurs, l’IGF va dans ce sens en proposant la mise en place d’une réglementation des prix des prothèses dentaires. En effet, depuis le début des années 1980, la grande vogue de la libéralisation et de la déréglementation n’a pas fait la démonstration, loin s’en faut, qu’elle profitait aux consommateurs ou usagers des services publics.
Quant à l’ouverture à la concurrence, le secteur de la téléphonie mobile est particulièrement significatif quant à qui en fait les frais : les salariés, leurs emplois et conditions de travail. C’est bien ce qui inquiète aujourd’hui les syndicats FO des secteurs concernés. L’lGF évalue à 1,1 million le nombre de salariés des professions réglementées, salariés qui ont toutes les raisons de s’inquiéter...
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