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09 / 05 / 2017 | 328 vues
Xavier Berjot / Membre
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Prime et condition de présence du salarié

Le droit à une prime peut-il être subordonné à la présence du salarié au moment de son versement ? Cette question soulève des enjeux non négligeables, notamment lorsque la rémunération variable du salarié est significative au regard de son salaire fixe.

Licéité de la condition de présence

Pour la Cour de cassation, le contrat de travail peut valablement prévoir que le paiement d'une prime est subordonné à la présence du salarié dans l'entreprise à la date de son versement.

Ainsi, lorsqu’une clause stipule qu'une prime de fin d'année est due aux salariés présents dans l'entreprise au 31 décembre, le salarié l'ayant quittée en cours d'année ne peut prétendre à aucune prime (Cass soc. 24 avril 1980, n° 78-41601).

Dans cette situation, le salarié ne peut même pas réclamer un prorata tenant compte de son temps de travail sur l'année (cf. § 3 ci-dessous).

Cela étant, lorsque le contrat de travail prévoit le versement de la prime sans condition de présence à une date déterminée, l'usage contraire existant dans l'entreprise ne peut faire échec au droit du salarié (Cass. soc. 14 mars 1983, n° 81-41580).

En effet, seule une disposition expresse peut valablement instituer une condition de présence, pour le versement d’un élément de rémunération variable (prime de treizième mois, bonus, prime sur objectifs etc.).

Situations particulières

L'incidence de la dispense de préavis

En cas de licenciement, la question se pose de savoir si le salarié dispensé d'effectuer son préavis est toujours considéré comme présent dans l'entreprise.

Selon l'article L. 1234–5 du Code du travail, lorsque le salarié n’exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice.

L’alinéa 2 du texte ajoute que l'inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l'employeur, n'entraîne aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait perçus s'il avait accompli son travail jusqu'à l'expiration du préavis, indemnité de congés payés comprise.

Ainsi, l'employeur ne peut pas soutenir que le salarié n'est pas présent physiquement dans l'entreprise, afin de le priver de la prime liée à une condition de présence.

Ex. : Une prime de fin d’année est payable aux salariés présents au 31 décembre de chaque année. Un salarié est licencié pour insuffisance professionnelle le 10 octobre et son préavis est de trois mois. Ce salarié est dispensé de l’exécution de son préavis. Dans ce cas, il doit percevoir la prime de fin d’année.

Le cas du licenciement sans cause réelle et sérieuse

En cas de licenciement, le salarié est parfois contraint de quitter l'entreprise avant d'avoir pu percevoir une prime liée à une condition de présence.

Ex. : Une prime de bilan est payable aux salariés à condition qu'ils soient présents à l'effectif au 30 juin de chaque année. Le salarié est licencié pour faute grave le 2 juin et se trouve donc privé de la prime.

Toutefois, si le licenciement du salarié est jugé sans cause réelle et sérieuse par le Conseil de prud’hommes, la jurisprudence lui permet de percevoir la prime.

En effet, la Cour de cassation considère qu'une prime subordonnée à une condition de présence doit être payée au salarié absent dans l'entreprise à cette date en raison de son licenciement, lorsque ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Cette solution s'applique tant aux primes d'objectifs (Cass. soc. 13 novembre 2002, n° 00-46448) qu'aux primes de fin d'année (Cass. soc. 12 juillet 2006, n° 14-46290).

Elle est logique si l'on considère qu'en l'absence de licenciement, le salarié aurait été « présent à l'effectif. »

Primes au prorata temporis

La question se pose de savoir si le salarié absent de l'entreprise à la date de paiement de la prime peut néanmoins en solliciter le paiement d'une partie au prorata temporis.

En effet, dans certains cas, le salarié a été présent durant la majeure partie de la période de calcul de la prime, de sorte que sa demande de paiement partiel peut sembler légitime.

Pour la cour de cassation, le droit au paiement au prorata du temps de présence d'une prime, pour un salarié ayant quitté l'entreprise, quel qu'en soit le motif, avant la date de son versement ne peut résulter que d'une convention expresse ou d'un usage dont il appartient au salarié de rapporter la preuve (Cass. soc. AP. 5 mars 1993, n° 89-43464).

Cette solution, dégagée par l'assemblée plénière de la Cour de cassation, a été postérieurement confirmée à de multiples reprises. 

À titre d’illustrations, elle s’applique à une prime de treizième mois (Cass. soc. 27 février 2002 n° 00-40923), à une prime sur objectifs (Cass. soc. 26 janvier 2005 n° 02-47271) ou, encore, à une prime de bilan (Cass. soc. 28 septembre 2005 n° 03-42963).

En pratique, le salarié qui sollicite le paiement d'une prime au prorata temporis doit faire la preuve que son droit au paiement partiel de la prime est prévu soit par le contrat de travail, soit par un accord d'entreprise ou par la convention collective, soit par un usage unilatéral de l’employeur.

À défaut, il ne peut prétendre à aucun droit à paiement.

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