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27 / 04 / 2011 | 8 vues
Jean-Claude Delgenes / Abonné
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Pourquoi Technologia cherche-t-il à mesurer les effets de la vie professionnelle sur la vie émotionnelle, relationnelle, familiale et sexuelle ?

Le 21 avril 2011, le cabinet Technologia a lancé une enquête visant à mesurer les effets de la vie professionnelle sur la vie personnelle et la vie de couple. Cette initiative et le questionnaire associé, dont certaines questions relèvent de la vie intime et sexuelle, ont valu à Technologia un certain nombre d’interrogations et ont pu intriguer, voire choquer.

Technologia souhaite donc répondre à ces questions légitimes.

Pourquoi Technologia, expert des risques professionnels, s’intéresse-t-il au sujet de la vie privée ?

Cette enquête est une première. Elle n’a jamais été réalisée.

Elle est née de la rencontre entre les préoccupations d’un cabinet spécialisé en prévention des risques professionnels et celles de médecins, psychiatres ou sexologues confrontés à des demandes d’ordre a priori plus personnel.

Lors d’expertises dans les entreprises à l’occasion de crises ou de graves disfonctionnements, le cabinet se voit souvent renvoyé aux seuls problèmes personnels des salariés qu’il est amené à rencontrer dans le cadre de ces expertises. Pourtant, toute interrogation sur le travail ne peut exclure la vie personnelle qui se construit « autour » ou « en fonction de ». Ainsi, la vie privée peut être une véritable ressource, une protection psychique contre un travail « débordant », mais elle peut également pâtir des bouleversements du monde du travail.

De leurs côtés les thérapeutes, au cours de leur travail de psychothérapie personnelle, de sexothérapie, de thérapie familiale ou de thérapie de couple, sont de plus en plus confrontés à des difficultés en relation avec le travail de leurs patients. Le mal-être des patients dans leur emploi aurait donc des conséquences sur leur vie personnelle et intime.

  • Ainsi, alors qu'on les consulte pour des difficultés personnelles, il arrive de plus en plus souvent que ces thérapeutes buttent sur des difficultés touchant le milieu professionnel. En d’autres mots, impossible de travailler sur l'intimité si ce qui occupe la majeure partie de la journée se passe mal.
Quel est le but de cette étude ?


Le but de l’étude est simple : disposer de données quantitatives et qualitatives permettant de mesurer les effets de la vie professionnelle sur la vie émotionnelle, relationnelle, familiale ou sexuelle.

Il s’agit non seulement de savoir si ce que l’on observe empiriquement dans les cabinets de consultation correspond à des difficultés plus fréquentes qu’on ne le suppose, mais également de mesurer la profondeur les effets du travail sur la vie privée.

À terme, l’objectif est aussi de sensibiliser les organisations professionnelles aux risques encourus par les salariés et d’alerter les individus privé sur l’importance de la « préservation de soi ».

Quelle différence entre ce type d’enquête et les expertises que mènent Technologia ?

Il est nécessaire de distinguer entre le travail de fond et le travail de connaissance.

D’un côté, les expertises réalisées à la demande d’un CHSCT, pour lesquelles Technologia est agréé auprès des Ministères du Travail et de l’Agriculture, constituent le cœur de métier du cabinet.

De l’autre, les enquêtes de sa propre initiative, comme celle-ci ou celles qui ont été menées sur les effets des transports en commun sur le stress ou sur les liens entre les conditions de travail des journalistes et la qualité de l’information en démocratie, correspondent à une démarche de connaissance financée sur fonds propres.


Pourquoi avoir lancé cette enquête maintenant : ne risque-t-elle pas de brouiller l’image du cabinet qui est engagé dans différents domaines de réflexion au niveau national ?

Tous ces dossiers ne dépendent pas de la même activité. Là encore, il y a d’un côté le cœur de métier à partir duquel on pourrait tirer beaucoup d’enseignements (c’est d’ailleurs pourquoi Technologia a appelé à la tenue d’états généraux de la prévention dans le cadre de la FIRPS). De l’autre, il y a des initiatives propres à Technologia qui consistent à éclairer certains aspects de ce métier et des risques professionnels eux-mêmes ou tout simplement le débat public dont le cabinet est, qu’on le veuille ou non, l'un des acteurs.

C’est bien à partir de sa légitimité acquise dans le champ de la prévention professionnelle que Technologia peut ouvrir sa réflexion et ses domaines de connaissance sur des thèmes annexes mais liés.

 
Quelle est la nature du fichier utilisé pour réaliser cette enquête ?

Cette enquête étant réalisée à l’initiative de Technologia, le questionnaire a été d’abord envoyé aux 5 000 contacts privilégiés du cabinet.

Ce fichier interne, qui fait l’objet d’une déclaration auprès de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés – CNIL (article 23 de la loi n° 78617 du 6 janvier 1978, modifiée en 2004), permet au cabinet de communiquer dans le cadre propre à son activité (étude, newsletter...). Seules figurent dans ce fichier les personnes avec lesquelles Technologia entretient des relations professionnelles privilégiées. Toute personne ayant reçu le questionnaire peut ou non y participer. Chacun bénéficie d’un droit d’accès et de rectification aux informations le concernant.

  • En aucun cas Technologia n'utilise les fichiers transmis par les entreprises dans lesquelles elle intervient au titre de ses expertises. Ceux-là sont immédiatement détruits après la réalisation de chacune des missions.
Par ailleurs, afin d’atteindre un échantillon de taille critique, nécessaire dans ce type d’enquête, Technologia s’est associé avec les mutuelles UMC. Celles-ci mettent à disposition le fichier de leurs adhérents afin de disposer en retour des résultats de l’étude.


En abordant des questions liées à la sexualité ne va-t-on pas trop loin dans la volonté de savoir, au risque de choquer, d’agacer ou de sortir d’un rôle d’experts des conditions de travail ?


Technologia est tout à fait conscient que certaines questions peuvent être dérangeantes, voire choquantes. C’est d’ailleurs un avertissement explicitement mentionné dans le message qui accompagne le questionnaire.

Toutefois, sur 5 000 personnes sollicitées jusqu’alors, le cabinet n’a eu connaissance que d’une dizaine de réclamations, concernant notamment des explications sur la nature du fichier utilisé. On constate également de nombreuses réactions d’intérêt et d’enthousiasme.

  • Le sujet ne laisse donc pas indifférent tant il touche à l’intime des individus. Cependant, l’éthique de la sexualité reste à inventer.


Le domaine de la sexualité est en effet devenu un domaine public, parfois trop public : on en parle de manière humoristique, pornographique ou caricaturale, en induisant qu’hommes et femmes devraient être « à la hauteur ». La vraie vie sexuelle et amoureuse est rarement abordée. Il existe très peu d'enquêtes sérieuses sur le sujet. C'est pourquoi cette enquête, première du genre, cherche à répondre à une question sérieuse et traitée scientifiquement : comment les hommes et les femmes parviennent-ils à articuler leur vie professionnelle, de plus en plus intense, avec les contraintes que celle-ci fait peser sur leur vie privée ? Comment, également, le milieu professionnel intègre-t-il les questions de vie privée : il existe souvent des règles éthiques dans certains milieux professionnels, comme par exemple l'interdiction de relations amoureuses dans le cadre de l'entreprise. Est-ce réaliste ? Est-ce possible ? Illusoire ? Cette enquête aidera à obtenir un début de réponse à ces questions.


Sur quelles bases scientifiques repose cette enquête (méthode, échantillon…) ?

Le questionnaire aborde quatre aspects des relations entre vie privée et vie professionnelle et pour cela, mêle différentes approches validées scientifiquement.

1- Concernant la vie professionnelle, c’est le rapport au travail qui est interrogé à travers deux dimensions.

  • La première est la satisfaction au travail (5 points). Plusieurs modèles permettent la mesure du sentiment de satisfaction. Technologia a choisi de recourir à l’échelle de Fouquereau et al., qui ont construit une échelle de satisfaction globale qui entretient un lien avec la façon de vivre sa vie personnelle ;

 

  • La seconde est un module sur la santé et le travail (12 points) dont le BMS-101 (10 points). Une échelle de mesure du « burn-out », c’est-à-dire une mesure de l’épuisement professionnel a été intégrée au questionnaire. Il s’agit de la « burn-out measure short version » comprenant 10 points. Il évalue le degré d’épuisement physique (sentiment d’affaiblissement physique, de fatigue…) ; le degré d’épuisement mental (sentiment de désespoir ou d’abandon…) ; le degré d’épuisement émotionnel (le sentiment de « craquer »…). Technologia fait ici l’hypothèse que « se sentir épuisé » en pensant au travail a des conséquences sur la vie de couple.  


2- Pour ce qui est de l’interaction vie privée-vie professionnelle, le choix a été fait d’intégrer l’échelle SWING2 (Survey work-home interaction-Nijmeden). 

Cette échelle comporte 22 points mesurant quatre dimensions : les effets négatifs de la vie au travail sur la vie privée (8 points) ; les effets négatifs de la vie privée sur la vie au travail (4 points) ; les effets positifs de la vie au travail sur la vie privée (5 points) et les effets positifs de la vie privée sur la vie au travail (5 points).

3- Par ailleurs, six questions sur les aménagements du travail et les nouvelles technologies ont été introduites dans le questionnaire.

Exercer sa profession en télé-travail ou encore détenir des outils permettant d’être joignable à toute heure, comme un smartphone par exemple, n’est pas sans conséquence sur la gestion de sa privée.

4- La vie de couple, quant à elle, s’articule sous plusieurs dimensions (51 points).

Des questions spécifiques ont été élaborées sur la base de l’expérience professionnelle et humaine que rassemblent les acteurs du cabinet Technologia et sur les recherches universitaires à ce sujet. Aussi, ce module a-t-il été élaboré en collaboration avec Catherine Solano, médecin sexologue et andrologue, qui tient une consultation en urologie à l'hôpital Cochin de Paris et enseignante à l'Université catholique de Louvain (Belgique) et à l'université de Reims.

Enfin, des modules de  « libre expression » figurent en dernière parties du questionnaire. Ils permettent aux répondants de témoigner librement sur ce sujet. Ces encadrés proposant des développements ouverts, permettent également de recueillir une parole qui est retranscrite sous la même forme que celle issue des entretiens.

Par ailleurs, une cinquantaine d’entretiens qualitatifs sur l’ensemble de ces dimensions sont prévus dans le cadre de cette étude.

  • En ce qui concerne l’échantillon, il est constitué du fichier de Technologia associé à celui des mutuelles UMC, ce qui représente une population totale de 25 000 personnes.


Toutefois, pour toute enquête sur une population spécifique qui a l’ambition de fournir une information générale sur la population française, les procédures de redressement sont incontournables.

En effet, sur l’envoi d’un questionnaire ouvert à 25 000 personnes, on peut espérer un taux de réponse de l’ordre de 10 à 20 % (taux généralement constaté dans les enquêtes). Or, cette population répondante ne correspondra naturellement pas exactement à la population française et ne pourra parler en son nom. Il sera donc nécessaire de compenser les « déformations » de la population répondante (dues à des comportements de réponse hétérogènes) pour la rendre représentative de l’ensemble de la population française.

Ainsi, la solution consiste à attribuer un poids aux répondants de l’enquête. Par rapport aux caractéristiques socio-démographiques de la population française, les individus surreprésentés dans l’échantillon de répondants seront sous-pondérés (poids<1), et ceux qui apparaîtront sous-représentés seront surpondérés (poids>1). Comme dans n'importe quelle enquête portant sur ce type d’échantillon, le « redressement » est effectué selon des méthodes qui permettent de redresser simultanément les différents biais de l’échantillon (sexe, âge, statut…) et d’assurer ainsi sa représentativité.

Nous demandons a être jugés sur nos résultats et non sur des jugements a priori.

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