Participatif
ACCÈS PUBLIC
19 / 06 / 2025 | 18 vues
Jean Louis Cabrespines / Membre
Articles : 46
Inscrit(e) le 20 / 08 / 2015

Quel partenariat pour l’insertion et l’emploi entre l’Etat et les associations ?

Des décisions unilatérales

 

Nous pensions, après les mauvais coups portés aux entreprises de l’ESS par les élus nationaux aussi bien qu’européens ou encore par les services de l’État et des collectivités locales, que cela pouvait s’interrompre. Force est de constater que l’entreprise de démolition se poursuit.
 

Certains pourraient penser qu’il s’agit d’un plan élaboré pour éradiquer ces entreprises qui ne pensent pas comme les tenant de l’économie libérale.


Les associations sont particulièrement concernées, directement ou indirectement.

 

Nous ne reviendrons pas sur les positions de certaines régions (Pays de Loire par exemple), certains départements (Hérault, Val de Marne) ou certaines collectivités locales (Noyon par exemple) qui ont montré l’exemple de leur méconnaissance crasse de ce que peuvent apporter les associations dans leurs territoires.

 

Nous l’avons déjà souligné le mois dernier (voir « Sans les associations, la société ne tiendrait pas » (Claire Thoury, présidente du Mouvement associatif) ») Ils n’ont pas compris ou plutôt, ils ne veulent pas accepter ce qui fait le lien particulier qu’entretiennent ces associations avec les pouvoirs publics depuis de nombreuses années, acteurs complémentaires des politiques territoriales pour l’intérêt général.

 

Mais l’intérêt général parle-t-il encore à ces politiques ?

 

On peut en douter lorsque l’on voit leurs décisions unilatérales. Une action devrait pourtant les unir : cette lutte incessante contre le chômage et pour l’insertion des jeunes et des publics en difficulté, missions qui demandent un investissement plus fort dans l’accompagnement, complémentaire à la mise en emploi.

 

Or, deux nouvelles très inquiétantes viennent de paraître :
 

  • La réduction du financement des contrats PEC (Parcours Emploi Compétences) passant de 50.000 contrats prévus initialement à 32.000 pour 2025. Ces contrats permettent à des personnes en situation d’insertion vers l’emploi d’avoir « un emploi permettant de développer des compétences transférables, un accès facilité à la formation et un accompagnement tout au long du parcours tant par l’employeur que par le service public de l’emploi, avec pour objectif l’inclusion durable dans l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail ».1
  • La suppression annoncée de 15.000 services civiques qui est « un engagement volontaire sur une mission d'intérêt général, d'une durée de 6 à 12 mois, de 8 mois en moyenne, à raison d'au moins 24 heures hebdomadaires qui s’adresse à tous les jeunes de 16 à 25 ans, jusqu'à 30 ans en situation de handicap ». 2

 

Non concertation, injustice et contre-productivité

 

Les réactions venant des organisations de l’ESS ne se sont pas faites attendre.

 

L’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), par la voix de son président David Cluzeau, dénonce une mesure « non concertée, injuste et contre-productive » et alerte fortement sur les conséquences d’une telle décision concernant les PEC : « En réduisant brutalement le nombre de contrats aidés à 32 000 pour l’année 2025, et en abaissant fortement leurs conditions de prise en charge, le gouvernement fait le choix d’un désengagement unilatéral qui met en péril l’action des employeurs engagés dans l’insertion professionnelle des publics les plus fragiles. (…) Nous alertons solennellement sur les conséquences économiques et sociales de cette décision, qui entre en contradiction avec les ambitions affichées en matière de plein emploi et de justice sociale. L’UDES appelle à une révision urgente de cette orientation, et à l’ouverture d’un véritable espace de dialogue avec les employeurs qui, chaque jour, font vivre l’insertion sur le terrain. »

 

De gel en gel : on ne fait pas une vraie politique pour la jeunesse

 

Pour les services civiques, la plateforme inter-associative pour le service civique (PICS) comprenant 32 organisations associatives communique « Le gouvernement a annoncé une réduction du nombre de missions en 2025 : 72 000 jeunes financés contre les 87 000 initialement annoncés pour l’année civile ».


Cette décision vient après un premier gel en début d’année 2025, dans l’attente du budget du vote du budget de l’État, gel levé quelques semaines plus tard.


Des engagements avaient alors été pris par la ministre chargée des comptes publics Amélie de Montchalin et la ministre des sports, de la jeunesse et de la vie associative Marie Barsacq pour le maintien d’un objectif de 150.000 services civiques en 2025 : « D’ici fin 2025, ce seront près d’1 million de jeunes qui se seront engagés. Le service civique est un véritable tremplin, qu’il faut rendre accessible à tous », affirmait Marie Barsacq, lors de l’anniversaire des quinze ans du service civique courant mars.

 

Comment croire de telles déclarations quand, un mois plus tard, les actes viennent les contredire ?


Comment mener des actions dans l’ensemble de notre pays quand des ordres contradictoires viennent contrecarrer le travail réalisé au quotidien ?


Comment les associations impliquées peuvent-elles donner toute garantie tant aux jeunes qu’au personnel impliqué dans l’accompagnement quand elles sont dans l’incertitude de leur devenir du fait des tergiversations des représentants de l’État ?

 

On ne peut pas conduire une véritable politique d’insertion quand on vit dans de telles conditions d’irrespect de l’État à l’égard de ceux qui sont censés être des partenaires des politiques publiques.


Dans le même temps, Véronique Louwagie, Ministre déléguée chargée du Commerce, de l'Artisanat, des PME et de l'Économie sociale et fait paraître un post sur LinkedIn disant : « L’ESS a besoin de vous. En novembre, la France publiera sa stratégie nationale de l’Économie sociale et solidaire à horizon 2035. Cette stratégie ne peut pas être seulement celle de l’État.


Elle doit être celle de tous les acteurs de terrain, des professionnels engagés, des citoyens qui veulent une autre manière de faire de l’économie. » Elle lance une démarche de consultation avec : des analyses nationales et sectorielles ; des ateliers dans chaque région, en métropole comme en outre-mer ; une consultation citoyenne ouverte à tous. pour « construire une stratégie ambitieuse, réaliste, profondément ancrée dans les besoins du terrain. » Concluant fort justement : « Parce que l’ESS n’est pas une économie comme les autres : c’est celle qui tient bon face aux crises, qui crée de l’emploi local, qui réinvente le lien social. »

 

Vivre dans une double contrainte

 

Comment comprendre une telle démarche, alors même que les agissements actuels de membres du gouvernement auquel elle appartient démontrent le peu d’estime qu’ils (elles) ont à l’égard de l’ESS ?

 

Comment lui faire confiance et ne pas percevoir cette démarche comme un contournement des organisations représentatives et organisatrices de l’ESS déniant, une fois de plus, le rôle important des corps intermédiaires ?

 

Ces contradictions constantes du gouvernement nous font vivre ce que Gregory Bateson définissait comme le « double bind » (double contrainte) faisant ainsi référence aux situations de communication dans lesquelles des messages contradictoires sont reçus.


C’est ce que nous vivons actuellement. Le contexte actuel demande, plus que jamais, de la vigilance et des signes clairs pour qu’un partenariat puisse exister entre les entreprises de l’ESS et les pouvoirs publics, particulièrement l’État. Si nous devons œuvrer ensemble pour répondre à l’intérêt général, il serait nécessaire que nous en ayons la même appréhension et que nous sachions travailler ensemble dans un climat de confiance.


En sommes-nous capables ?

 

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

1) https://travail-emploi.gouv.fr/le-parcours-emploi-competences-pec

2) https://www.service-civique.gouv.fr/comprendre-le-service-civique/en-bref

Pas encore de commentaires