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10 / 04 / 2025 | 35 vues
Cyrille Lama / Abonné
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Projet de Loi « simplification de la vie économique » : une attaque contre les instances de dialogue et de cohésion

Dans un communiqué de presse  du 9 avril 2025, les organisations syndicales CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Fsu et Solidaires ont vivement réagi ...


Simplifier n’est pas, en soi, un mauvais projet. Le respect de la norme doit être contrôlé tout comme le respect des procédés administratifs reste la meilleure garantie des libertés publique. Mais rien n’empêche, cependant, à réfléchir aux moyens de faciliter l’accès des citoyens à ses services publics.


A ce titre le projet de loi « simplification de la vie économique » présenté ce jour à l’assemblée n’est pas nocif, à priori, pour les droits des travailleurs.


Si seulement…


Si seulement des personnes toujours prêtes à plaire aux partisans de la dérégulation, n'avaient pas saisi l'opportunité de promouvoir de mauvaises idées. Ces mêmes personnes, influencées par des discours qui détruisent le lien social, ont choisi de proposer des solutions destructrices au lieu de simplifier les choses.


Ainsi un amendement propose de supprimer Conseil Economique Social et Environnemental Régional (CESER). La mission du CESER est de faire dialoguer dans une même enceinte les différents acteurs économiques et sociaux à la maille de la région. C’est un organe consultatif qui permet aussi d’assurer une meilleure transparence sur les projets de développements et les choix politiques de la région.


Pourquoi supprimer le CESER ? Parce que c’est un lieu de débat ! Et c’est impardonnable. En ce lieu, la société civile est représentée, les corps intermédiaires ont la parole. Ils en usent en défendant les analyses et propositions de ceux qu’ils représentent et subissent l’impact des politiques publiques. La diversité des points de vue participe à l’intelligence collective du territoire, et c’est insupportable. Ici, on propose de supprimer l’Institut de Recherches Economiques et Sociales (IRES), un des rares lieux où l’on réfléchit encore aux impacts croisés entre les réformes économiques et sociales. Là (amendement 362), on demande à supprimer l’Agence de Transition Ecologique (ADEME), comme si l’urgence était bien de casser le thermomètre.


D’autres enfin, proposent que les seuils de représentation dans les entreprises soient relevés, comme si les ordonnances Macron (en 2017) n’avaient pas fait assez de mal au corps social.


La protection sociale n’est pas épargnée, puisque des amendements proposent la suppression du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, ainsi que du Haut Conseil de l’enfance, de la famille et de l’âge (HCFEA) ainsi que le Haut Conseil Pour le Financement de la sécurité sociale (HCFIPS) Ces instances de dialogue de la société civile organisée ont vocation, par leurs rapports et leurs études, à éclairer la puissance publique tant au niveau national que territorial.


Au moment où la France a besoin de renforcer les mécanismes de cohésion, de discussion, de partage et de consensus, vouloir supprimer ces espaces d’échanges et de concertation constitue une erreur manifeste.


Pour réduire les droits sociaux de représentation dans l’entreprise, on simplifie le code du travail. Pour rendre illisible le degré de contribution et le niveau de solidarité des travailleurs à la solidité du modèle social, on simplifie la fiche de paye. Pour aller toujours plus loin dans la captation de la valeur créée collectivement au profit d’une minorité et au détriment du pouvoir d’achat, on « simplifie la vie économique ».


Plutôt que d’ouvrir la porte aux simplificateurs de la dernière heure, aux opportunistes populistes, le gouvernement ferait mieux de s’intéresser au sort du million de mal logés et aux six millions de sans- emplois pour qui le simple fait de vivre est déjà très compliqué.


Les historiens qui écriront la triste chronique de notre époque pourront valoriser comme il se doit ces initiatives déterminantes. Une politique dite « de l’offre », consistant à déverser sans discernement ni conditions 200 milliards d’argent public chaque année aux entreprises a vidé les caisses sans résultat probant. Une fois de plus les corps intermédiaires sont méprisés, voire supprimés. Le citoyen est désabusé et partout le doute s’installe sur la capacité de nos dirigeants politiques à se hisser à la hauteur des enjeux.


Les organisations syndicales appellent les parlementaires à repousser ces amendements dangereux.


Alors que nous sommes confrontés à des bouleversements toujours plus rapides et violents, l’urgence est au renforcement de la démocratie sociale et des lieux où les acteurs sociaux et la société civile peuvent confronter leurs analyses, anticiper les enjeux et ouvrir des perspectives de progrès social et environnemental.

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Nous vivons des temps déraisonnables…

Jamais depuis la proclamation de ses principes, tant par la déclaration de Philadelphie du BIT et le programme du Conseil National de la Résistance, la démocratie sociale qui était, aux yeux de ses promoteurs, un facteur de paix et de progrès n’aura été, dans notre pays, autant remise en cause que ces derniers mois.

 

Les associations, dont la liberté est un des piliers de la République et qui assument au quotidien une place considérable dans la santé, la culture, le vivre ensemble, et tant d’autres secteurs essentiels, se trouvent prises en étau entre une marchandisation de la solidarité et une volonté de contrôle politique au moyen du Contrat d’engagement républicain.

 

La réduction drastique des moyens des collectivités territoriales vient accroître la gravité de la situation des structures mais surtout de l’ensemble des publics auprès de qui elles interviennent : c’est à dire, vous comme moi, comme des millions et des millions d’habitantes et d’habitants de notre pays.

 

L’Union des employeurs de l’Économie sociale (UDES) évoque, devant la fermeture prévisible de centaines —voire de milliers — d’associations un plan social à bas bruit qui pourrait détruire plus de 180.000 emplois.

 

Aujourd’hui un nouveau pas est franchi avec les menaces qui pèsent sur le CESE et les CESER. Au nom des économies que justifierait la nouvelle « économie de guerre » c’est de l’existence de la troisième assemblée de la République consacrée par la Constitution qu’il s’agit. Au sein du CESE, comme au sein de ses traductions régionales, les CESER, qui sont les assemblées de la démocratie sociale, siègent les représentants de l’ensemble des composantes de la société civile et en premier lieu les organisations syndicales des salariés comme des employeurs. Ce sont des lieux d’un travail en commun, à la fois discuté et appliqué, loin des agitations d’un monde politique gagné chaque jour davantage par la « société du spectacle » entretenue par les médias et affolée par les réseaux dit-sociaux.

 

Le CESE est aussi la structure d’accueil des Conventions citoyennes, comme celle sur le climat et celle sur la fin de vie, qui, malgré leurs trop faibles prises en compte par le gouvernement, représentent de nouveaux outils pour la démocratie sociale.

 

S’il fallait prendre un exemple récent de l’utilité sociale primordiale du CESE, on pourrait citer le rapport sur « Renforcer le financement des associations : une urgence démocratique » qui, sans concession, donna cependant lieu à un Avis voté à l’unanimité des groupes. Comme la traduction d’un trumpo-muskisme à la française, les menaces qui planent sur le CESE et les CESER constituent une grave menace démocratique.

 

Revendiquer la suppression du CESE au nom d’une « simplification » administrative, d’économies « de bouts de chandelles », c’est remettre en cause la légitimité politique des acteurs de la société civile. Elle pourrait, dans une même logique conduire jusqu’à la suppression d’autres assemblées, présentes dans la Constitution, celles là même qui pourraient les voter.

 

Quand on démantèle ainsi la démocratie sociale, comment garantir la démocratie politique ?

 

Il est, à la fois, inquiétant et significatif de voir la droite dite « républicaine » aller ce faisant au devant du programme du RN qui demande ces suppressions.

Tout aussi inquiétant est le silence de trop d’acteurs concernés par ce glissement pas illibéral — il est conforme aux schémas d’Hayek et consorts— mais à coup sûr antidémocratique.