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Loi sur le climat : quels enjeux pour les CSE ?
Élus de CSE, vous avez probablement entendu parler du projet de loi sur le climat, actuellement en discussion à l’Assemblée nationale (de son vrai nom « loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets » ). Parmi ses très nombreuses dispositions (c'est-à-dire ses clauses, si comme certains chez nous, vous ne parlez pas toujours le jargon juridique en seconde langue), elle officialise le rôle du comité social et économique (CSE) sur les questions de la transition écologique. Nous vous en avions déjà parlé lors d’un précédent article : cette responsabilité de fait s’est affirmée en pratique au fil des ans.
Aujourd’hui, cela devient plus concret et plus technique. Le Parlement se penche sur le sujet pour officialiser le rôle du CSE dans ce combat. Dans ce petit article évolutif, nous vous proposons de vous expliquer les enjeux aussi simplement et concrètement que possible et surtout de vous tenir au courant du résultat (vous lisez la version du 13 juillet).
De quoi parle-t-on ? Quelques éléments de contexte...
En juin 2020, la Convention citoyenne pour le climat (CCC pour les intimes) a remis ses propositions au gouvernement. Créée à la suite du mouvement des Gilets jaunes, cette assemblée de 150 citoyens tirés au sort a planché sur des mesures concrètes pour allier une transition à bas-carbone à la justice sociale.
Dans la famille des mesures « transformer l’emploi et les modalités du travail », à côté de nouvelles obligations pour les entreprises (comme l’impératif de formation pour de nouvelles compétences), la désormais célèbre CCC fait officiellement entrer les CSE dans le débat.
Extrait du rapport de la CCC en date du 29 juin 2020
L’impulsion part de là. Mais entre l’intention du rapport, le projet de loi et l’évolution du Code du travail, il se passe une course de haies plus ou moins relevées, comme souvent...
Qu'en est-il du projet de loi aujourd'hui ?
Après la validation par l’Assemblée nationale en première lecture le 4 mai, le Sénat s’est emparé du projet pour en discuter pendant quinze jours. Sur la base du projet du gouvernement, chaque chambre peut en effet proposer et discuter des modifications (les amendements).
Ce que l’on peut retenir des deux semaines de discussions, c’est que, en termes d’amendements, le Sénat s’est montré aussi prolifique que l'Assemblée nationale. En effet, les sénateurs ont ajouté plusieurs propositions, certaines jugées plus ambitieuses que celles amenées par les députés. C'est le cas, par exemple, de l’interdiction de faire de la publicité pour les produits les plus polluants ou la baisse de la TVA sur les billets de train. Toutefois, ils ont été plus frileux sur d’autres points, en s’opposant notamment à l'inscription par référendum à l’article 1er de la Constitution la préservation de l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. Cette proposition phare de la CCC a finalement été abandonnée.
Qu'attendre de cette loi en général ?
Plusieurs voix remettent l’ambition et l'efficacité de la loi sur le climat telle qu’elle se présente aujourd’hui en cause. On peut ainsi déplorer la suppression et le rabotage de plusieurs mesures initialement proposées par la CCC, rendant le texte actuel insuffisant à la réalisation des objectifs de la stratégie nationale à bas carbone (SNBC). Afin de vous faire votre propre opinion, nous vous conseillons par exemple de lire l’avis du Haut-Conseil pour le climat sur le projet de loi.
=> Mais pour les CSE, cette loi fera indubitablement date grâce aux dispositions de son article 16.
La vraie question
Ici aussi, on peut déplorer le caractère un peu timide du texte de loi, encore éloigné des recommandations du groupe d’expert Gyros, sur la manière dont le CSE pourrait pleinement jouer son rôle, par exemple.
Chez Représente.org, tout en espérant plus, nous choisissons néanmoins de nous réjouir de l'avancée concrète que cela représente pour les CSE : une consécration de leur légitimité.
=> Depuis notre lancement, nous avons souvent rencontré des élus de CSE souhaitant s’engager mais qui hésitent et s'interrogent sur leur légitimité à agir. La question « est-ce vraiment le rôle du CSE ? » n’aura plus lieu d’être posée.
Les enjeux environnementaux figureront désormais parmi les attributions générales du CSE. Chaque thématique faisant l’objet d’une procédure d’information‑consultation du CSE devra donc prendre les conséquences environnementales des activités de l’entreprise en compte.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, ce thème sera ajouté aux consultations récurrentes du CSE.
Les négociations relatives à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) prendront en compte les enjeux de la transition écologique, au sein de l'entreprise. Pour ce faire, la prise en compte des enjeux de la transition écologique au sein des dispositions relatives à la GPEC, en branche comme en entreprise, sera harmonisée.
Premiers amendements déjà validés par l’Assemblée
- Élargissement du champ de la base de données économiques et sociales (BDES) aux conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise et modification en conséquence de la dénomination de celle-ci.
- Élargissement du stage de formation économique dont les membres titulaires du CSE aux conséquences environnementales de l’activité des entreprises bénéficient.
- Possibilité pour le CSE de recourir à un expert-comptable pour analyser les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise.
La question des moyens supplémentaires, associés à ces nouvelles prérogatives environnementales se pose aujourd’hui avec acuité. En revanche, pour la pertinence de ces sujets en réunion CSE, plus aucun doute n’est permis.
=> Et concernant les CSE, qu'a apporté la seconde lecture ? Pas de grand changement notable. Les sénateurs ne sont pas revenus sur l'article 16, ni sur les amendements ajoutés par l'Assemblée nationale.
Et dans les semaines qui viennent ?
Le 12 juillet 2021, les députés et sénateurs se sont réunis en commission mixte paritaire pour tenter de trouver un texte de compromis. Après neuf heures de discussions, ils sont parvenus à s’accorder sur le projet de loi sur le climat et la résilience. La voie est donc ouverte pour une adoption définitive du texte dès cet été. Cependant, malgré toutes ces relectures, le texte est toujours jugé insuffisant par les experts et organismes indépendants.