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Le Welfare State au Royaume-Uni : Beveridge, es-tu là ?
Alors que la question du financement de la protection sociale reste au devant de l'actualité l'étude réalisée par Jacques FREYSSINET, Chercheur associé à l’Ires (1) ne manquera pas d'intérêt pour rappeler les approches qui étaient déjà en débat lors de la création de notre sécurité sociale... au regard des systèmes qui pouvaient être envisagés (2)
On vous invite à lire les réflexions de sa dernière note (3) (https://ires.fr/wp-content/uploads/2025/06/DdT-01_2025.pdf) qui porte sur le système britannique (Le Welfare State) mis en place et ses évolutions...
Il interroge , plus de 80 ans après la mise en place d’un dispositif d’assurance sociale au Royaume-Uni, garantissant une protection universelle sans conditions de ressources en cas de perte de revenus du travail: que reste-t-il de cette logique ?
En effet, la mise en œuvre par Beveridge de ce régime contributif, qui n’assure qu’un revenu de subsistance et est complété par un service de santé gratuit et des allocations familiales, est conditionnée au maintien du plein emploi, qui s’éloigne dès les années 1970.
En résumé:
En 1942, le gouvernement britannique demande un rapport à William Beveridge afin de mettre fin à un empilement de dispositifs hétérogènes, non-coordonnés et inégalitaires créés par étapes au Royaume-Uni depuis la Révolution industrielle.
L’auteur déborde largement de ce mandat restreint pour proposer un dispositif global d’assurance sociale qui assure une protection universelle sans conditions de ressources en cas de perte de revenus du travail.
C’est un régime contributif qui n’assure qu’un revenu de subsistance. Il est complété par un service de santé gratuit et des allocations familiales.
Sa mise en œuvre est conditionnée au maintien du plein emploi.
Jusqu’au milieu des années 1970, il existe un apparent consensus bipartisan sur la mise en œuvre du modèle beveridgien dans le cadre d’une politique keynésienne de plein emploi. Ce diagnostic global doit être nuancé.
Si les principes fondamentaux du modèle beveridgien ne sont pas ouvertement mis en cause, de multiples réformes partielles conduisent à s’en éloigner.
Les dix-huit années de gouvernements conservateurs (1979-1997) laissent présager une offensive radicale contre un Welfare State jugé coûteux, bureaucratique et inefficace. Divers facteurs font que son importance quantitative n’est pas réduite.
Au lieu du démantèlement attendu, s’opère une recomposition en particulier par le développement des prestations sous conditions de ressources aux dépens du principe contributif et par la multiplication de modalités de privatisation.
Le « New Labour » de Tony Blair (1997-2007), s’il accroît significativement les ressources du Welfare State, lui donne en même temps une nouvelle fonction : il doit accorder la priorité aux incitations, plus ou moins contraignantes, qui favorisent l’accès à l’emploi (Welfare to Work).
Il n’est plus seulement un outil de protection sociale. Il devient une composante de la politique active de l’emploi.
Après la crise financière, le retour durable des conservateurs au pouvoir (2010-2024) se traduit par une nouvelle stratégie de réforme structurelle inscrite dans une sévère politique d’austérité budgétaire. Une assistance ciblée sous conditions de ressources et sous conditions de comportement devient la forme principale d’intervention en direction de la population d’âge actif.
Dans une société où l’individualisme domine, où les priorités sont accordées à la compétitivité et à la flexibilité, le modèle de Beveridge ne semble avoir plus guère de raison d’être. Les systèmes de protection sociale ne disparaissent pas pour autant : leurs fonctions changent, donc leur composition et leur contenu, au service de nouvelles formes de régulation économique et sociale.
Le retour des travaillistes au pouvoir en 2024 provoquera-t-il une évolution en matière d’assurance sociale ? Quelles nouvelles formes de régulation économique et sociale en seront-elles issues ?
(1) L’Institut de recherches Économiques et Sociales (Ires) est une association au service des organisations syndicales représentatives des travailleurs. Sa fonction est de répondre aux besoins qu’elles expriment dans le domaine de la recherche économique et sociale.
L’Ires mène essentiellement deux types de travaux : des recherches et des analyses développées par son équipe pluridisciplinaire de chercheurs et des travaux de recherche propres à chaque organisation syndicale, regroupés au sein de l’agence d’objectifs.
Par son positionnement institutionnel et la nature des travaux de recherche qu’il conduit, l’Ires contribue à éclairer le débat social par des analyses et approches comparatives rigoureuses.
Il promeut une approche originale des relations entre la recherche et le monde syndical, sur des sujets qui appellent expertise, débat et controverse scientifique. C’est un lieu de recherche, d’expertise sur le monde syndical et pour le monde syndical, engagé dans des activités internationales et européennes, qui contribue à la reconnaissance de la place du travail et du monde syndical.
(2) En Europe, deux modèles de protection sociale des chômeurs existent : le modèle « bismarckien », conçu en Allemagne à la fin du XIXème siècle par le chancelier Otto von Bismarck et le modèle « beveridgien », conçu en Angleterre par l'économiste et homme politique William Beveridge à la fin de la seconde guerre mondiale.
https://www.vie-publique.fr/fiches/24113-systemes-bismarckien-et-beveridgien-detat-providence
(3) la note complète:
- Protection sociale parrainé par MNH