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03 / 06 / 2024 | 240 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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La Médiation de l’assurance connaît un « choc des saisines »

Arnaud Chneiweiss a été nommé Médiateur de l’Assurance pour un mandat de trois ans et agréé par la Commission d’évaluation et de contrôle de la Médiation de la consommation le 24 mars 2020. Il a été renouvelé dans ses fonctions en mars 2023.
 

C'est donc avec un certain recul qu'il a accepté de faire le point sur la place et le rôle  de cette institution et les évolutions constatées ces dernières années...C'est aujourd'hui une équipe de plus de 60 personnes qui participent au traitement administratif des saisines et à l’élaboration des propositions de solutions exprimées

 

 

Vous dîtes que la Médiation de l’assurance connaît un « choc des saisines ». Expliquez-nous.
 

AC : En ce printemps 2024, nous sommes sur un rythme de 34 000 saisines par an. Quand j’ai pris mes fonctions il y a quatre ans, c’était 15 000.Ajoutons à cela une nette progression du taux de recevabilité en 2023, si bien que nous avons eu 70 % de dossiers à traiter en plus par rapport à l’année précédente !

 

Comment expliquer une aussi forte progression ? Il y a sans doute une série de facteurs.
 

AC : Oui, j’en retiens cinq :
 

  1. Depuis 2019, pour les litiges inférieurs à 5000 euros, il faut d’abord tenter une médiation ou une conciliation avant d’aller en justice. Le but est de désengorger les tribunaux des affaires les plus « petites » – le ministère de la Justice réfléchirait d’ailleurs à accroître ce seuil à 10 000 euros. Tous les médiateurs ont vu en conséquence leur activité augmenter.
  2. D’autant plus que, comme pour tout médiateur de la consommation, nous saisir est gratuit pour l’assuré, et que nous sommes facilement accessibles par internet, canal qui représente, au début de l’année 2024, plus de 60 % de nos saisines ;
  3. Les assurés sont mieux informés de leurs droits.

 

De cela, on ne peut que se réjouir. Cela s’illustre comment ?
 

AC : Il y a eu l’entrée en vigueur, au 1er janvier 2023, d'une recommandation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) sur le traitement des réclamations. Désormais, les assureurs ont un délai réduit à deux mois pour répondre au mécontentement exprimé par écrit par leurs assurés ; et ils doivent, dès l’accusé de réception de la réclamation, rappeler les coordonnées de la Médiation de l’Assurance, afin que l’assuré puisse nous saisir, s’il le souhaite, à la suite de leur réponse.

Je considère que tous les assureurs n’ont pas pris la mesure de cette réforme. Certains ont renforcé leurs services de gestion et de réclamation, d’autres ne donnent pas cette impression. Trop de dossiers remontent à la Médiation de l’Assurance alors qu’ils auraient dû être traités plus tôt. Le fait que, dans 30 % des cas, lorsque nous sommes valablement saisis, les assureurs « rattrapent le dossier » en proposant rapidement, via notre intermédiaire, une transaction amiable montre que la gestion des sinistres et des réclamations est encore souvent perfectible.
 

Vous nous avez parlé de 5 causes. Nous en avons vu 3.
 

  1. Les difficultés de pouvoir d’achat : le choc de saisines que nous connaissons est avant tout concentré sur les assurances dommages (automobile, habitation, assurances affinitaires…), c’est-à-dire des assurances du quotidien.
  2. Enfin, chacun peut constater que la société française est malheureusement de plus en plus une société de défiance.
     


Cela se traduit comment pour vous ?
 

AC :De plus en plus d’assurés souhaitent que la parole de leur assureurs soit vérifiée par un tiers de confiance.

Et puis nous voyons la défiance. On peut commencer par celle envers les experts. Des progrès doivent avoir lieu sur les sujets suivants :

  1. Les conclusions de l’expert missionné par l’assureur doivent toujours être transmises à l’assuré. C’est une question de transparence
  2. Les assurés doivent être rassurés, d’une façon ou d’une autre, sur l’indépendance des experts vis-à-vis des assureurs qui les ont missionnés pour analyser les causes et l’ampleur d’un sinistre 
  3. Les délais d’intervention des experts devraient être encadrés. Il serait raisonnable que la désignation de l’expert, lorsqu’elle est nécessaire, ait lieu dans les quinze jours à compter de la déclaration de sinistre. Un délai raisonnable devrait également être fixé pour la conduite de l’expertise et la remise du rapport, par exemple trois mois à compter de la désignation, avec une possibilité de prolongation pour une nouvelle période de trois mois après information des parties 
  4. Enfin, il est souhaitable de renforcer les règles professionnelles et déontologiques entourant le métier d’expert, tout particulièrement dans le cas des experts d’assuré où nous savons qu’il existe des gens très compétents et d’autres qui s’improvisent « expert » au moment d’une catastrophe naturelle – en matière d’assurance habitation, aucune condition de diplôme ou d’expérience n’est exigée pour se proclamer « expert d’assuré ».
     

MS : Et on imagine que vous voyez aussi la défiance envers les assureurs ?
 

AC : Le volume sans précédent de saisines reçues par la Médiation de l’assurance montre que la défiance s’exprime envers l’assureur lui-même.

La Médiation de l’Assurance joue alors un rôle utile de tiers de confiance, par exemple en vérifiant si l’assureur a versé les capitaux décès aux bons destinataires, comme indiqué par la clause bénéficiaire – dont la compréhension est parfois ardue, selon la manière dont l’assuré s’est exprimé au moment de sa rédaction –, en vérifiant le calcul de l’indemnité versée ou en expliquant pourquoi le contrat d’assurance ne peut être mis en œuvre faute d’une garantie appropriée.
 

Quand la Médiation de l’Assurance va au bout de l’analyse d’un litige en exprimant une « proposition de solution », selon le vocabulaire utilisé par le Code de la consommation, c’est-à-dire en donnant notre position, nous allons dans le sens de l’assuré, en tout ou partie, dans environ 32 % des cas – 28 % en droit et 4 % en équité –, et confirmons donc que l’assureur a correctement appliqué le contrat dans 68 % des cas.


Si l’on ajoute les situations où, dès que LMA a été saisie, l’assureur a réagi en transmettant une proposition de règlement amiable, l’assuré a obtenu gain de cause dans 53 % des cas, en tout ou partie, lorsqu’il a saisi la Médiation de l’Assurance de son litige.


Renouer un lien de confiance fort avec les Français sur le fait que les contrats d’assurance sont clairs et bien appliqués doit bien sûr être une priorité du secteur, qui passe par la qualité du conseil lors de la souscription et tout au long de la vie du contrat, la clarté dans la rédaction du contrat et l’empathie dans les explications au moment du sinistre, ce qui suppose des services de gestion compétents, étoffés, ayant la capacité de prendre des décisions commerciales.

 

Pour plus de détails :

https://www.mediation-assurance.org/rapports-activite/

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