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10 / 03 / 2021 | 272 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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« Je ne voudrais pas d’un alignement de la protection sociale des agents par le bas » - Roland Berthilier, président de la MGEN

Entretien avec Roland Berthilier, président de la MGEN, dans le prolongement de la dernière assemblée générale extraordinaire sur la gouvernance et le chantier de la raison d'être pour renforcer la singularité mutualiste (...)

 

Vous venez de tenir votre assemblée générale extraordinaire. Quels dossiers ont été adoptés ?
 

Le premier est celui de notre gouvernance. Je l’avais relancé en 2018 et je me satisfais d’avoir mené ce chantier complexe. Il est très important car il agit à tous les niveaux de notre mutuelle pour gagner en agilité et en efficacité. Nos sections locales s’ouvrent encore plus à nos adhérents, en développant de nouvelles modalités d’engagement. Sur le plan national, ce chantier nous permet de mieux aligner nos conseils d’administration sur les attentes de solvabilité 2. Nous réduisons le nombre d’administrateurs et renforçons leur spécialisation sur nos métiers pour une montée en capacité sur les missions de contrôle notamment. Nous renforçons également le lien entre régions et conseil d'administration avec la création d’une instance représentative des territoires et de nouvelles modalités de désignation des administrateurs nationaux chargés de région.
Enfin, nous nous engageons pour une meilleure représentation de nos adhérents dans la composition de nos assemblées générales, notamment pour nous ouvrir au public qui nous a rejoints ces dernières années. La MGEN est aujourd’hui plurielle et notre assemblée générale doit l’être tout autant.

 
Le second grand dossier est celui de notre raison d’être. Notre mutuelle a toujours été une actrice de société. Cette pandémie l’a démontré et elle nous en a peut-être fait prendre plus conscience encore, en nous appuyant sur l’engagement de nos salariés et militants, et celui de nos établissements de soins. Dans une société en manque de repères et dans un environnement concurrentiel, nous pensons qu'il est important de savoir qui nous sommes et de rappeler notre ADN et notre singularité mutualiste pour mieux envisager l’avenir et ce que nous voulons être. Nous avons voulu réaffirmer l’utilité sociale qui a su nous porter depuis notre création. Nous avons donc entamé un processus collectif de réflexion pour la rédaction de notre raison d’être qui embarquera toute l’entreprise, ses 10 000 salariés et ses 3 000 élus et militants, représentant nos adhérents, dans l’objectif de la soumettre au vote en juillet prochain.
 

Ces assemblées générales extraordinaires ont également permis de renforcer nos solutions d’accompagnement et de services à nos adhérents, avec plusieurs modifications de notre règlement mutualiste. Nous y avons notamment intégré des réponses que nous avons eu l’occasion de déployer durant le premier confinement et qui ont fait leurs preuves, comme la téléconsultation.

 

La garantie du sport sur ordonnance a été interrompue avec la fin du partenariat avec la Mutuelle des sportifs. Qu’en est-il aujourd’hui ?
 

Seules les expérimentations qui étaient en cours ont été suspendues mais nous avons tout de suite cherché d’autres solutions pour porter cette garantie car nous croyons sincèrement en sa nécessité. Pour cette raison, la MGEN et le groupe VYV sont engagés dans ce champ et dans la promotion des activités physiques adaptées depuis déjà plusieurs années. Nos assemblées générales extraordinaires viennent par ailleurs d’ouvrir les garanties du sport sur ordonnance à tous les adhérents atteints d’affections de longue durée depuis moins de trois ans.

 

Cette garantie proposera l’inscription de nos adhérents dans une structure sportive mais nous irons plus loin que le seul remboursement. Nous voulons accompagner nos adhérents en considérant le sport comme partie intégrante de leur parcours de soin. Un bilan motivationnel et physique sera établi pour définir un plan d’activité physique adapté avant d’orienter l’adhérent vers la structure adéquate la plus proche. Des professionnels, infirmiers, diététiciens et enseignants d’activité physique adaptée pourront ensuite effectuer un suivi global, incluant notamment des séances de coaching.

 

Quel est votre avis sur la réforme de la protection sociale complémentaire des fonctionnaires ?
 

Je me réjouis que le gouvernement assume enfin de significativement faire contribuer les employeurs publics à la complémentaire de santé de leurs agents. C’est une question d’équité avec les salariés du secteur privé. Toutefois, la proposition du gouvernement s'oriente pour l'heure surtout sur la santé (du moins pour les agents de l’État) et nettement moins sur la prévoyance. La prévention, la dépendance et l’action sociale (qui font par ailleurs la complémentarité du modèle MGEN) n’ont également pas ou très peu de place dans l’ordonnance parue le 18 février.
 

L’ANI, qui a rendu la contribution obligatoire de l’employeur privé obligatoire, poursuivait lui aussi des objectifs nécessaires : l’amélioration de la couverture de santé des Français. Je crains que la réforme actuelle ne reproduise les biais de l’ANI dans la fonction publique. Je ne voudrais pas d’un alignement de la protection sociale des agents par le bas.


Les retraités sont de nouveau les oubliés, ce qui est particulièrement inquiétant, notamment pour les mutuelles couvrant plus de 80 % des retraités dans la fonction publique d’État. À la MGEN, nous comptons presque un actif pour un retraité. L’augmentation du pouvoir d’achat des actifs sera donc un trompe-l’œil car en plus de creuser les écarts entre actifs et retraités, c’est bien à l’échelle d’une vie que l’on protège sa santé. Nous avons toujours défendu cette solidarité intergénérationnelle dans la mutualité.


Le risque existe également pour les bas salaires pour qui nous assurons une protection par ces mêmes mécanismes de solidarité. À la MGEN, chacun cotise en effet selon ses moyens, pour être protégé selon ses besoins. Si demain le risque est individualisé, ils seront eux aussi perdants.


Dernier point d’attention, le niveau de garantie. Je crains que cette réforme ne soit un risque de diminution notable du niveau de couverture, à travers la fixation d’un socle qui nivellerait par le bas. Dans ce cas, beaucoup d’agents devraient recourir à une surcomplémentaire, payée de leur poche cette fois.
 

L’ordonnance principielle n’est cependant qu’un cadre général. Des négociations auront lieu par versants, puis par employeurs ; donc beaucoup de choses restent à construire. La MGEN travaille notamment depuis des années à la prévention en santé et à l’accompagnement psychologique des agents publics. Nous comptons bien continuer de mettre cette expérience à leur service.
 
 

Vous avez signé un partenariat avec le Ministère de l’Éducation nationale sur la médecine de prévention. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Cela contribue en effet à ce que j’évoquais à l’instant. Ce partenariat s’inscrit dans la continuité des actions co-construites depuis plus de vingt ans avec le ministère en prévention et accompagnement individuel et collectif du personnel. Il vise à répondre à des besoins du personnel de l’Éducation nationale, certains notamment apparus depuis le premier confinement lié au covid-19. Ce partenariat se décline en trois volets d’action : téléconsultation médicale, offre de soins en santé mentale et expérimentations de type médecine de prévention pour le personnel.
 
 
Nous sommes fiers de ce partenariat car il incarne à la fois l’esprit d’innovation mutualiste et sa modernité en répondant à des besoins nouveaux et il nous permet de renouer des liens forts avec nos partenaires historiques de l’Éducation nationale qui ont su retrouver en nous un véritable partenaire, au-delà d’un simple prestataire.
 

 

UFC-Que-Choisir a dénoncé l’augmentation des cotisations des mutuelles. Qu’en pense la MGEN ?
 

L’étude de l’UFC pose de sérieuses questions méthodologiques. Réalisée sur un nombre beaucoup plus important d’adhérents, l'étude de la mutualité nous indique des chiffres bien différents. Je crains qu'elle ne vise davantage le sensationnalisme que le reflet d’une réalité et, malheureusement, il y a toujours des gens pour y faire écho. Si l'on oublie cet « effet de pub », voici ce que je peux vous dire concernant la MGEN.
 

D’abord, la MGEN a décidé de ne pas répercuter la contribution exceptionnelle de covid-19 sur ses adhérents. Par ailleurs, une mutuelle n’a pas d’actionnaires à rémunérer ; la taxer, c’est donc taxer ses adhérents. Cette taxe décidée par le gouvernement représente 82,5 millions d'euros pour la MGEN. Cette somme ne sera donc pas reversée sous forme de prestations ou d’accompagnement à nos adhérents.

 
Second point mis en avant par l’UFC, la répercussion du « 100 % santé ». Les mutuelles se sont engagées à ne pas répercuter cette réforme et, à la MGEN, nous nous y sommes tenus. Je dirais même que cela n’aurait pas eu beaucoup de sens. Le reste à charge 0 étant une invention mutualiste, nous la pratiquons depuis longtemps.

 
Sur les chiffres maintenant : le conseil d’administration a pris un engagement fort pour soutenir nos adhérents dans cette période difficile, en faisant le choix d’une sous-indexation significative de la cotisation par rapport à l’évolution annuelle des coûts de santé fixée par l’ONDAM. À âge et à un salaire fixe, la MGEN a choisi de ne pas imposer la pleine répercussion de l’augmentation annuelle des coûts de santé en France à ses adhérents en 2021. C’est également cela que je retiens pour nos adhérents cette année.

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