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20 / 10 / 2020 | 104 vues
Jean François Draperi / Membre
Articles : 10
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De l’entrepreneuriat à la coopération et au développement : un défi

Le numéro d'octobre de la RECMA (*) paraît dans le contexte de sociétés touchées par la pandémie de covid-19 et sont marquées par l’incertitude.
 

La durée de cette incertitude, qui se décline dans tous les domaines de la vie économique et sociale, est elle-même incertaine. Cependant, quelques tendances lourdes ne semblent devoir être que marginalement affectées. Parmi celles-ci, le mouvement social de l’économie sociale et solidaire (ESS) poursuit son développement multiforme, qui s’exprime, entre autres, à travers la multiplication des solidarités (souvent dans le cadre associatif), un essor économique coopératif dynamique au sein du territoire, un entrepreneuriat social désormais bien soutenu par des fonds d’investissement ou encore une action sanitaire et sociale renouvelée dans les associations et les mutuelles.


Ces axes de développement ne sont pas tous reconnus de manière identique par les puissances publiques. À l’échelle locale et de façon croissante, les collectivités territoriales appréhendent l’intérêt de l’ESS pour porter le développement de leurs territoires : entre autres indicateurs, on peut noter leur adhésion aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) ou l’engagement dans la co-construction des politiques publiques tel que le soutient le Réseau des collectivités territoriales pour une économie solidaire (RTES).

 

Des interlocuteurs issus d’un cercle restreint


L’exécutif national, lui, semble n’avoir d’yeux que pour l’entrepreneuriat social : poursuivant la politique de mise en concurrence des associations avec les entreprises sociales, le gouvernement promeut les contrats à effet social, qui ont déjà suscité tant de critiques de la part du mouvement associatif, dont l’UNIOPSS (1) dès 2016.
 

Les désignations des interlocuteurs de l’ESS confirment cette orientation : nommé haut-commissaire à l’ESS il y a trois ans, le directeur de la Sauvegarde du Nord, Christophe Itier, est également un ancien auditeur du cabinet Deloitte et président du Mouvement des entrepreneurs sociaux (MOUVES). Nommée le 15 juillet dernier secrétaire d’État en charge de l’ESS, Olivia Grégoire a eu un parcours professionnel dans de grandes entreprises et a fondé un cabinet de conseil en stratégie d’entreprise à destination des PME et des start-ups, après des études à Sciences Po et à l’ESSEC (cursus marketing).
 

Le nouveau conseiller spécial en charge de l’économie sociale et solidaire à la Commission européenne, également désigné en juillet, est Nicolas Hazard. Ayant fait ses études à HEC, il est le président-fondateur d’Inco, une société d’investissement soutenant les start-ups et les entreprises à effet social et environnemental en capital risque. Parallèlement, Jean-Marc Borello, PDG du groupe SOS et conseiller du Président de la République, a été nommé délégué général adjoint de La république en marche (LREM), le 22 septembre.


Figure historique de l’économie sociale et solidaire et président du labo de l’ESS, Hugues Sibille a été élu président de la commission Europe du Conseil supérieur de l’ESS (CSESS). L’ancien délégué interministériel est l’un de ceux qui ont facilité l’intégration de l’entrepreneuriat social dans l’ESS, sachant convaincre du fait que les principes de l’économie sociale historique et ceux de ce nouvel entrepreneuriat pouvaient se conjuguer et s’hybrider. Entre autres qualités, son élection prend le sens d’une potentielle interface (et, si besoin, d’une médiation) entre un pouvoir exécutif soutenant sans ambiguïté l’entrepreneuriat social et une ESS infiniment plus vaste et complexe.


Il n’empêche : ces personnalités, anciens membres ou partenaires de grands cabinets de consultants tels que le Boston Consulting Group, Deloitte ou KPMG et de grandes fondations comme Ashoka ou la French American Foundation, forment, au regard de la diversité de l’ESS, un groupe très resserré.

 

La coopération, un horizon qui dépasse l’entreprise


Les articles qui composent ce dernier numéro de la RECMA portent essentiellement sur la coopération et sur les coopératives qui, dès lors que l’on considère l’économie sociale et solidaire non à l’échelle de la France mais à celle du monde, en constituent la forme privilégiée.
 

Qu’elles les analysent sous un angle géographique ou sous socio-historique, ces contributions mettent en évidence les capacités des coopératives à s’enraciner sur des territoires aux caractéristiques socio-économiques différenciées, comme le montrent Amélie Artis, Benjamin Roger et Damien Rousselière, et à s’adapter aux évolutions macroéconomiques, ainsi que l’étudient Catherine Bodet et Thomas Lamarche pour les coopératives de travail, et Bertrand Valiorgue, Émilie Bourlier-Bargues et Xavier Hollandts pour les coopératives agricoles.


Ces transformations peuvent aller jusqu’à mettre leur identité en péril, ainsi que l’analyse Saâdeddine Igamane à propos de coopératives marocaines. Yannick Lung et Matthieu Montalban offrent une analyse très fine de la résilience de l’écosystème des monnaies locales en France face à la transition numérique. Cette résilience est à l’actif d’un écosystème qui « a limité les risques d’une marchandisation en marginalisant les stratégies opportunistes de certains acteurs exogènes et en favorisant la coopération entre solutions technologiques développées par les monnaies locales elles-mêmes ». Les auteurs restent prudents : ces choix sont fragiles et demandent à être confirmés.


Dans son article « Socio-métabolisme du capital et agriculture cubaine de 1960 au début des années 1990 », Ingrid Hanon invite à une relecture critique du contrôle étatique de l’économie agricole, à l’aune de la pensée d’un théoricien peu connu, István Mészáros. Son analyse réhabilite une agriculture familiale et coopérative avant tout tournée vers la production locale : une pensée très actuelle. L’ensemble de ces articles témoigne de la pertinence singulière de la coopération. Il nous invite à mettre en œuvre et étudier celle-ci non seulement au sein de l’entreprise ou du groupement de personnes mais également à l’échelon du territoire ou du milieu de vie, au service d’un développement global en l’absence duquel toute entreprise risque de perdre son sens.

 

(*) Au sommaire: http://recma.org/sommaire/sommaire-du-numero-358-de-la-recma

(1) Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux.

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