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Bonus-malus : contre l’avis de l’Europe, la renaissance de l’« entrepreneur-bashing »
Le 18 juin 2019, le gouvernement a publié « les 12 mesures pour aider chacun à retrouver un emploi stable ». Parmi ces mesures figure une disposition qui, selon le gouvernement, ferait que « les entreprises seront financièrement incitées à proposer davantage de CDI et à rallonger la durée des CDD ». Dans les sept secteurs d’activité concernés figure la « fabrication de produits en caoutchouc et en plastique et d’autres produits non métalliques ».
L’Alliance plasturgie et composites du futur Plastalliance demande tout d’abord à ce que soit rendue publique la méthode ayant permis d’intégrer ou d’exclure un champ d’activité dans les secteurs concernés par cette nouvelle taxation des entreprises, notamment industrielles (plus de la moitié des sept secteurs).
Plastalliance alerte également sur le fait que le nombre de gens inscrits à Pôle Emploi (et pas seulement les fins de CDD ou les fins de mission d’intérim) sera pris en compte.
De manière stupéfiante, les licenciements et/ou ruptures conventionnelles seront également pris en compte pour vérifier si le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle Emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif.
Il est en effet indiqué en page 15 du dossier de presse
« Le bonus-malus fonctionnera de la manière suivante : plus le nombre de salariés qui s’inscrivent à Pôle Emploi après avoir travaillé pour une entreprise est important par rapport à son effectif, plus une entreprise paiera de cotisations patronales à l’assurance chômage. À l’inverse, plus une entreprise fera d’efforts pour réduire le nombre de personnes qui s’inscrivent à Pôle emploi (moins de fins de CDD, de fins de mission d’intérim, de licenciements, de ruptures conventionnelle…), moins elle paiera de cotisations ».
Quid d’ailleurs des ruptures en période d’essai qui, dans certains cas, ouvrent le droit aux indemnités de Pôle Emploi ? La liste des cas semble en effet non limitative dans cet extrait.
Les entreprises risquent ainsi de payer entre 3 et 5 % de leur masse salariale. Cette mesure gouvernementale qui part d’une bonne intention est une véritable atteinte à la liberté d’embaucher ou de ne pas embaucher, de licencier ou de ne pas licencier.
Quid d’une entreprise en difficulté économique avérée et qui devra licencier un certain de nombre de salariés pour sauver la société et les emplois restants ? C’est la double peine à la clef.
Quid d’une entreprise qui, face à une faute grave ou lourde réelle d’un salarié, à son insuffisance professionnelle avérée ou à une inaptitude sans reclassement possible voire avec un reclassement refusé par le salarié, va devoir vérifier si ce ou ces licenciements, même licites, ne vont pas lourdement la pénaliser ?
- Dans les cas de licenciements non justifiés, rappelons que l'article L 1235-4 du Code du travail prévoit déjà que le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou une partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.
Le début de la fin de la rupture conventionnelle
La mesure signe également le début de la fin de la rupture conventionnelle qui dans beaucoup de cas est une demande du salarié pour pouvoir notamment quitter l’entreprise dans des conditions plus avantageuses et qui, à l’avenir, va devoir se résoudre à démissionner.
Alors que le Conseil de l’Union européenne concernant le programme national de réforme de la France pour 2019 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2019 a recommandé que, d’une part, la France s’attache « à mettre pleinement en œuvre les mesures visant à stimuler la croissance des entreprises » et « à favoriser l’intégration de tous les demandeurs d’emploi sur le marché du travail », l’Alliance plasturgie et composites du futur Plastalliance constate que le bonus-malus, dont notamment la plasturgie va être l'une des victimes, va d’une part gravement affecter le fonctionnement et la gestion des RH des entreprises tout en dissuadant ces dernières de proposer certains emplois à des chômeurs de longue durée, par exemple. D’autre part, cette mesure anti-compétitivité va de nouveau créer un effet de seuil. Si Plastalliance se réjouit pleinement du fait que les entreprises jusqu’à 11 salariés ne seront pas concernées, elle se désole de constater que la croissance et le développement (notamment en effectifs des entreprises) soient de nouveau pénalisés et dissuadés.