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17 / 11 / 2022 | 210 vues
Dominique Dorgueil / Membre
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Aubaine ou calamité : à qui profite vraiment le télétravail ?

Certains se sont félicités de la montée en charge spectaculaire du télétravail durant les confinements, allant même jusqu’à affirmer que la pandémie avait permis de gagner 4 ans de numérisation. Mais tout est-il bon à prendre ?

 

Les organisations syndicales ont pointé le caractère potentiellement délétère de cette évolution.


Une des conséquences négatives du télétravail à outrance a été d’affaiblir une partie de nos liens sociaux, l’entreprise étant un lieu de socialisation des individus.


Ce lien est gravement distendu par la plateformisation et la mise en place d’une forme d’organisation digitale du travail.


Là où il est instauré, dans les entreprises ou les services où sa mise en place est possible, le télétravail représente pour les syndicats un risque de perdre le contact avec leurs adhérents, avec les salariés.


Rappelons-le, notre valeur ajoutée c’est l’humain, c’est la proximité et la réactivité !


Ceux qui ont salué le « succès » du télétravail ont opportunément oublié le fait que la classique organisation hiérarchique verticale, dans laquelle le rôle des agents de maîtrise était prédominant, a cédé la place durant de nombreux mois à une organisation alternative basée sur la notion de confiance et de responsabilisation des salariés.

 

12 à 22% de gain de productivité grâce à la réduction de l’absentéisme et des retards liés aux transports.Où est l’argent ?


Reprendre d’une main ce qui est concédé de l’autre

 

Sujet aux conséquences nombreuses, et potentiellement délétères pour les organisations syndicales, le télétravail est monté en charge de façon spectaculaire durant les confinements, ce dont certains se sont félicités, allant même jusqu’à affirmer que la pandémie avait permis de gagner 4 ans de numérisation. Une des conséquences négatives du télétravail à outrance a été d’affaiblir une partie de nos liens sociaux, l’entreprise étant un lieu de socialisation des individus. Ce lien est gravement distendu par la plateformisation et la mise en place d’une forme d’organisation digitale du travail.
 

Là où il est instauré, dans les entreprises ou les services où sa mise en place est possible, le télétravail est un risque pour les syndicats de perdre le contact avec leurs adhérents, avec les salariés... Rappelons-le, notre valeur ajoutée c’est l’humain, c’est la proximité et la réactivité ! Ceux qui ont salué le « succès » du télétravail ont opportunément oublié le fait que la classique organisation hiérarchique verticale, dans laquelle le rôle des agents de maîtrise était prédominant, a cédé la place durant de nombreux mois à une organisation alternative basée sur la notion de confiance et de responsabilisation des salariés.


Parallèlement, les salariés qui avaient bien voulu intégrer, dès les premiers instants leur précisant non seulement la nature des tâches à réaliser, mais aussi la manière de les réaliser, et de rendre compte de leur productivité.


Est-il encore possible de nier que le décrochage entre le travail prescrit et les situations vécues accentue et fait perdurer la peur de la déqualification ainsi que l’impossibilité de se singulariser ? Voilà qui modifie en profondeur la nature des tâches réalisées, mais aussi leur qualité et, in fine, leur sens.


Mais la nature a horreur du vide, et les DRH détestent perdre leur ascendant sur les salariés et sur l’encadrement. Aussi les logiciels traceurs, les nouvelles méthodes de contrôle, les points de productivité et les badgeages sont revenus par la petite porte afin de rappeler à chacun qui était le chef.

 

Parallèlement à cette reprise en main, des chefs d’entreprise ont rétropédalé sur le sujet du télétravail et redécouvrent l’efficacité de ce qu’on appelle désormais le travail en présentiel. On peut le souligner, et même s’en réjouir, pour les raisons que je viens de lister.


Déport des dépenses d’énergie sur les salariés


Autre conséquence forte de ce télétravail, le déport du coût de l’énergie sur les salariés, lequel déport prend dernièrement des proportions dramatiques au vu de l’augmentation du coût de l’énergie.


Un(e) salarié(e) en télétravail s’expose, en effet, à voir augmenter de manière difficilement supportable les frais d’électricité et de chauffage, mais aussi d’abonnement internet et d’achat de fournitures de bureau (imprimante, encre). L’ANI (1) du 11 novembre 2020, étendu le 13 avril 2021, prévoit qu’il appartient à l’entreprise de prendre en charge les dépenses liées à la poursuite de l’activité professionnelle à domicile.


L’ANI, dans les faits, est resté d’une grande  pudeur quant aux modalités de prise en charge et de compensation, ainsi que sur la fiscalité applicable aux sommes versées à ce titre, laissant le soin aux IRP (2) de négocier au cas par cas dans les entreprises concernées.


C’est aussi la santé qui trinque


Parlons enfin des répercussions possibles sur la santé. Faute de moyens techniques adaptés, et à cause d’une inégalité de fait liée aux situations personnelles (locataire ou propriétaire, « 2 pièces cuisine » ou bureau dédié), la santé physique peut être fortement impactée.

La sédentarité est aggravée par la charge de travail (de nombreux témoignages font état d’une tendance à prendre moins de pauses, à se déplacer un minimum).

Voilà autant de thématiques à intégrer au plus vite dans les DUERP (3)! Les inégalités hommes/ femmes sont également à prendre en considération ; il est par ailleurs évident qu’on ne garde pas son enfant à domicile tout en travaillant.


Pour finir, l’eldorado annoncé s’est, sans surprise, transformé en opportunité pour de nombreuses entreprises, et ce que nous appelons télétravail n’est pour l’heure, et dans bien des cas, qu’une alternative encore fortement dérégulée à une activité professionnelle normale.

 

De nouveaux droits sont donc à modéliser et à négocier urgemment pour que l’information entre les salariés, les instances représentatives et les syndicats puisse circuler sans entrave ni modération.

 

1). Un Accord national interprofessionnel (ANI) est un accord négocié et signé par les différents interlocuteurs sociaux au niveau national et qui s’applique à l’ensemble des secteurs d’activités sur le territoire national.
2). Les Instances représentatives du personnel sont l’ensemble des fonctions de représentation du personnel définies dans le droit français.
3). Le Document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) est un document unique  d’évaluation des risques professionnels.
Il présente dans un seul document obligatoire pour toute entreprise de plus d’un salarié, l’ensemble des risques professionnels auxquels sont exposés les salariés. 

 

La prise en charge des frais professionnels


« Le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail. A ce titre, il appartient ainsi à l’entreprise de prendre en charge les dépenses qui sont engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur. Le choix des modalités de prise en charge éventuelle des frais professionnels peut être, le cas échéant, un sujet de dialogue social au sein de l’entreprise. L’allocation forfaitaire versée, le cas échéant, par l’employeur pour rembourser ce dernier est réputée utilisée conformément à son objet et exonérée de cotisations et contributions sociales dans la limite des seuils prévus par la loi. »


cf: Accord national interprofessionnel du 11 novembre 2020, étendu le 13 avril 2021.

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