" Aide à domicile....un métier en souffrance...sortir de l'impasse " c'est le titre d'un livre témoignage co-écrit par  Emmanuelle Puissant, François-Xavier Devetter, Annie Dussuet (*) ,  récemment publié aux éditions de l'Atelier.

Essentielle dans notre société vieillissante, l’aide à domicile est un secteur en souffrance. Temps partiel généralisé, pénibilités physiques et psycho-sociales, accidents du travail nombreux, salaires bas et faible reconnaissance sociale... malgré des changements majeurs depuis vingt ans, les conditions de travail et d’emploi peinent à s’améliorer si bien que les employeurs ont du mal à recruter, alors même que les besoins sont énormes et en croissance constante.

Ce métier qui exige pourtant qualification et expérience reste considéré comme un débouché privilégié pour des personnes non qualifiées, avec des conséquences dramatiques pour tout le monde.

Pourtant, des progrès pour le fonctionnement du secteur ont été enregistrés au début des années 2000 : développement des financements, structuration progressive d’une branche de l’aide à domicile, création de nouveaux diplômes, revalorisations salariales (certes très modérées), etc.

Qu’est-ce qui explique que ce métier soit tellement malmené ?

L’objectif de cet ouvrage est de comprendre les blocages qui empêchent ce secteur, qui emploie plus de 600 000 salarié.es, essentiellement des femmes, de sortir de cette situation préoccupante. Il montre qu’il existe, de la part des employeurs et de pouvoirs publics, des incohérences, et notamment une stratégie latente de maintien de ces emplois dans la non-qualification.
 

Des motifs d’espoir existent malgré tout : la prise de conscience de l’insoutenabilité de la situation des salariées s’impose pour de nombreux employeurs, notamment publics et associatifs. Cette analyse approfondie d’un secteur crucial dessine ainsi des pistes qui permettraient de changer radicalement la donne.

Au Sommaire

Chapitre 1. Des évolutions majeures mais des défis qui perdurent

1. Depuis 20 ans, le secteur a connu de profonds bouleversements

Des effectifs qui ont quadruplé
Des branches qui se sont créées ou structurées
Des métiers et des structures qui se sont « professionnalisés »
Des financements qui se sont développés

2. Bas salaires et pauvreté

Un rattrapage salarial très (trop) partiel
Des sous-rémunérations liées à un « temps partiel » généralisé
Des emplois du temps complexes
Un temps de travail fragmenté

3. Pénibilités multiples et sinistralité élevée

Une sinistralité élevée liée à des conditions de travail difficiles
Des ressources individuelles et organisationnelles trop limitées
Un emploi difficilement soutenable toute une carrière

4. Manque de reconnaissance

Un métier qui reste difficile à définir ?
La crise sanitaire comme révélateur
Une fonction sociale toujours ambiguë
Le « prendre soin » au cœur de l’identité professionnelle

Chapitre 2. Pourquoi la valeur du travail n’est toujours pas reconnue ?

1 Naturalisation des « compétences féminines »
Des qualifications reconnues tardivement et partiellement
Des pratiques qui renforcent l’idée de « compétences féminines » non professionnelles

2. La pénibilité, une question « hors sujet » dans l’aide à domicile ?

Des politiques de tarification qui accentuent les pénibilités
Des modes d’organisation du travail qui contribuent à l’invisibilisation des pénibilités

Chapitre 3. Pourquoi les salaires n’augmentent- ils pas quand on parle tant de pénurie de main
d’œuvre ?

1. Exploiter de nouveaux gisements de main d’œuvre

Mettre au travail de nouvelles catégories comme les « mères de famille »
« Importer de la main d’œuvre » : parier sur les immigrées
Des dispositifs multiples « d’appariement » : mandataires, agences et plateformes

2. Rendre acceptables des salaires partiels

Compenser les bas salaires par l’argent public
Cibler des salariées au faible pouvoir de négociation face aux employeurs

Chapitre 4. Pourquoi le nombre ne fait-il pas la force ?

1. La concurrence entre employeurs

Au moins cinq situations d’emploi en concurrence...
Des politiques publiques de mise en marché
Des organisations en concurrence au détriment des conditions de travail et d’emploi
L’emploi direct, un choix politique qui précarise fortement le secteur

2. Mise en concurrence des salariées et affaiblissement des collectifs de travail

Concurrence entre les métiers et politiques publiques
Concurrence entre les salariées et organisation du travail (avant et après l’avenant 43)
Affaiblissement des collectifs de travail

Chapitre 5. Comment soutenir la transformation de l’aide à domicile ?

Réaffirmer l’ancrage dans le champ médico- social
Reconnaître que les pouvoirs publics financent... un service public.
Compter tous les temps de travail
Penser la soutenabilité du métier
Renforcer la dimension collective du travail

Un ouvrage à lire et faire lire qui tombe à point nommé à la veille d’annonces gouvernementales sur le bien vieillir, qui ne se traduiront sans doute pas par la grande loi tant attendue, notamment sur la mise en place de financements pérennes, et que les constats et propositions qu’il contient pourraient contribuer à la prise de conscience collective que les annonces ne remplaceront jamais les actes !

(*) François-Xavier Devetter est enseignant-chercheur en économie à l’université de Lille, spécialiste de l’emploi dans les services, et particulièrement de l’aide à domicile. Il a notamment publié Deux millions de travailleurs et des poussières (avec J. Valentin, Les Petits Matins, 2021) et Les Services à la personne (avec F. Jany-Catrice et T. Ribault, La Découverte, « Repères », 2015).

Annie Dussuet est enseignante-chercheuse en sociologie à l’université de Nantes, spécialiste de l’emploi féminin dans les services associatifs et des transformations du travail auprès des personnes âgées. Elle est l’autrice de Travaux de femmes (L’Harmattan, 2005) et a dirigé l’ouvrage collectif Vers l’égalité femmes-hommes au travail (Presses universitaires de Rennes, 2021).

Emmanuelle Puissant est enseignante-chercheuse en économie à l’université Grenoble Alpes, spécialiste de l’emploi associatif, et en particulier de l’aide à domicile. Elle est l’autrice de Économie politique des associations (avec A. Le Roy, F.-X. Devetter, et S. Vatan, De Boeck, 2019).