Organisations
N’avons-nous pas assez attendu pour entrer dans la formation tout au long de la vie ?
Dans la symbolique des chiffres, le 9 serait le signe de la germination. Il représenterait la fin d’un cycle (le dernier chiffre décimal) et le début d’un nouveau avec le cycle de 2 chiffres de la première dizaine.
Le DIF vient d'avoir 9 ans. Le 4 mai 2004 exactement. Dans un autre temps, le législateur a décidé qu’à l’instar des congés payés, les travailleurs français devaient pouvoir bénéficier d’une droit universel, égalitaire (20 heures par an) et accessible à la formation, le DIF.
Il s’agissait entre autres de se mettre en conformité avec nos engagements pris en mars 2000, lors du sommet de Lisbonne.
La communauté européenne s'est alors dotée d’un nouvel horizon : suite à la reconstruction d’après-guerre, puis la quête de confort et de consommation de la fin du siècle, il s’agissait désormais de bâtir une Europe de l’innovation et de la connaissance. Une Europe qui devait répondre à plusieurs défis.
Le problème ne vient donc pas de l’Europe mais bien de la mise en œuvre par les pays des décisions communes des 15 membres de l’Union européenne.
Après mars 2000, la France (qui aime tant légiférer) a entrepris une longue discussion sociale (négociations de l’ANI qui se sont achevées pas un accord unanime en septembre 2003) débouchant sur cette fameuse loi de mai 2004, la loi pour la formation tout au long de la vie.
Pour symboliser cette entrée des travailleurs dans l’économie des savoirs et de l’information les partenaires sociaux ont inventé un droit inédit et révolutionnaire à plus d’un titre, le droit individuel à la formation.
Il s’agissait de prendre acte que dans la nouvelle économie qui se dessine, la formation et l’éducation deviendraient le principal avantage compétitif pour un pays que, plus que jamais, la formation devait se développer tout au long de la vie tandis que le modèle industriel de capitalisation des savoirs durant la seule jeunesse perdait de sa pertinence.
Cette invention du DIF (officiellement né de la loi du 4 mai 2004) devait symboliser l’acte II de la formation professionnelle moderne en France (l’acte I ayant été posé par Jacques Delors et Jacques Chaban-Delmas en 1971 avec le prélèvement de 1 % pour la formation ainsi que l’obligation pour les entreprises de se doter d’un plan de formation).
Le DIF est donc né sous les meilleurs auspices avec des partenaires sociaux et une représentation nationale unanimes pour le prôner, des branches professionnelles volontaires (ou peut être velléitaires) et des entreprises qui ont promis que, cette fois, la formation deviendrait vraiment universelle et accessible (comme un ticket-restaurant ou les congés payés), réalisable quelle que soit la position hiérarchique et sociale des salariés (notons que les non-salariés étaient encore ignorés par la loi).
Rien ne s'est malheureusement produit comme prévu (ou peut-être les choses ont-elles pris le tour que leur prédisaient quelques cyniques ou bons connaisseurs du social en France ?).
Alors que nous avons brossé ce petit tableau du DIF (dont le taux de réalisation annuelle oscille au mieux à 8 % de réalisation dans les entreprises les plus entreprenantes et socialement avancées), tentons de réfléchir à ce qui s’est passé depuis les 13 années qui nous séparent de l’an 2000 (et de ce fameux sommet de Lisbonne).
Pourquoi reculons-nous dans le domaine économique et social depuis 2000 ?
Quelques rappels
Parmi toutes les explications à ce décrochage de la France (par rapport à la Chine ou aux États-Unis mais aussi par rapport à nos proches voisins, à commencer par l’Allemagne), il y a :
En 1996, Jacques Delors a publié un livre blanc sur l’éducation dont le sous-titre (emprunté à La Fontaine) était « l’éducation est un trésor ». Quinze ans plus tard, les français n’ont pas encore tous compris que sans de très importants efforts éducatifs (il est inadmissible qu’une majorité de travailleurs ne parlent pas anglais par exemple, alors que chez tous nos partenaires européens parler anglais est une évidence), notre déclassement économique ne pourra que s’accélérer.
Nous avons beau chercher dans tous les sens des solutions extérieures à nos problèmes économiques et sociaux, rien n’y fera si les Français ne comprennent pas (et n’en tirent pas toutes les conclusions éducatives) que dans la société de la connaissance et de l’information, les individus qui n’apprennent pas, les organisations qui n’innovent pas, les pays qui n’avancent pas, tous ceux-là risquent un déclassement durable et irréversible.
Relancer l’économie ne se fera pas à coups de grands travaux (on refait la façade) mais par une reconstruction totale et sans délai de toutes nos institutions éducatives. Ce n’est pas d’un coup de barbouille dont a besoin l’éducation en France mais d’un total changement de paradigme.
Pour le monde du travail, par exemple, c’est par une forte élévation du niveau éducatif de la grande masse des travailleurs que nous pourrons imaginer les produits et services du futur et nous insérer sans dommage dans la société de la connaissance.
Au temps industriels des XIX et XXèmes siècles, quand les entreprises étaient organisées comme l’armée (romaine), il était sans doute nécessaire de dégager une élite via les grandes écoles. Aujourd’hui, ce n’est plus de généraux super formés que nous avons besoin mais de troupes parfaitement entraînées à faire fonctionner leur cerveau, qui pourront changer s’adapter, apprendre et reprendre sans cesse le chemin des apprentissages.
Le futurologue américain Alvin Toffler (dans son ouvrage La troisième vague) écrit que « l’illettré du futur ne sera pas celui qui ne sait pas lire, ce sera celui qui ne sait pas apprendre ».
Dans un pays qui compte encore près de 3 millions d’illettrés (dont 50 % travaillent), comment, quoi et avec qui pourrons-nous apprendre ?
Le DIF vient d'avoir 9 ans. Le 4 mai 2004 exactement. Dans un autre temps, le législateur a décidé qu’à l’instar des congés payés, les travailleurs français devaient pouvoir bénéficier d’une droit universel, égalitaire (20 heures par an) et accessible à la formation, le DIF.
Il s’agissait entre autres de se mettre en conformité avec nos engagements pris en mars 2000, lors du sommet de Lisbonne.
La communauté européenne s'est alors dotée d’un nouvel horizon : suite à la reconstruction d’après-guerre, puis la quête de confort et de consommation de la fin du siècle, il s’agissait désormais de bâtir une Europe de l’innovation et de la connaissance. Une Europe qui devait répondre à plusieurs défis.
- Un défi technologique : le TIC et internet devaient permettre la naissance d’une « société de l'information accessible à tous, sans distinction de catégorie sociale, de race, de religion ou de sexe. Cette économie numérique, qui permet d'améliorer la qualité de vie, serait un facteur de meilleure compétitivité et de création d'emplois. »
- Le développement d’un modèle de société fondée sur la connaissance : il fallait veiller à ce que « cette transition économique et sociale (aussi rapide qu'elle soit) ne laisse aucune catégorie de citoyens de côté et que les fruits de la croissance qui en découlent soient partagés équitablement ».
- L’amélioration de la compétitivité en Europe : « pour devenir la zone économique la plus compétitive au monde, il était nécessaire, en plus d'améliorer les conditions de recherche, d'instaurer un climat favorable à l'esprit d'entreprise, grâce notamment à la réduction des frais liés à la bureaucratie ».
- L’intégration des marchés financiers et une coordination des politiques macroéconomiques.
- La modernisation et le renforcement du modèle social européen.
Le problème ne vient donc pas de l’Europe mais bien de la mise en œuvre par les pays des décisions communes des 15 membres de l’Union européenne.
Après mars 2000, la France (qui aime tant légiférer) a entrepris une longue discussion sociale (négociations de l’ANI qui se sont achevées pas un accord unanime en septembre 2003) débouchant sur cette fameuse loi de mai 2004, la loi pour la formation tout au long de la vie.
Pour symboliser cette entrée des travailleurs dans l’économie des savoirs et de l’information les partenaires sociaux ont inventé un droit inédit et révolutionnaire à plus d’un titre, le droit individuel à la formation.
Il s’agissait de prendre acte que dans la nouvelle économie qui se dessine, la formation et l’éducation deviendraient le principal avantage compétitif pour un pays que, plus que jamais, la formation devait se développer tout au long de la vie tandis que le modèle industriel de capitalisation des savoirs durant la seule jeunesse perdait de sa pertinence.
Cette invention du DIF (officiellement né de la loi du 4 mai 2004) devait symboliser l’acte II de la formation professionnelle moderne en France (l’acte I ayant été posé par Jacques Delors et Jacques Chaban-Delmas en 1971 avec le prélèvement de 1 % pour la formation ainsi que l’obligation pour les entreprises de se doter d’un plan de formation).
Le DIF est donc né sous les meilleurs auspices avec des partenaires sociaux et une représentation nationale unanimes pour le prôner, des branches professionnelles volontaires (ou peut être velléitaires) et des entreprises qui ont promis que, cette fois, la formation deviendrait vraiment universelle et accessible (comme un ticket-restaurant ou les congés payés), réalisable quelle que soit la position hiérarchique et sociale des salariés (notons que les non-salariés étaient encore ignorés par la loi).
Rien ne s'est malheureusement produit comme prévu (ou peut-être les choses ont-elles pris le tour que leur prédisaient quelques cyniques ou bons connaisseurs du social en France ?).
- L’appropriation du dispositif par les travailleurs a été très lente et très progressive (en 2005, première année de réalisation possible, personne ou presque n’avait entendu parler du DIF (hormis peut-être les services RH ou formation des entreprises).
- Les syndicats n'ont pas pu ou su jouer le nouveau rôle qui leur tendait pourtant les bras : conseiller, orienter, accompagner les travailleurs dans la formation tout au long de la vie, passer de revendications strictement matérielles ou quantitatives (des sous) à des revendications de qualité au travail, de développement professionnel partagé, de négociations sociales sur le développement de la qualification et des compétences.
- Une très grande majorité d’employeurs n'a pas joué le jeu. Assimilant encore la formation à un coût (et on cherche à réduire les coûts en pensant ainsi gagner en compétitivité), ils n’ont pas compris que le seul plan de formation ne suffirait plus à guider et à accompagner tous les travailleurs. Ceux-ci devaient se rendre plus autonomes et se responsabiliser. Toutefois, pour être responsable, il faut être deux, avoir au moins face à soi un employeur bienveillant et ouvert aux demandes éducatives.
- Les organismes de formation ont très vite (trop vite sans doute) jeté l’éponge. Le DIF ne prenait pas, il coûtait de l’argent mais ne rencontrait aucun écho parmi les travailleurs et les employeurs (il n’était pas rare que les OF développent moins de 1 % de leur activité dans le cadre du DIF).
Alors que nous avons brossé ce petit tableau du DIF (dont le taux de réalisation annuelle oscille au mieux à 8 % de réalisation dans les entreprises les plus entreprenantes et socialement avancées), tentons de réfléchir à ce qui s’est passé depuis les 13 années qui nous séparent de l’an 2000 (et de ce fameux sommet de Lisbonne).
Pourquoi reculons-nous dans le domaine économique et social depuis 2000 ?
Quelques rappels
- En 2000, la Chine était encore une puissance émergeante avec un PIB équivalent à celui de l’Italie. Désormais, elle est la deuxième économie mondiale derrière les États-Unis.
- En l’an 2000, la Chine ne figurait dans aucun classement international concernant l’éducation. En 2011, le classement PISA place en tête les deux villes-régions de Shanghaï et Hong Kong, devançant même la Corée du Sud.
- En France, notre commerce extérieur était positif en 2000 : 20 milliards d’euros d’excédents en 1999, 67 milliards de déficit en 2012.
- En France, il y avait officiellement 2,7 millions de chômeurs il y a 13 ans ; aujourd’hui, 3,22 millions de chômeurs (avec un rythme actuel de 400 000 nouveaux chômeurs par an).
Parmi toutes les explications à ce décrochage de la France (par rapport à la Chine ou aux États-Unis mais aussi par rapport à nos proches voisins, à commencer par l’Allemagne), il y a :
- un faible taux d’activité de la population (moins d’un habitant sur deux actif en France, contre 75 % aux États-Unis) ;
- un temps et une durée de travail parmi les plus faibles du monde (on commence à travailler à 25 ans en France et on s’arrête à 60 au mieux, tout en ayant beaucoup de jours de congés, d’arrêts maladie et une semaine de 35 heures) ;
- une conflictualité et une législation du travail qui jouent contre les embauches et la (nécessaire) mobilité des travailleurs ;
- Enfin et surtout, une trop faible qualification de nombreux travailleurs qui, souvent entrés avec un faible niveau d’éducation, ne se forment pas que ce soit de leur propre initiative ou de celle de leur employeur (qui préfère déléguer à la collectivité la remise à niveau des ses employés).
En 1996, Jacques Delors a publié un livre blanc sur l’éducation dont le sous-titre (emprunté à La Fontaine) était « l’éducation est un trésor ». Quinze ans plus tard, les français n’ont pas encore tous compris que sans de très importants efforts éducatifs (il est inadmissible qu’une majorité de travailleurs ne parlent pas anglais par exemple, alors que chez tous nos partenaires européens parler anglais est une évidence), notre déclassement économique ne pourra que s’accélérer.
Nous avons beau chercher dans tous les sens des solutions extérieures à nos problèmes économiques et sociaux, rien n’y fera si les Français ne comprennent pas (et n’en tirent pas toutes les conclusions éducatives) que dans la société de la connaissance et de l’information, les individus qui n’apprennent pas, les organisations qui n’innovent pas, les pays qui n’avancent pas, tous ceux-là risquent un déclassement durable et irréversible.
Relancer l’économie ne se fera pas à coups de grands travaux (on refait la façade) mais par une reconstruction totale et sans délai de toutes nos institutions éducatives. Ce n’est pas d’un coup de barbouille dont a besoin l’éducation en France mais d’un total changement de paradigme.
Pour le monde du travail, par exemple, c’est par une forte élévation du niveau éducatif de la grande masse des travailleurs que nous pourrons imaginer les produits et services du futur et nous insérer sans dommage dans la société de la connaissance.
Au temps industriels des XIX et XXèmes siècles, quand les entreprises étaient organisées comme l’armée (romaine), il était sans doute nécessaire de dégager une élite via les grandes écoles. Aujourd’hui, ce n’est plus de généraux super formés que nous avons besoin mais de troupes parfaitement entraînées à faire fonctionner leur cerveau, qui pourront changer s’adapter, apprendre et reprendre sans cesse le chemin des apprentissages.
Le futurologue américain Alvin Toffler (dans son ouvrage La troisième vague) écrit que « l’illettré du futur ne sera pas celui qui ne sait pas lire, ce sera celui qui ne sait pas apprendre ».
Dans un pays qui compte encore près de 3 millions d’illettrés (dont 50 % travaillent), comment, quoi et avec qui pourrons-nous apprendre ?
Pas encore de commentaires