Les vertus du modèle économique des mutuelles
Jean-Hervé Lorenzi (président du Cercle des économistes) et Olivier Pastré (professeur à l’Université de Paris VIII) y décrivent les atouts des sociétés de personnes mais également les défis qui les attendent.
Le dernier numéro de la revue Afim de la Mutualité Française s'y attarde de nouveau.
Face à des entreprises capitalistiques et aux « dérives » provoquées par « la recherche d’une rentabilité maximale pour les actionnaires », le modèle d’entreprise à but non lucratif « paraît particulièrement adapté à une période de crise », estiment-ils. Trois « axiomes du mutualisme » sont ainsi mis en lumière. D’abord, « la non-obsession du dividende versé aux actionnaires », qui « permet a priori d’éviter une prise de risque excessive ».
Deuxième atout : la « priorité donnée au long terme dans une période où le court-termisme a fait de graves dégâts ». Enfin, « une attention donnée aux populations (d’entreprises comme de ménages) que le jeu spontané de l’économie de marché sert mal ou difficilement ».
Assez curieusement, Jean-Hervé Lorenzi et Olivier Pastré n’emploient jamais le terme d’« économie sociale et solidaire » mais parlent alternativement du « mutualisme » ou du « mouvement coopératif ».
Mais c’est bien d’ESS qu’il s’agit, à charge pour les mutuelles, coopératives, associations et fondations d’associer les deux chroniqueurs en novembre prochain, à la nouvelle édition du « mois de l’ESS ».
Du côté des défis, trois pistes sont dégagées pour favoriser un « aggiornamento » du modèle des sociétés de personnes.
- En premier lieu : la gouvernance. « Il faut remettre le sociétaire au cœur du processus décisionnel sans alourdir trop la prise de décision qui, en période de crise, se doit d’être particulièrement réactive », écrivent-ils.
- Deuxième fil directeur : « la lutte contre les inégalités et l’engagement de long terme ».
- Dernier conseil : il faut que « les mutualistes de tous secteurs se parlent pour faire entendre leur spécificité ». « Par méconnaissance autant que par conformisme, les nouvelles réglementations sont conçues en référence à la société par action », observent les deux chroniqueurs. Cela a été le cas au départ pour la directive Solvabilité 2 dans le domaine des assurances.
Gouvernance des mutuelles, prise en compte de leur rôle social et des spécificités de leur modèle économique : ces trois domaines relevés par Jean-Hervé Lorenzi et Olivier Pastré rejoignent les préoccupations du mouvement mutualiste, tels qu’il les a exprimées en juin dernier lors de son congrès de Nantes.
À cette occasion, le Président de la République s’est engagé à ouvrir une réforme du code de la mutualité.
Objectif : adapter les règles qui régissent les mutuelles et leurs activités pour que les mutualistes continuent de proposer à la société un modèle économique différent du modèle capitaliste.
De ce point de vue-là, la balle est dans le camp des pouvoirs publics.
Dans le même numéro des Échos , le journaliste Laurent Thévenin donne la parole à Daniel Havis, président du groupe Matmut, qui commente le développement de sa structure consacrée à la santé.
La mutuelle de la branche des industries électriques et gazières, la Mutieg rejoint en effet l’Union de groupe mutualiste (UGM) formée par Matmut Santé Prévoyance et Ociane, importante mutuelle du Sud-Ouest. L’UGM ainsi composée comptera « 1 million de personnes protégées pour 400 millions d’euros de cotisations en santé ». L’autre grand dossier pour la Matmut « reste la reconstruction de la société de groupe d’assurance mutuelle Sferen avec la seule Macif, après le départ de la Maïf en 2014 », observe Les Échos.
Les deux acteurs mutualistes passeront à Solvabilité 2 « chacun de son côté ». « Nous allons demander à bénéficier de la période transitoire pour Sferen. Nous envisageons d’être dans la configuration Solvabilité 2 Sferen pour janvier 2018 », précise Daniel Havis. On retiendra aussi l’analyse du président de la Matmut sur les techniques de « segmentation » du marché et sur la nécessité de se développer pour garantir une bonne répartition des risques : « Je ne crois pas à la segmentation. C’est un argument marketing mais cela ne peut pas être un outil de développement car cela va à l’encontre de la mutualisation, qui est le principe même de l’assurance. Pour pouvoir mutualiser, il faut pouvoir conserver des volumes significatifs », estime-t-il.
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