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27 / 05 / 2014 | 22 vues
Jacky Lesueur / Abonné
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Les monnaies locales : une réponse aux périodes de crise et un moyen de recréer du lien social ?

Clarisse Josselin a fait de ce sujet un dossier spécial dans le numéro de la revue FO Hebdo de la semaine dernière, le phénomène (dont le concept qui semble relativement ancien) ayant tendance à se développer sous différentes formes que l'auteur s'est attaché à décrire. Qu'en est-il exactement et que peut-on en dire ?

Le sol, l’abeille, l’eusko... Autant de monnaies complémentaires qui servent à régler localement ses achats, sans passer par l’euro. Certains y voient une solution pour contrer la crise en relocalisant l’économie, d’autres un moyen de recréer du lien social et de la solidarité.

Dans une trentaine de communes de France, il n’est plus obligatoire d’avoir des euros en poche pour boire un café ou acheter un kilo de pommes. On peut désormais payer en « euskos » au Pays basque, en « sols-violette » à Toulouse ou en « mesures » à Romans-sur-Isère.

La première monnaie locale complémentaire, l’abeille, a fait son apparition à Villeneuve-sur-Lot en 2010. Depuis, des dizaines de projets (dont beaucoup sont encore en gestation) ont fleuri sur tout le territoire.

Ces monnaies, dont l’utilisation est limitée à une zone géographique bien définie, ne font pas concurrence à l’euro mais circulent en complément, d’où leur appellation de monnaies complémentaires. Elles sont d’ailleurs pour la plupart indexées sur la monnaie nationale. Elles peuvent être matérialisées sous forme de coupons-billets ou numérique pour des transactions sur internet.

Elles ne sont pas soutenues par le gouvernement national ou une banque centrale mais sont créées par des associations dans le cadre d’un projet de développement durable. Les euros versés pour acheter ces monnaies locales sont assurés par un fonds de garantie ou par la municipalité, comme à Toulouse.

Ce sont des monnaies militantes. Leur ambition est avant tout de redynamiser le tissu économique et les échanges sur un territoire donné. Leurs utilisateurs s’engagent à respecter un certain nombre de valeurs sociales, écologiques et éthiques. Elles permettent de relocaliser l’activité en privilégiant les petits producteurs et magasins par rapport aux grandes surfaces et à l'e-commerce et visent à créer de l’emploi.

Les acteurs de la grande distribution et les producteurs industriels en sont généralement exclus. L’argent, qui n’a cours que sur le territoire, ne risque pas d’en sortir et favorise la création de lien social.

Favoriser un autre type de consommation

Autres atouts, les circuits courts permettent de limiter les conséquences écologiques des échanges. Généralement, une partie des euros convertis en monnaie locale sont réinvestis dans le tissu associatif ou solidaire du territoire. La spécificité de l’eusko, au Pays basque, est aussi de promouvoir la culture locale sous toutes ses formes.

Les commerçants engagés dans l’aventure doivent privilégier les produits locaux et assurer un accueil écrit ou oral en langue basque. Enfin, ces monnaies visent à redonner à l’argent son rôle premier, celui de favoriser les échanges, loin de toute spéculation.

Pour inciter les utilisateurs à ne pas épargner et faire circuler l’argent plus vite, certaines d’entre elles, comme le sol-violette à Toulouse, sont « fondantes ». Elles perdent de la valeur au fil des mois.

On recense aujourd’hui 5 000 monnaies locales dans le monde. Le concept ne date pas d’hier, il remonterait au XIXème siècle. Mais elles ont toujours surgi en période de crise économique, lorsque la monnaie nationale perd en crédibilité ou que les crédits viennent à manquer.

Beaucoup ont émergé à la suite de la grande crise de 1929, notamment en Allemagne et en Autriche. Le WIR, créé en Suisse en 1934, est toujours en circulation. Elles se sont aussi développées en Argentine durant la crise des années 2000 et se multiplient actuellement en Grèce.

En France, elles répondent surtout à des préoccupations idéologiques liées au développement durable et à la création de lien social. À Toulouse, la mairie distribue même une petite partie des prestations sociales en monnaie locale, pour encourager ses bénéficiaires à consommer autrement.

Si les projets se multiplient, leur démarrage est lent et fédère souvent des militants déjà convaincus. Lancée en janvier 2013, l’eusko est la monnaie locale qui remporte le plus de succès dans l’Hexagone. Émise à 350 000 unités, elle a séduit près de 550 commerçants, entreprises et associations et plus de 2 000 utilisateurs pour un territoire de 300 000 personnes.

Elle a aussi permis la création de 6 emplois.

Un rapport ministériel en juin

Le phénomène, porté par le milieu associatif, semblait jusqu’à présent déconnecté des pouvoirs publics, même si ses créateurs doivent se conformer strictement à la législation .Les monnaies complémentaires étaient absentes du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire présenté l’été dernier en Conseil des ministres et qui vient d' être voté prochainement à l’Assemblée nationale.

Le gouvernement a récemment décidé de se pencher sur la question, afin de réparer ce qui ressemble à un oubli.

Fin février, l’ancienne ministre de l’Égalité des territoires, Cécile Duflot, et le ministre de l’Économie sociale et solidaire, Benoît Hamon, ont lancé une mission d’étude exploratoire sur les monnaies alternatives à l’euro. Elle a été confiée à Jean-Philippe Magnen, vice-président du Conseil général des Pays-de-la-Loire, et à Christophe Fourel, expert à la Direction générale de la cohésion sociale.

Tous deux auront pour mission de mesurer les conséquences des monnaies locales complémentaires sur le développement économique et social des territoires. Ils dresseront aussi un état des lieux des différents systèmes de monnaies alternatives mis en place, comme les groupes de troc ou encore les systèmes d’échanges locaux (SEL), ou encore le très décrié bitcoin numérique.

Ils devront évaluer les blocages en termes juridiques et fiscaux et identifier les risques et avantages liés au développement de ces dispositifs pour les particuliers, les entreprises, les collectivités, l’État...

Leur rapport est attendu pour le mois de juin. À suivre...

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