Les dessous de l’assistance psychologique aux salariés
Les femmes sont les plus nombreuses à appeler le service d’assistance psychologique aux salariés que propose le cabinet Psya aux directions. En effet, 60 % des appels proviennent des femmes, 25 % concernent des séparations et 20 % émanent de salariés en arrêt maladie de longue durée. Les cadres sont aussi de plus en plus enclins à appeler.
Depuis près de 16 ans, les psychologues de Psya accompagnent au téléphone mais aussi en face à face au cours de permanences sur site les salariés mais aussi leur famille dans des situations exceptionnelles, comme à la suite des attentats de novembre 2015. Globalement, la part des appels motivés par des raisons professionnelles reste majoritaire mais le ressort est extra-professionnel dans 40 % des cas. C’est d’ailleurs ce qui a conduit Psya à mettre en place une cellule d’assistance sociale de 5 personnes susceptibles d’accompagner les salariés en matière de logement, divorce ou encore surendettement. La porte d’entrée reste psychologique mais les 19 psychologues du cabinet sont ensuite susceptibles d’orienter vers les assistances sociales de la cellule spécifique ou vers les relais internes propre à l’entreprise cliente.
Rassurer les salariés sur la légitimité de leur demande
Cette capacité à faire le lien entre un accompagnement psychologique externe et les relais internes a en effet bien été la pierre angulaire du café social du 14 avril organisé par Miroir Social grâce au soutien de Psya.
« Nos psychologues aident les salariés à exprimer leurs demandes. Nous les préparons en quelque sorte à devenir les acteurs du changement. » « Nos psychologues sont là pour rassurer les salariés sur la légitimité de leurs demandes auprès, selon les situations exposées et les forces en présence, de la DRH, du manager, des institutions représentatives du personnel et bien entendu des assistances sociales de l’entreprise, pour que les choses se passent mieux. Ils aident les salariés à exprimer leurs demandes. Nous les préparons en quelques sorte à devenir les acteurs du changement », explique Maria Ouazzani, responsable du pôle accompagnement de Psya. Cette capacité des psychologues à progressivement libérer la parole des appelants auprès des bons interlocuteurs en interne fait l’objet d’un suivi intégré au reporting livré aux directions. Nombre d’appels, typologie, catégorie socioprofessionnelle, métiers et sexe sont autant d’éléments anonymisés qui nourrissent celui-ci. Encore faut-il que les appelants acceptent de communiquer ces informations. « Le bilan que nous fournissons n’est pas un audit qui permet de tirer des conclusions. C’est un plus pour guider la réflexion mais il ne faut pas perdre de vue qu’une minorité de salariés va faire la démarche de nous appeler », précise Maria Ouazzani. Certains appels visent parfois clairement à étoffer des dossiers de contentieux mais ils n’ont aucune valeur face au juge car le travail de la psychologue ne vise pas à acter des faits, comme c’est le cas d’une expertise. Chaque semaine, une réunion d’équipe réunit tous les psychologues pour échanger sur les pratiques par ailleurs supervisées par une psychologue externe.
De l’individu au collectif
Hewlett Packard Enterprise (HPE) n’a pas décidé de faire appel à Psya en 2010 dans un contexte de réorganisation. « C’était une évolution logique dans notre démarche de prévention de RPS qui a commencé dès les années 2000 avec une étude menée par l’ANACT », précise Caroline Garnier, DRH France de HPE dont les quelque 3 000 salariés bénéficient de l’assistance téléphonique (entre 20 et 30 appels par mois) et d’une permanence de psychologues, très appréciés, sur les principaux sites. « Les salariés des petits sites, eux, n’ont pas accès aux permanences sur site ; nous réfléchissons à un élargissement de l’accompagnement en leur permettant de consulter des psychologues libéraux du réseau Psya en face à face », annonce Caroline Garnier. L’accompagnement ne se limite pas à Psya chez HPE. Il y a, par exemple, outre le suivi des services de santé au travail et les commissions paritaires de prévention des RPS, le programme Boost qui vise à accompagner des salariés, clairement identifiés par la DRH, qui conjuguent des problématiques tant professionnelles, personnelles que médicales et qui peuvent bénéficier s’ils le souhaitent d’un coaching de 30 heures. En outre, depuis 2014, dans le cadre des programmes de gestion du bien-être et de la qualité de vie au travail d’HPE, des sessions de mindfullness sont aussi proposés aux salariés et plus récemment à 2 groupes de managers pour mieux s’éveiller à la pleine conscience et également apprendre à la mettre en pratique dans l’exercice managérial, sachant que HPE est partenaire de la chaire spécifique de l’École de management de Grenoble (GEM). Autant d’approches axées sur l’individu. La possibilité de faire intervenir la clinique du travail avec la participation d’Yves Clos (chaire de psychologie du travail du CNAM), la cellule d’intervention RH ou les commissions paritaires de prévention des RPS, représente cette fois l’occasion d’agir collectivement afin de remobiliser le travail d’équipe et de redonner un sens au collectif, de retrouver un fonctionnement assaini du travail quand un service se trouve désorganisé avec des tensions à la clef.
Accompagnement en réseau
« Il ne faut surtout pas attendre l’extrême limite pour appeler. »« Le panel des relais susceptibles d’aider des salariés en difficulté est large mais malheureusement méconnu des salariés. C'est le rôle des délégués sociaux d’entreprise que nous sommes en train de former que de pouvoir être en mesure d’écouter les salariés et les orienter vers les bonnes personnes », explique Jean Paul Vouiller, délégué syndical central CFTC d'HPE. Une vingtaine de délégués sociaux a ainsi déjà suivi une formation de 2 jours qui est une adaptation de l’approche quebécoise du syndicat FTQ, qui bâtit, depuis 20 ans, un réseau de 3 000 délégués sociaux dont les missions ne recouvrent pas celle des délégués syndicaux. Selon Jean-Paul Vouiller, « la force des délégués sociaux tient dans l’effet de réseau qui permet d’optimiser le partage des ressources susceptibles d’aider les salariés en difficulté ». Le délégué social, voilà un relais interne de plus à identifier pour les psychologues de Psya. Et Maria Ouazzani de préciser qu’« il ne faut surtout pas attendre l’extrême limite pour appeler ». Quand ça se produit, rarement, le devoir d’alerte des services d’urgence s’impose. L’anonymat est alors de fait levé par des psychologues qui savent évaluer le risque de passage à l’acte suicidaire. Un exercice difficile.
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