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23 / 12 / 2010 | 76 vues
Rodolphe Helderlé / Journaliste
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Les bons, les brutes et les truands du marché des risques psychosociaux

À la SNCF, la CFDT refuse de voir Sopra Consulting (ex-Orga consultants) et Obifive intervenir au niveau de la direction commerciale où circule la rumeur d’un plan de réduction des effectifs des vendeurs et télévendeurs. Un principe de « précaution managériale », dixit le syndicat. Ces cabinets étaient en effet intervenus dans le cadre du plan Next pour concocter les messages managériaux censés faire comprendre aux salariés de France Télécom que la mobilité professionnelle ne pouvait que leur être bénéfique. Les suicides l’ont illustré. Voilà deux prestataires qui n’ont pas déposé une demande d’agrément comme experts CHSCT.

Des cabinets de conseil qui demandent l'agrément d'expert CHSCT

Mais d’autres membres de Syntec Conseil en management l’ont fait cette année afin de pouvoir intervenir à la demande des représentants des salariés et plus seulement à la demande des directions pour accompagner les réorganisatrions et autres restructurations. C’est le cas d’IDRH et de BPI.

« Dans le cadre d’une restructuration, la direction comme les syndicats doivent être d’accord sur le choix de l’intervenant. Et nous sommes capables de convaincre des syndicats de notre compétence. Il est rare qu’une direction choisisse un cabinet proche des représentants des salariés dans le seul but d’acheter la paix sociale. Cela fait deux ans que nous proposons une offre axée sur les risques psychosociaux mais le sujet des conditions de travail n’est pas nouveau pour nous, au travers par exemple des audits de climat social », explique Nadine Chartier, responsable de l’activité risques psychosociaux chez BPI.

Le 9 décembre dernier, les partenaires sociaux siégeant paritairement au Conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) ont donné leur avis sur plus de 40 dossiers de candidature à un premier agrément d’expert CHSCT, délivré in fine par le Ministère du Travail.

  • Portés par les risques psychosociaux, les dossiers se sont multipliés avec une qualité très inférieure aux années précédentes.

La nouvelle liste des cabines agréées pour intervenir dans le cadre des recours à expertise des CHSCT sera connue début janvier. Y aura-t-il des surprises ? C’est la capacité des cabinets à développer une prévention primaire, celle qui combat le risque à sa source, avec une approche collective fondée sur l’organisation du travail, qui reste la clef pour obtenir l’agrément dont se prévalent pour le moment seulement 74 prestataires.

Les approches paritaires se multiplient

Mais la prévention des risques psychosociaux dépasse largement le cadre des recours à expertise CHSCT, puisque les directions prennent de plus en plus l’initiative de faire appel à des intervenants. Et sur ce sujet, les lignes bougent. Les clivages sont de moins en moins marqués entre les prestataires étiquetés « direction » et ceux étiquetés « syndicat ». Régulièrement BPI se retrouve ainsi en compétition avec des cabinets agrées CHSCT dans le cadre de missions demandées par des directions. Dans la branche des Caisses d’Épargne, l’accord a référencé deux prestataires susceptibles d’intervenir. Chaque entité pourra choisir Stimulus ou bien Secafi... Le premier, expert CHSCT non agréé, portant une étiquette « direction » tandis que le second, agréé CHSCT, porte celle des « syndicats ». Des étiquettes forcément réductrices car directions et syndicats font désormais converger leurs approches.

Le modèle de cahier des charges partagé en risques psychosociaux, que finalise le Ministère du Travail, en associant les prestataires de tout bord, préconise bien aux directions une approche « paritaire » associant les représentants des salariés tant dans le choix des intervenants que dans le pilotage de la mission. Un premier pas vers une modification du droit du travail pour introduire la codécision dans les CHSCT, avec appel d’offres à la clef ? Pour lancer une expertise, la direction et les instances représentatives du personnel devraient ainsi s’entendre sur le choix du prestataire, le périmètre et la nature de sa mission...

  • Le futur « document d’appui » du Ministère du Travail vise aussi à « éclairer » des directions « qui s’interrogent sur la qualité de l’offre de nombreux cabinets, consultants et intervenants, affichant une expertise en risques psychosociaux depuis le lancement du plan d’urgence pour la prévention du stress en octobre 2009 ». Le marché des risques psychosociaux a effectivement explosé. Notamment sur le marché de la prévention secondaire, celle qui renforce la capacité individuelle des salariés à faire face au stress. L’innovation est à l’honneur mais parfois cela confine au n’importe quoi. Comme Veps qui commercialise par exemple un mystérieux émetteur « d’ondes vives » censées réguler le stress et apporter le bien-être...

Le « métier » peine à se fédérer

Le « métier » de la prévention des risques psychosociaux cherche aussi à se structurer. Une Fédération des Intervenants en Risques Psychosociaux (ou FIRPS), initiée en catimini par six cabinets (IAPR, Ifas, Stimulus, Psya, Capital Santé, Artelie Conseil), dont aucun n’est agréé expert CHSCT, a ainsi vu le jour avec l’idée de travailler sur une charte d’éthique et de déontologie. Pas question de laisser entrer des représentants de disciplines plus ou moins alternatives  pour le motif de la déontologie. Au regard des statuts, la porte est aussi fermée aux nouveaux entrants, porteurs de nouvelles approches, certes parfaitement éthiques mais qui ne leur permettraient pas encore de dépasser la barre des 300 000 € de chiffre d’affaires. « Tout cela manque d’ouverture », déclare ainsi Victor Waknine, fondateur du cabinet Mozart Consulting qui propose un pilotage global de la performance au travers une série d’indicateurs socio-économiques.

  • Le bureau de la FIRPS s’est aussi donné les moyens de bloquer des cabinets de conseil en management, soucieux de se diversifier, comme BPI ou IDRH, ou à des cabinets spécialisés dans la réduction des coûts, comme Alma Consulting, en décidant qu’il fallait réaliser au moins 50 % de son chiffre d’affaires en prévention des risques psychosociaux. L’occasion de bloquer au passage les cabinets d’expertise agréés CHSCT. La représentativité du bureau de cet embryon de fédération a d’ailleurs été largement contesté par ces derniers.

Face à la fronde, les représentants de la FIRPS se seraient engagés à revoir la composition du bureau et les statuts. Des cabinets agréés rejoindront-ils le mouvement d’unification des acteurs de ce nouveau marché ou choisiront-il de lancer leur propre initiative ? Les discussions croisées sont en cours... En attendant, il appartient aux directions comme aux représentants des salariés de s’approprier davantage le sujet des conditions de travail indépendamment du recours à des cabinets externes, d’où qu’ils viennent.

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